Eun Bin était figée sur place. Elle ne savait pas où se mettre, puisqu’elle n’avait aucune échappatoire, étant donné qu’elle était en plein milieu de la rue, devant un garage - d’ailleurs, depuis quand il y avait un garage ici ? Elle avait complètement oublié son existence. Ou bien est-ce que son inconscient l’avait volontairement amené ici pour qu’ils se recroisent ? Mais cela fait tellement longtemps, tellement d’années, qu’elle aurait préféré se préparer avant. Après tout, il avait été comme son meilleur ami. Ils s’étaient souvent côtoyés quand ils étaient enfants. Après tout, leurs parents se connaissaient et ils se voyaient régulièrement. Et puis, en réalité, ils avaient échangé, parfois, pendant son exil hors Gwangju. C’était rarement arrivé, mais il ne l’avait pas lâché durant toutes ses années. Il avait été présent, même si c’était dans la distance.

Elle ne pouvait pas détacher son regard de lui, plongé dans ses souvenirs : elle était en train de repenser au passé, quand son père et son frère étaient encore présents auprès d’elle. Même s’ils ne sont pas très loin. Elle sent leurs présences, comme toujours. Ce qui ne l’empêche pas de se sentir mal, comme si son estomac se tordait dans tous les sens. Comme si une crise de panique se profilait, sans pour autant se manifester. Peut-être parce que ce n’était pas n’importe qui ? Peut-être qu’il avait, comme Yong Sun, cette capacité de la rassurer ? De l'empêcher de sombrer ?

Mais en plus de se rappeler de son père et de son frère, il lui rappelle la partie de ses origines qu’elle souhaite oublier. Parce que ce sont les origines thaïlandaises de sa mère, et que depuis ce qu’elle a commis, Eun Bin renie cette part d’elle, car elle ne peut pas, elle ne veut pas avoir quelque chose qui lui rappelle cette horrible femme. Pourtant, avec lui, elle n’aura pas le choix que de se souvenir qu’elle est à moitié thaïlandaise, et de regarder ses origines en face. Et si finalement, c’était un mal pour un bien ? Si elle avait besoin de revoir pour faire face à certains de ses traumas qu’elle a encore en elle, et qui ne se résume pas à une origine ? Et s’il allait faire partie de ces gens qui allaient l’aider à guérir ? Mais pour le savoir, encore fallait-il arriver à entrer en contact avec lui. Ce qui n’était pas donné, puisqu’elle était encore figée sur place, à regarder Kit qui était de l’autre côté du trottoir, dans le fameux garage.

Les jours défilaient, les voitures s'enchaînaient et ta vie continuait ainsi. Quelques moments un peu plus mémoriaux venaient surprendre ta petite routine mais rien de fou. Il y avait bien cet homme qui semblait souvent affolé, qui avait réussi à te faire gagner ces réflexes; le regard à droite puis à gauche. Des idées un peu farfelues passant dans ton crâne. La vigilance plus grande qu'autre fois, tu n'en étais pourtant pas totalement ronger. Préférant tout de même penser à ton métier en oubliant les alentours. C'est exactement ce qu'il se passait aujourd'hui où tu tractais ton corps de sous une voiture fraîchement réparée. Les mains encore noires tu te relevais de cette planche à roulette pour essuyer le cambouis sur ton pantalon de travail. Une merveilleuse invention le bleu.

Après quelques minutes à parler avec tes collègues tu revenais dans l'entrée du garage remplissant quelques papiers, l'esprit encore concentré, mais bien plus conscient de ce qui t'entourait. C'est sûrement à ce moment qu'un sentiment d'être regardé te prit. Une brûlure presque lancinante qui venait te faire relever le nez. Sans pouvoir l'expliquer tu étais sûr de sentir un regard sur toi, une personne de près ou de loin. Le garage étant vide ton regard se porta à l'extérieur, les gens passant sans même te prêter attention. C'est plus loin que tu te perdis, retrouvant un regard bien familier. Une silhouette pourtant vue il y a quelques années. Son nom traversait tes lèvres jusqu'à lors closes. Le stylo déposé, ou plutôt lâché par la surprise, tu quittais rapidement le garage, te retrouvant alors face à elle, séparés par des voitures qui ne cessaient de continuer leur route.

Une scène digne d'un grand film, que tu venais pourtant briser d'un sourire presque trop grand, une main levée qui venait brasser l'air dans un signe de distinction. "Eun Bin !! " Elle aurait peut être souhaiter t'oublier, te rayer de sa vie comme si tout n'était qu'un mauvais rêve, mais tu n'avais jamais abandonné. Loin d'être un homme qui collait les autres tu avais juste tenter de garder contact. Aujourd'hui de la savoir rentrée au pays, tu ne pouvais plus retenir cette envie que tu avais eu de la revoir. Elle avait été ta première amie, celle qui te comprenait mieux que personne. " Ne t'enfuis pas Eun Bin j'arrive. " Et si elle voulait fuir encore une fois tu ne pourrais l'empêcher. Mais aujourd'hui tu essayais simplement de revenir à ses côtés. Alors tu attendais une accalmie pour traverser, les yeux occupés à vérifier la route.

Ça y est, il l’avait repéré. Eun Bin aurait préféré qu’il ne la remarque pas, qu’elle puisse s’enfuir et continuer sa vie sans ce bout de son passé. Mais au fond d’elle, elle sait qu’elle aurait regretté son choix, et qu’elle serait sans doute revenue pour prendre son courage à deux mains et saluer son vieil ami. Donc au final, l’enchaînement des événements tel qu’il se fait maintenant est le plus logique, le plus juste.

Un léger sourire prend place sur son visage quand Kit sort du garage et qu’il l’appelle. Le son de sa voix lui avait manqué. Sa personne en entier lui avait manqué. Finalement, c’est un sentiment heureux et positif qui s’empare d’elle quand elle le voit. Il semble être en forme, ce qui la rassure énormément. Après tout, après tellement d’années, beaucoup de choses peuvent changer. Mais Kit semblait toujours être le même. Son cœur se serre quand il lui demande de ne pas s’enfuir. Est-ce que c’est comme ça qu’il a perçu son départ après l’incident ? Cela lui fait prendre conscience que lui a peut-être aussi souffert de tout ce qu’il s’est passé. De son départ et de la distance qui les séparait. Elle ne voulait plus qu’il souffre. Elle voulait retrouver son ami d’enfance. Elle voulait essayer de rattraper le temps perdu. Alors, un sourire un peu plus grand prend place sur son visage, et elle lui crie en retour : “Je ne vais pas m’enfuir, alors fais attention !” Elle aussi, commence à regarder la circulation avec attention, et quand elle a l’opportunité de traverser, -téméraire comme elle est, c’est juste mais ça passe-, elle rejoint son ami et referme les bras qu’elle avait grand ouvert sur lui, pour lui faire un énorme câlin et les faire tourner sur eux-mêmes, comme ils faisaient quand ils étaient se retrouvaient quand ils étaient plus jeunes, en riant. Un rire franc et sincère. La boule d’angoisse était encore dans son ventre, mais elle était moins présente qu’il y a quelques minutes.

Il faut bien s’arrêter de tourner à un moment. Eun Bin remet ses cheveux en place avant de regarder le thaïlandais. “Bonjour Kit. Ca fait longtemps.” Maintenant qu’elle était proche de lui, elle pouvait voir à quel point il avait grandi, changé. Il avait encore des traits d’enfant, mais il était devenu un bel et grand jeune homme. “Comment tu vas ?”

Le temps s'était écoulé comme toute chose, rapidement ou lentement, chacun en avait une idée. Mais rien ne valait de retrouver cette personne perdue de vue. Ce n'était pas n'importe qui, cette silhouette aperçue par hasard. Une maie de vieille date qui faisait tambouriner ton palpitant dans une excitation enfantine. Comme voir le père noël dans le centre commercial du coin pour la première fois. Un rapide mot pour tes employés et tu te jetais presque en dehors du garage. Elle était proche et loin à la fois. Un sentiment presque de malaise t'emportant. Un vide qu'elle avait créé en partant se manifestant. Fuir. C'était comme ça que tu l'avais interprété, laissé avec toi même en imaginant sa vie à l'autre bout de la planète.

Cependant dire que tu lui en voulais ne serait pas juste. Elle t'avait manqué. C'était là le plus important tandis que tu cherchais un moyen de la rejoindre au plus vite. Foutue angoisse. Mais ce fut sa voix qui te stoppas, ses pas qui réduisaient la distance et ses bras qui t'enlacèrent. Un petit choc pour des mois et mois sans elle. Un instant légèrement sonné pour comprendre que tout cela était réel. Ce tourbillon que vous formiez comme deux grands enfants dans la rue n'était pas le fruit de ton imagination qui ressassait un passé lointain mais bien un présent presque maladroit. Et malgré la joie qui t'envahissait de retrouver une partie de toi à travers ta meilleure amie tu ne pouvais t'empêcher de te poser de nouvelles questions. Et si tu n'avais pas tourner la tête. Si tu ne l'avais pas vu, pas accoster. Serait elle venue comme elle le faisait actuellement ? Cela importait maintenant peu.

Le mouvement se stoppant avant que vous ne soyez trop affecté, tu te mis à l'observer, le sourire bien grand, imitant celui que tu voyais sur son visage. " Ca fait bien trop longtemps !" Un temps qui ne se comptait plus. Le temps continuer de s'écouler et avec les années se voyaient doucement sur vos visages. L'air mature, le regard plus lumineux ou plus sage. Une hauteur qui te permettait de taquiner. " Ca va bien et toi ? Tu as rétrécis au lavage ? " La main passant aisément au dessus de sa tête au niveau de ta vision, c'est un rire qui brisa ce sérieux. "Je rigole ! Viens boire un café instantané dans ce magnifique lieu de poussière et de cambouis ! C'est moi qui invite. " Un bon café soluble pour de grandes retrouvailles, que demandait le peuple ? La main serrant son poignet sans force tu l'amenas à ta suite, de peur de la perdre une nouvelle fois.

Elle pouvait deviner sa surprise, sa joie, ses angoisses et tous les sentiments qui le traversaient actuellement, car les mêmes la traversait également. Revoir Kit faisait moins mal que d’autres personnes qu’elle avait revu. Elle ne pouvait pas expliquer le pourquoi du comment, c’était juste un fait. Pourtant, il l’avait aussi vu quand elle était au plus mal. Il avait aussi été présent pendant l’enterrement, pendant son départ. Il ne l’avait pas abandonné, il avait continué de prendre des nouvelles d’elle. Elle trouvait la force de lui répondre, parfois pas. Leurs échanges s’étaient espacés jusqu’à quasiment s’arrêter. Juste une petite lettre de temps en temps, lors des anniversaires ou des fêtes importantes. C’était sans doute méchant mais durant toutes ses années loin de Gwangju, cela lui avait suffit. Maintenant qu’elle revoyait Kit, qu’elle se trouvait en face de lui, qu’ils s’étaient retrouvé, qu’elle l’avait pris dans ses bras, elle se rendit compte que non, ce n’avait pas du tout été suffisant. On parlait de son ami d’enfance, celui avec qui elle avait grandi et partagé un tas de choses. Elle avait été injuste et égoïste de le tenir ainsi éloigner, mais elle l’avait fait avec tout le monde. Ou presque. Mais c’était différent avec Yong Sun. Leur relation était différente.

Elle se mit à penser aux parents de Kit. Comment allaient-ils l’accueillir ? Va-t-elle être prête à les revoir après tant d’années ? Est-ce que leur regard sur elle a changé ? Celui de leur fils semble toujours le même à son égard, alors elle espérait que celui des parents allait l’être également. “Oui, je sais…” lui répond-t-elle en se mordant la lèvre. Elle se sentait soudainement gênée et coupable. Mais rapidement, ses deux émotions se dissipent, devant l’humour inchangé de son ami et un grand sourire prend place sur son visage : “la naine, même si tu n’emploi pas ce terme je l’ai vu passé dans ta tête, que je suis va bien. Et c’est plutôt toi qui a été étiré ! La fin de l’adolescence t’a bien gâté dis donc !” Et elle décide à son tour de se montrer taquine. “Niveau beauté aussi tu as été gâté. Bon, ce n’était pas difficile de faire pire que toi enfant” dit-elle en lui tirant la langue. Est-ce qu’elle disait la vérité ? Non, bien sûr que non. Kit avait toujours été beau et charmant, depuis son plus jeune âge. Mais hors de question qu’elle se laisse faire sans répliquer. Elle rit à son tour. Elle avait l’impression que leur dernière rencontre remontait à hier.

“Je ne peux pas refuser de toute façon je suppose ?” Question purement rhétorique car jamais elle n’aurait osé refuser son invitation. Elle suit le jeune homme et remarque rapidement qu’il serre son poignet, et les larmes montent à ses yeux. Avec ce geste, elle avait la confirmation qu’il avait souffert de son départ et qu’il avait peur qu’elle s’en aille à nouveau. Alors doucement, elle pose délicatement ses doigts sur le poignet de Kit et le fait lâcher sa prise. En silence, elle entrelaça leurs doigts ensembles. Elle lève alors son œuvre devant les yeux de son ami et, en se retenant de pleurer, elle le regarde les yeux humides. “Je ne pars plus. Je ne te quitte plus. Je ne t'abandonne plus. Je t'en fais la promesse.” De sa main libre, elle essuie la larme qui coule de sa joue et tente un sourire joyeux. “Bon aller, le café ne va pas se faire tout seul…”

Les années s'écoulaient étrangement vite. Comme défilant devant vos yeux avant même que vous puissiez y faire quelque chose. Mais le manque restait, on s'habituait, comme tu avais fini par t'habituer à son absence, mais on regrettait les jours d'avant. Une nostalgie qui prenait place et qui faisait écrire, appeler, ou bien juste penser. Les évènements tragiques n'avaient pas aidé. Ce n'était pas un film, ni une romance inventée pour plaire mais bel et bien la vie de personnes. Des gens blessés que tu ne pouvais retenir de peur de les briser un peu plus. Alors, il restait à leur souhaiter bon courage, de ne pas les abandonner en leur donnant du temps, qui peut-être, ne sera pas rendu. C'était ça aussi l'amitié, les vrais sentiments même non amoureux. C'était après tant tant d'années, se rendre compte qu'une chaleur vous aviez manqué.

Les années étaient passées oui, mais les gens restaient les mêmes. Vos sourires se mélangeaient et tout semblait plus simple qu'au début. Un peu de gêne, mélanger à l'excitation des retrouvailles, et puis les vraies natures, le sourire au visage. Rien de mieux que le nature, qu'un rire partagé pour dépoussiérer une amitié. "Oui on peut dire que la puberté m'a gâté ! J'ai même pas pensé à naine, juste légèrement plus petite que la moyenne, qui n'est pas très grande de base. " Cet air taquin se tordait doucement dans un rire amusé. Mais à force de semer on récolte, la bouche pendante dans une surprise qui faisait pouffer de rire. "Pardon ? j'étais adorable ok ? Juste pas très sexy... mais je me rattrape ! " C'était une blague qui n'avait aucun impact sur ton sourire, ni même la manière que tu avais de tirer sur ta veste.

Les rires passant à l'émotion, c'était ta peur, cette boule au ventre qui ne t'avait jamais quitté qui venait guidé tes gestes, sans que les mots puissent l'expliquer. C'était aussi avec silence que tu constatais son émotion, dans le regard, dans cette main qui serrait la tienne. Ce départ était une épreuve, une blessure qui avait atteint la mémoire, mais tu étais loin d'être le seul à en souffrir. Alors même ému tu préférais sourire, la force incomplète mais assez perceptible pour serrer d'avantage ses doigts. " Je t'en veux pas... " Que tu lâchas, égoïstement. Mais tu ne voulais pas qu'elle s'en veuille en souffrant elle même. Elle avait fait ce qui lui semblait le mieux pour elle. " Ouiii tu vas voir magnifique café ! " Le rire repris tu essuyais rapidement ses joues pour la faire ensuite entrer dans ton entre. Présentant rapidement les quelques employés qui allaient et venaient tu venais faire chauffer l'eau et secouer deux sticks de cafés. " Parce que c'est toi, je prends mon café soluble le plus luxueux. " Riant encore une fois tu mettais ton coeur à l'ouvrage, deux cafés, dans des gobelets en carton, fièrement tendus à cette amie. " Alors raconte moi, que deviens tu ? "

Aux yeux des passants autour d’eux, ils devaient sans doute ressembler à des amis qui se voyaient fréquemment, qui se retrouvaient après le travail pour passer du temps ensemble. Car de l’extérieur, les années n’avaient rien changé à leur proximité, leurs sourires, leurs taquineries. Mais si on les connaissait un peu plus, on pouvait déceler une forme de gêne, de prudence dans toute cette joie et cette agitation. Il va s’en dire qu’ils ont changé tous les deux au fil des années, et qu’ils doivent réapprendre à se connaître, à s’apprivoiser, même si certaines choses n’ont pas changé du tout. Le fait que l’un était une personne importante pour l’autre et inversement était grandement facilitateur pour ses retrouvailles imprévues. Eun Bin se surprenait même à ne pas faire de crise de panique. Elle mettait ça sur le compte que c’était Kit qu’elle avait en face de lui. Et il lui était très important. C’est sans doute ce qui lui permettait de garder les pieds sur Terre et de ne pas avoir des images négatives dans la tête.

“Va te faire cuire un oeuf Kit ! De toute manière, être petite ça a des avantages. Et on a toujours besoin d’un plus petit que soi !” s’exclame-t-elle en le bousculant légèrement. Elle en était sûre désormais : malgré la séparation, leur relation n’avait pas changé. “Mouais mouais… Tu ne devais pas souvent te regarder dans un miroir alors. Tes souvenirs sont tous déformés !” Elle rit de plus belle, surtout qu’il avait raison : il était adorable étant enfant. Et elle devait bien admettre qu’il était devenu sexy. Si ce n’était pas son meilleur ami, elle tenterait pour sûr de l’attirer dans son lit pour quelques nuits. “Je suis contente de voir que tu es en forme.” Elle était sincère. Ça lui aurait brisé le cœur que Kit tourne mal ou qu’il devait affronter des problèmes de santé.

" Je t'en veux pas... " Sa gorge se serrait. Elle ne pouvait qu’hocher la tête, heureuse d’entendre ses mots de la part de son meilleur ami. Le fait qu’il l'accueil comme si de rien n’était, qu’il accepte malgré toutes ses années de silence comptait énormément pour la jeune femme. Elle appréhendait de le revoir et qu’il lui fasse la tête, ce qui aurait été légitime au fond, mais elle était heureuse que ce ne soit pas le cas. “Merci…” Elle n'arrivait pas à dire autre chose à cause de l'émotion qu'elle ressentait. Elle était déterminée à retrouver sa place dans la ville qui l’avait fait grandir, quand bien même le chemin allait être long et difficile, et les blessures nombreuses à panser. Elle ferme rapidement les yeux au contact des doigts de Kit sur sa joue, avant de le suivre d’un pas assuré, toujours en tenant sa main dans la sienne. Elle salue les personnes qu’il lui présente et le suit dans son domaine. “Le garage t’appartient ? Ou bien tu en es un employé ?” Elle rit en comprenant qu’elle n’aura pas le droit à un vrai café mais si c’était le plus luxueux café soluble de Kit, alors ça allait faire l’affaire. “Merci pour cet honneur, j’en suis très touchée !” Elle prend son gobelet des deux mains et s’adosse contre le meuble derrière elle. “Je suis devenue garde du corps et je travaille pour mon oncle. On, enfin il, a ouvert une succursale de l’entreprise ici et j’ai décidé de faire partie de l’équipe de Gwangju parce que… Je voulais revenir.” Elle n’ose pas vraiment regarder son ami en lui racontant tout ça, se sentant un peu gênée de ne pas l’avoir prévenu de son retour. “Je ne pensais pas mais j’aime beaucoup ce métier. J’ai pu rencontrer plein de monde et voyager un peu partout, c’est chouette même si ce n'est pas tous les jours faciles.” Elle sirote son café avant d’enfin regarder Kit. “Et toi ? Quoi de neuf ?” Elle avait envie de lui poser mille questions, mais elle voulait aussi prendre son temps pour que leurs retrouvailles n’en soient que plus belles.

Ne pas se contacter pendant un moment, mais repartir comme si de rien n'était, tu pouvais faire ça. Bien que vous ayez tous deux louper des moments importants dans la vie de l'autre. Bien qu'il y est eu des histoires non partagées, des moments de solitude, tu te voyais reprendre la relation amicale que vous aviez comme si de rien n'était. C'était un peu la magie de cette proximité, cet amour qui n'était rien d'autre qu'une amitié forte, comparable à la famille qu'elle avait malheureusement perdue et qui la rendait mal à l'aise avec qui elle était, qui tu étais, en partie.
Le rire dans la gorge tu ne te faisais pas prier pour l'écouter et rire de cette répartie. Ni même pour la vanner avec plaisir. "J'adore les oeufs je le ferai ! Mais tu sais que c'est les gens qui n'ont pas d'arguments qui utilisent des dictons comme ça ? " Ton rire repartait de plus belle, amusé de sa réaction. " Comment faire ? Ils sont parfaitement intactes.  " Jamais tu n'avais traversé cette phase décrite. Sûrement une histoire de taquinerie, qui te faisait doucement rire.
"Je suis pleinement en forme.. enfin.. j'ai failli perdre ma main.  " Que tu disais le plus naturellement du monde en montrant la cicatrice à ta main.

Les rires étaient progressivement remplacer par ce sérieux qui devait arriver. Comme un point important d'aborder, impossible à éviter. Il était douloureux mais nécessaire. Tout comme les mots que tu n'avais jamais pu prononcé, ceux qu'elle n'avait jamais cherché à écouter, à entendre. Aujourd'hui tu pouvais lui dire, lui annoncer. Tu prendrais alors tout ton temps pour rattraper le temps perdu, pour raconter tout ce qu'elle avait manqué mais également pour écouter tout ce que tu avais loupé. Pour l'instant tu la laissais simplement digérer, prendre le temps de revenir, réapprendre à te côtoyer.

Les présentations brèves tu l'emmenais avec toi découvrir ton endroit, celui où tu passais le plus clair de ton temps, celui que tu avais pu reprendre grâce à ta famille. " Comment ça ? Tu te moques de mon café ? J'ai pas pris de machine à café, de vraie.. j'avoue je vais le faire !  " Le rire léger tu indiquais clairement ta position tout en te demandant encore et encore pourquoi tu ne l'avais pas fait plus tôt. La tête s'inclinant quelque peu tu souriais amusé, prenant une première gorgée en l'écoutant. " Garde du corps ? Wah ça veut dire que tu peux me mettre à terre non ? " D'un coup ton dos se redressait bien vite, la peur de te faire botter les fesses. Mais tu entendais également son envie de revenir. " Si c'est l'envie qui te guide alors c'est parfait. C'est que tu en avais besoin et qu'il était temps. " Chaque chose avait son temps, son timing. Brusquer les évènements n'aidait en rien. " J'avoue que je ne connais pas mais je te crois. Je suis étonné, mais content pour toi. " Le sourire était sincère même si la surprise était grande. Pour toi les gardes du corps étaient de grands hommes baraqués. Une vision sûrement archaïque. " Moi ? Bah j'ai ce garage, je suis presque tout le temps ici. J'ai failli me fiancé mais comme tu peux le voir.. ça ne s'est pas fait. " Si tu pouvais montrer tes mains en agitant les doigts vide devant elle avant un sourire, malgré ton gobelet tenu par tes dents, cela n'avait pas toujours été le cas. Il y avait eu beaucoup de rage, de pleurs et de moments à vide avant de te redresser comme tu l'étais aujourd'hui. " Quoi d'autres ? " Que cet épisode peu glorieux ? Tout restait à peu près pareil finalement. " Ah si j'ai failli perdre ma main ! " Comme tu l'avais annoncé plus tôt tu revenais sur cette histoire peu courante.

Eun Bin réalisait la chance qu’elle avait d’avoir Kit dans sa vie : il n’a émis aucun jugement, n’a exprimé aucune colère, ne semble pas lui en vouloir. Il l’a accueilli comme si elle n’était jamais partie, lui parle avec la chaleur qu’elle lui connaît. Etait-il l’incarnation d’un ami en or ? C’est en tout cas l’impression qu’il donnait, là maintenant tout de suite. Et la garde du corps savait à quel point il était sincère envers elle. Et c’était réellement précieux pour elle. “Je pense plutôt que ce sont les personnes avec de la culture qui argumentent avec des dictons”, dit-elle d’un ton qui se veut vexé, quand bien même elle rigole intérieurement de leur petite joute verbale. Ca lui avait tellement manqué. “Y a pas que tes souvenirs qui sont intactes… Ta vantardise ne semble pas non plus avoir changé !” Elle lui tape doucement l’épaule en riant. Et puis elle prend un air plus grave quand Kit lui fait une révélation à laquelle elle ne s’attendait pas. “Attends, quoi ? Tu es sérieux ? Il va falloir que tu me racontes ça, tu le sais ?” Une pointe d’inquiétude a teinté sa voix. Qu’est-ce qu’il avait pu faire pour presque perdre sa main ?!

Délicatement, elle prit la main de son ami et passa ses doigts sur sa cicatrice. Son souffle se fit plus court, réalisant qu’elle avait vraiment manqué beaucoup de choses et surtout qu’elle n’a pas été là dans les moments importants de la vie de ses amis, alors qu’eux ne l'avaient pas lâchés et avaient été là pour elle. Cette constatation combinée aux dires de Kit la touchent en plein cœur, et un flot d’émotions la submerge. Elle ne sait pas trop comment réagir, si elle doit pleurer ou angoisser. Mais la présence de Kit l’apaise quasi instantanément et elle reprend contenance. Peut-être que son ami n’aura même pas décelé son trouble passager, et heureusement. Elle ne voulait pas l’inquiéter. Rapidement, elle se blottit contre son corps, pour une douce et chaleureuse étreinte, avant de reprendre la direction du garage. Elle était heureuse de savoir que Kit s’épanouissait dans ce qu’il faisait, qu’il pouvait vivre de sa passion. Comme elle. “Jamais de la vie ! Même si je suis devenue incollable sur les différents cafés qu’il existe sur le marché !” Elle sourit doucement, prenant une gorgée de son breuvage avant de se laisser aller à une nouvelle confidence : “je n’ai pas un très bon sommeil depuis… Depuis mon passage à l’hôpital après mon départ de Gwangju. Je dors très peu la nuit sauf exception, alors j’avoue que le café est devenu mon énergie vitale.” C’était difficile pour elle de dire tout cela à haute voix. Seul son oncle et Yong Sun étaient au courant de tous les détails. Les employés de la boîte n’avaient que les grandes lignes. Kit était un privilégié, en quelque sorte. Mais il l’a toujours été pour Eun Bin. “Oui, je pourrais te mettre au sol ! Mais je préfère te protéger plutôt que de t’attaquer” réplique-t-elle les yeux pétillants, adorant parler de son métier. Elle rit en remarquant que son ami se met dans une position de défense et lui envoie un bisou pour le rassurer. “Calme-toi, je ne te ferais rien. Sinon tu vas me haïr et je ne le veux pas ! Ton égo serait blessé si j’arrive à te battre” conclut-elle d’un clin d'œil. “Je vois les choses comme toi. Même si je me dis que j’aurais peut-être pu revenir plus tôt.” Mais aurait-elle été prête comme maintenant ? Elle ne le saurait jamais.

Il est vrai qu’aux premiers abords, Eun Bin n’avait rien d’une garde du corps, et elle avait vécu des situations ou elle n’avait pas été prise au sérieux. Mais à force de travail et d’acharnement, elle avait dépassé les préjugés et ouvert la voie à d’autres femmes. Elle a même une très bonne réputation et elle est très demandée. Une belle revanche sur tous ceux qui ne croyaient pas en elle. “Je suis devenue une femme étonnante et surprenante, que veux-tu que je te dise ? Je suis pleine de charmes~.” Elle lui tire la langue, taquine. Elle avait vraiment l’impression de l’avoir vu hier pour la dernière fois. “Non mais Kit. Tu ne peux pas me dire ce genre de choses avec autant de désinvolture ! Je veux tout savoir, enfin si tu veux en parler bien sûr. Avec qui étais-tu fiancé ? Pourquoi cela ne s’est pas fait ? Je dois aller casser des visages ?” Eun Bin pouvait être une véritable lionne et ne supportait pas qu’on fasse du mal à ses proches, encore plus depuis les meurtres. “Et c’est quoi cette histoire de main ? C’est arrivé au garage ? Tu vas bien maintenant ? Tu as gardé des séquelles ?” Est-ce qu’elle était curieuse ? Oui. Mais il y avait aussi de l’inquiétude dans sa voix. Est-ce que Kit avait beaucoup souffert de tout ça ?

Le sourire grandissant, tu ne pouvais oublier ce sentiment de solitude qui t'avait submergé à son départ. Tout comme celui de la compréhension qui ne voulait utiliser l'égoïsme de tes propres sentiments pour lui en vouloir. Son histoire était assez tragique pour en faire ta tristesse. Tu ne voulais pas être celui qui lui en voudrait de se reconstruire. Et jamais il n'en avait été question. Aujourd'hui tu l'accueillais donc à bras ouverts, laissant le passé derrière, retrouvant son sourire et sa répartie. " Comme par hasard. Écoutes on garde le meilleur et on jette le reste. Un update, un level up jamais down. " Que tu venais préciser, l'index tourné vers le sol. Ce n'était pas ce qu'elle sous entendait mais tu voulais le tourner ainsi. Tout comme elle ne s'attendait pas à ce rebondissement incroyable dans ta vie. Ca avait fait peur. Mais tu l'avais toujours cette main. " Oui si tu veux par contre tu sais déjà la fin, spoiler alerte : j'ai toujours ma main. " Quelle bonne entrée en matière.

Ses gestes étaient doux, loin des mots échangés quelques minutes avant. Car il n'y avait jamais eu que de l'amitié pure, de l'amour fraternelle et sûrement de la tendresse dans votre relation. Un peu d'amour vache. Mais finalement tu voulais simplement la voir de retour. Ce que tu ne pouvais cacher, tout comme elle n'arrivait pas à rendre ses émotions invisibles, pas à ton regard qui l'observait. Pas même à tes bras qui venaient la serrer un peu plus longuement. Le temps avait passé mais rien n'avait changé, malgré tout ce qui s'était passé dans vos vies tu voulais profiter de la suite et ne pas te morfondre. " Ah ? Barista vibe ici ?  " Bien moins glamour tu apprenais avec un certain naturel qu'elle dormait peu, mal, ce qui n'était pas sans t'inquiété et pourtant tu te savais impuissant. Malgré ton hochement de tête, ta voix ne complétera aucunement, ne voulant pas la mettre mal à l'aise par des excuses ou des demandes. C'est plutôt son métier sur lequel tu rebondis avec un sourire. " J'ai une confidence : j'en ai besoin, je suis pas si fort pour me battre. Je ne me sens pas attaqué dans mon ego. " Le sourire amusé tu voulais juste la voir rire. C'est vrai que beaucoup d'hommes se pensaient plus forts que les femmes mais ce n'était pas ton cas. " Chaque chose en son temps, je pense que tu as pris le temps dont tu avais besoin. "

Si la surprise était la première réaction tu n'en étais pas moins fier le sourire s'agrandissant tandis qu'elle s'affirmait. Des petits applaudissements accompagnaient la présentation sensationnelle qu'elle venait de te donner. " Je vois ça !  " Les doigts s'agitant comme pour faire de la magie vers elle tu en profitais pour montrer tes mains nues comme si elle avait suivi toute l'histoire. Cette manière d'annoncer les choses n'était pas si commune mais montrait que tout cela t'avait atteint, bien que tu avais remonté la pente avec brio. " Ah tu vois ton statut de garde du corps aurait été incroyable à l'époque.  "  Le rire léger tu reprenais un peu ton sérieux le soupire léger. Tant de questions auxquelles tu devais répondre, et dont la réponse n'était pas compliquée. " Hm je fréquentais une fille.. et ça a duré vraiment longtemps.. 6 ans en tout. Et pour être honnête j'ai acheté la bague mais je ne lui ai jamais demandé. Encore heureux ! Je l'ai vu avec quelqu'un d'autre sur un parking. Enfin j'étais dans la voiture et ... fin bref t'as compris quoi j'étais cocue. Fort heureusement je ne me suis pas fait TOTALEMENT humilié puisqu'elle savait pas pour la bague. " Ouh t'avais vraiment eu chaud n'est ce pas ? Le sourire sur les lèvres tu perdais tout de même cet air pétillant, la douleur te rappelant que rien n'était pareil. " Et cette main, j'ai joué le con j'avoue. J'étais pas très concentré et pendant une répération j'ai un outil qui a glissé bim bam boum. Beaucoup de sang, j'ai crié, comme une fillette. Mais finalement rien de grave. " La main gauche levée tu présentais la coupable, ou plutôt la victime de ton manque de concentration. " Si je peux t'avouer un truc : ma rupture a été le plus douloureux. " Tu n'avais pas peur de le dire, pas à elle. Ce n'était pas la carapace d'un homme fort, juste le cœur d'un homme trahi qui parlait.