J’empaquetais quelques affaires, de quoi tenir une dizaine de jours pour ces vacances soudaines et improvisées. Dix jours non loin de Séoul. Dix jours pour souffler, mais dix jours pour ressasser et ruminer les derniers incidents. Si nous faisions escale par l’agence avant d’aller trouver notre gîte, je restais obstinément dans le van. Je redoutais de la croiser, car je savais que sitôt que je plongerais mon regard dans le sien, je n’éprouverais plus que la douleur de l’avoir ainsi fait souffrir. Je tuais le temps en attendant le retour des autres, et lorsqu’ils vinrent à nouveau boucler leurs ceintures, je m’étonnais de ne pas ressentir le soulagement que j’aurais aimé éprouver.

Je regardais le paysage défiler devant mes yeux, un trajet relativement court puisque nous rallions une petite ville à moins de deux heures de Séoul, et dans laquelle nous devions passer les prochains jours. Un congé amplement mérité, mais qui me donnait avant tout l’impression de fuir la réalité. Mal à l’aise de quitter la ville en laissant derrière moi le chaos, je tentais de me concentrer sur ce qui m’attendait… en vain. Lorsque nous arrivions, en sortant nos bagages, en découvrant les lieux… j’aurais dû exalter d’avoir une telle villa. Une chambre pour chacun, une large piscine dans le jardin, un soleil radieux... tout était réuni pour que je puisse oublier le tumulte de la vie citadine et de mon planning surchargé, mais aucun sourire n’étirait mes pulpeuses contrairement à mes amis qui s’extasiaient déjà. « Jun… est-ce que ça va ? » Je lisais l’inquiétude dans son regard, ce manager à qui rien n’échappait. « Bien sûr. » tentais-je. « Si tu le dis… » Sans insister davantage, il me laissait alors seul avec mes pensées. D’un œil distrait, je les observais évoluer dans un environnement bien différent de notre quotidien. Le stress et la tension avaient laissé place à l’insouciance et la détente, et alors que j’aurais dû me joindre à eux et leur esprit festif, je préférais faire le tour du propriétaire en solitaire.

Isolé, je tentais un regard vers mon téléphone et y faisais défiler les dernières photos que j’avais pu prendre, jusqu’à celle que je cherchais : le seul et unique cliché que nous avions pu prendre ensemble. J’eus un pincement au cœur en voyant nos larges sourires. Ces instants de bonheur fugace que j’avais sous-estimé, ces moments trop courts dont il ne subsistait que les souvenirs. Tiraillé entre la culpabilité et l’incrédulité d’une situation digne d’une pièce de théâtre dramatique, mon esprit en rejouait les dernières scènes qui me paraissaient encore plus étranges. Les aveux falsifiés de Minji, ma relation récente et confidentielle avec Sae Yeon… Comment avait-elle pu balancer un tel mensonge ? Et comme si le destin décidait de s’acharner contre moi... « Maintenant tu peux le dire… tu as couché avec Minji ? » La voix de Minseok me tira de mes pensées et je lui assénais un regard noir. « Tu comptes me poser la question combien de fois ? Non, je n’ai pas couché avec, et même si j’étais inconscient et seul sur une île déserte avec elle, je ne voudrais toujours pas. » lâchais-je sèchement. « Come on… Jun, on parle de Minji… ce serait mentir que de dire que tu peux résister ! » Il plaisantait, et d’un rire sans joie il tentait de me faire passer pour ce que je n’étais pas. « Toi, peut être que non, mais elle ne m’intéresse pas… Tu n’as qu’à aller la retrouver si ça te donne envie à ce point ! » Il affichait désormais un sourire en coin, celui du conquérant venant de remporter une bataille. « Mais c’est déjà fait. » Sa confession ne me surprenait pas et pourtant, je ne pouvais m’empêcher d’afficher une mine choquée. Non seulement il concédait sa faiblesse, mais en plus il s’imaginait que je n’avais qu’une envie : lui succéder. « Mais si tu as apprécié à ce point, personne ne t’empêche de recommencer. »

Les poings serrés, il commençait à me taper sur les nerfs. Son assurance, sa façon de s’immiscer dans ma vie personnelle, son sourire narquois, sa fierté mal placée et surtout, ce côté Don Juan et coureur de jupon. Il ne savait pas se maîtriser et se permettait ce qu’aucun de nous n’osait commettre. « Hmm… non merci, j’ai déjà goûté et une fois m’a suffi. J’ai quelqu’un d’autre en tête. » J’éprouvais la soudaine et brutale envie de lui arracher les yeux de la tête. Nous venions d’arriver sur notre lieu de vacances, là où nous devions décompresser, nous reposer… mais pour moi, c’était le début de l’enfer. J’aurais voulu l’ignorer, ne pas me soucier de ce qui se passait dans son lit, ni même avec qui il pouvait bien s’envoyer en l’air. Mais, frappé par une curiosité nouvelle, je posais la question. « Et qui est donc cette pauvre innocente ? » Dans un accès de camaraderie, il passa un bras autour de mes épaules et vint murmurer au creux de mon oreille. « Sae Yeon. » J’eus la sensation que mon cœur tombait dans ma poitrine. Je n’avais pas besoin de me voir pour savoir que mon teint était devenu livide. Il ciblait Sae Yeon… ma Sae Yeon. « Qu... quoi ? » bégayais-je. « Je m’étonne de ne pas avoir essayé avant... » Lancé dans son monologue, je me contentais de l’écouter, incapable de réagir. « … je l’ai vu une fois sans ses lunettes, les traits de son visage sont vraiment fins ! Tu crois qu’il y a quoi sous ses vêtements ? » Ne pouvant plus en supporter davantage, je me dégageais de son étreinte et le gratifiais d’un regard aussi noir que les ténèbres et d’un air dégoûté. « Sae Yeon… tu cherches vraiment les ennuis… » sifflais-je la mâchoire serrée. Il pouvait séduire le monde entier s’il le souhaitait et il choisissait la seule que je ne pouvais lui concéder. Et comme si ça ne suffisait pas, il partit d’un nouveau rire tonitruant. « Les ennuis ? Sae Yeon est discrète, je n’ai rien à craindre ! Tu crois qu’elle est vierge ? » Trop… c’était au-delà de mes forces et je ne pouvais plus en supporter davantage. Je sentais la rage bouillir au creux de mon estomac et si je ne m’éloignais pas de lui, j’ignorais ce dont j’étais capable. Il avait mis ma patience à rude épreuve et repoussé les limites de ma tolérance, aussi, je décidais de le fuir. « Quoi ? Jun ! » m’appelait-il, mais je préférais rester sourd à ses injonctions.


Plusieurs jours s’étaient écoulés, et le temps n’avait pas suffit à atténuer la colère qui ronflait derrière mes côtes. À chaque regard que je lui accordais, je sentais mon cœur se tordre d’une douleur inédite. Il avait réveillé en moi une animosité nouvelle et que je peinais à réprimer, en revanche, s’il n’avait plus évoqué Sae Yeon, il passait bien soudainement bien trop de temps sur son téléphone. Était-ce mon imagination qui me jouait des tours ? Étais-je devenu à ce point parano ? La commissure de ses lèvres qui frémissait à chaque sourire en coin lorsqu’il regardait son écran me répugnait et je priais pour que Sae Yeon n’en soit pas la raison. J’étais vite rattrapé par les heures qui s’égrenaient et durant lesquelles j’étais incapable de trouver du repos. Le répit tant attendu me semblait n’être qu’une utopie tandis que j’étouffais d’une angoisse incontrôlée. D’ordinaire calme et peu enclin à un imaginaire débordant, je me découvrais une facette bien plus sombre que la dépression de laquelle j’étais parvenu à m’extraire. La jalousie avait fait son nid dans mes pensées, elle avait planté ses griffes de manière insidieuse dans mon subconscient et me consumait avec une lenteur affligeante.  Le regard dardé sur Min Seok, il leva finalement le nez pour m’observer à son tour. « Jun ? » Le soupire, lourd et brûlant m’échappa alors que je détournais les yeux. Je voulais savoir et en même temps, je redoutais que mes craintes ne soient fondées. « Sae Yeon est plus dôle que ce que je pensais. »  lâcha-t-il. Ne réagit pas Jun… pars et ne lui donne pas cette satisfaction… m’invectivais-je. Ô combien j’aurais aimé être suffisamment fort pour ne pas succomber à ses attaques, mais une fois encore, je me surprenais à me retourner pour lui faire face. « Je sais bien que tu es trop occupé à bosser pour discuter avec elle, mais tu devrais ! Et selon le dicton, femme qui rit… » s’esclaffa-t-il. Les jointures de mes phalanges blanchirent sous l’effort et la tension que je leur imposais. Les poings serrés, j’implorais ma patience et ma retenue de prendre le contrôle de mon corps, de m’emmener loin, très loin de lui, mais la rage se réjouissait de cette nouvelle opportunité. Avant même que je ne lui intime de garder le silence, il enchaîna. « Aussitôt qu’on rentre, je lui fais passer une nuit inoubliable ! » J’esquissais un pas en arrière, une fuite factice et sitôt interrompue. Le respect n’était pas sa plus grande qualité, et en grand prédateur qu’il était, il décida de me partager ses plans. L’œil lubrique, il détaillait chaque geste, chaque mot, chaque intention, et je me surprenais de rester stoïque. Une façade, un rempart mental qui s’effondrait à mesure que ses propos devenaient déplacés et vulgaire. Il parlait du corps de Sae Yeon comme s’il la dominerait, et alors qu’il m’expliquait où il y promènerait sa langue, je craquais. Le barrage céda sous la pression et avant même que je ne m’en rende compte, je lui assénais un coup de poing qui le fit reculer de surprise.

« Mais enfin Jun… qu’est-ce qui te prend ! » Le visage rougit par la honte ou la rage, il portait la main à sa joue endolorie tandis que les autres nous rejoignaient, attirés par les cris. « Tu cherches quoi Min Seok ? Tu peux t’envoyer en l’air avec qui tu veux et tu choisi la seule qui pourrait perdre son travail par ta faute ! Une fois ne t’a pas suffi ? Il faut que tu fasses une nouvelle victime ?! » Je fulminais, aveuglé par une rage folle. « Mais qu’est-ce que ça peut te foutre que je me la tape ? » Sans réfléchir, je lui infligeais un nouveau coup auquel il riposta. La tension avait explosé et nous en venions finalement tous deux aux mains. Les coups pleuvaient alors que nous étions séparés de force. « Mais enfin qu’est-ce qui ne va pas entre vous ! » gronda le manager. J’hésitais, fallait-il lui avouer au risque de passer pour un affreux délateur ? Sae Yeon méritait-elle vraiment d’être impliquée ouvertement dans cette bataille ? « Rien… » finis-je par souffler. « Rien ? Jun… te battre… Min Seok… mais enfin qu’est-ce qui vous arrive ? Vous avez des congés pour la première fois depuis des années et vous les ruiner en vous battant. Jun… ça ne te ressemble pas enfin… » Je retenais tant bien que mal la douleur, la peur de voir Min Seok approcher Sae Yeon, la toucher, l’embrasser… je fermais les yeux dans l’espoir d’interrompre ces images qui me détruisaient, mais lorsque je les rouvrais, je vis le sourire victorieux de mon opposant et j’eus la furieuse envie de lui faire ravaler sa joie. Rattrapé de justesse par mon manager, j’échappais une plainte de douleur. « Tu comptes le laisser faire ? Il peut donc coucher avec qui bon lui semble et en sortir indemne à chaque fois ? » La peur changeait finalement de camp, et devant le regard noir du manager, Min Seok était subitement devenu muet. J’en étais venu aux mains, j’avais cédé à une violence que je n’avais pourtant jamais nourrie, et si j’avais espéré qu’elle me soulage, il n’en était rien. J’éprouvais encore ce poids qui me nouait l’estomac, et je savais qu’il ne bougerait pas temps que je n’avais pas mis les choses au clair avec Sae Yeon.

Ce soir-là, je ne dormais pas. La pommette gonflée et douloureuse, je ressassais mes actes, cette façon presque si normale de céder à une pulsion violente que je me refusais depuis toujours. Si Halmae le savait… nul doute qu’elle serait déçue. Elle qui m’avait élevé dans l’amour et la bienveillance, comment pourrait-elle concéder que son petit-fils se batte ? Allongé sur mon matelas, je fis défiler les photos jusqu’à celle que je cherchais, la nôtre. J’observais ce sourire dont j’étais tombé sous le charme, la manière dont ses yeux se plissait de malice, les longues mèches d’ébène qui encadraient son visage, j’eus presque l’impression de pouvoir sentir son parfum… Six jours… il ne s’était écoulé que six jours depuis cette prise de distance, six jours qui pourtant avaient changé beaucoup de choses. J’expirais la lassitude de ces congés foireux, la colère qui m’avait animé plus tôt, l’agacement d’être incapable de réagir et la solitude soudaine après quelques semaines d’une joie partagée. « Qu’est-ce que je dois faire ? » Je posais la question bêtement à son image et ce fut le silence pesant qui me répondit. Fallait-il lui demander simplement ? Avec paresse, j’ouvrais nos le fil de discussion de nos échanges peu fournis. Je désespérais face aux messages d’une banalité affligeante et je me souvenais alors… je ne pouvais lui écrire ce que j’avais sur le cœur de peur que quelqu’un ne tombe dessus. Les mots étaient des armes si tranchantes qu’ils pouvaient détruire des carrières, parfois même des vies. Du bout des doigts, je pianotais sur le clavier pour finalement en effacer le contenu. Rien ne me semblait avoir suffisamment de sens et je finissais par abandonner en laissant tomber l’appareil inerte sur les draps. Ce soir-là, je m’endormais finalement d’un sommeil agité et dont les souvenirs les plus doux se muaient en cauchemars douloureux.


L’alarme sonnait dans le vide et je la faisais taire d’un geste alors que je me redressais. Je n’avais plus fermé l’œil depuis deux jours, ou si j’avais pu le faire, c’était un repos ponctué par l’angoisse et les images perfides que Min Seok avaient pu distiller dans mon esprit. Ses propos m’avaient marqué au fer rouge et dès lors que le rideau de mes cils chutait, je ne voyais plus qu’elle et lui, leurs silhouettes mêlées en un corps à corps que je refusais d’accepter. Mollement, j’attrapais mes affaires et me dirigeais vers la cuisine. J’y trouvais le reste du groupe, et aussitôt, la tension s’abattait de nouveau. Lui comme moi avions été interdit de nous approcher, de nous parler et même de nous regarder, punis comme deux gamins incapables de se comporter en adultes. Avare de mots, je n’en prononçais pas un seul en m’attablant, pas davantage au cours du petit déjeuner et encore moins alors que nous enfournions nos valises dans le van. Avant de partir, je coulais un regard vers cette villa dont je n’avais absolument pas profité et la seule pensée qui me vint fut : ce serait bien d’y venir avec Sae Yeon. Je réprimais un sourire douloureux, car je savais que ces dix jours loin d’elle avaient provoqué des dommages auxquels je n’avais pas encore conscience. Et finalement, le moteur ronronnait dans l’allée, un appel à retourner vers le chaos que j’avais laissé derrière moi.

Le retour se déroulait dans une ambiance à trancher au couteau, une tension palpable à laquelle je n’étais pas innocent, mais je tentais de me concentrer sur la verdure du paysage qui laissait place peu à peu au béton de la ville. Partagé entre le soulagement de revenir et la peur de ce qui m’attendait, je jouais nerveusement avec mes mains. Une première escale nous permettait de déposer nos bagages dans notre appartement, et j’eus un nouveau pincement au cœur en posant le regard sur mon lit, unique témoin d’une passion à la flamme désormais vacillante. Puis nous étions de nouveau appelés pour retrouver le tumulte et l’agitation de l’agence.

Rien n’avait changé, et même notre arrivée ne semblait pas émouvoir l’auditoire présent. Au fond, je n’attendais rien de cette escapade, encore moins de notre retour. Mais chaque pas qui me menait vers la salle de danse résonnait comme un coup de tonnerre à mes oreilles. Ce n’était désormais plus qu’une question de temps avant de me retrouver face à elle et si une partie de moi se languissait de revoir son visage, je redoutais aussi ce moment.

 

ootd - Il partait aujourd'hui... Cette constatation me revenait en tête alors que je croisais certains membres du groupe qui me firent un signe de main au loin alors qu'ils quittaient le bâtiment. Pendant un bref instant, j'avais complètement oublié l'existence de cette escapade que l'agence leur avait préparée afin qu'ils puissent décompresser. J'avais pourtant trouvé ça très bien au moment où on me l'avait annoncé. Mais dans les circonstances actuelles, cela s'apparentait plus à une torture qu'autre chose. Une dizaine de jours sans pouvoir voir Jun. Si cette perspective était déjà particulièrement triste et perturbante... Aujourd'hui, c'était encore pire. Nous nous étions quittés sur une note que je ne savais pas interpréter... Je m'étais presque oubliée dans mon travail, mais chaque fois que je regardais mon téléphone, l'absence de messages de Jun me rappelait la douleur de son départ.


Les premiers jours loin de Jun passèrent sans que cela ne soit trop compliqué. Je m'étais plongée corps et âme dans mon travail. J'avais travaillé sur de nouvelles tenues de scène pour les garçons, ainsi qu'aidé plusieurs collègues avec leurs groupes respectifs sur les tenues créées par eux-mêmes. Je les agrémentais parfois de quelques idées ici et là, mais j'aimais bien cette ambiance de travail avec les autres stylistes. Il était rare que je puisse travailler sur d'autres groupes, le fait est que la polyvalence dont je faisais preuve m'empêchait d'avoir du temps pour autre chose, et j'étais accaparée par une seule et même unité, quand d'autres pouvaient aller aider sur d'autres projets. Mais aujourd'hui, c'était différent. Je n'étais plus que "styliste" et je pouvais donc me consacrer corps et âme à ma passion première. Des heures durant, je coupais, mesurais, cousais, essayais des vêtements aux membres... Telles les petites souris de Cendrillon, j'étais d'une efficacité à toute épreuve. Il faut dire que, sans distraction extérieure et avec un besoin de se vider la tête... Ajoutez à cela le fait de se foutre royalement du nombre d'heures de sommeil... Et vous obtenez une employée modèle aux yeux des dirigeants. Mais cela fonctionnait bien pour eux... Du moins, jusqu'à ce que je me retrouve seule, chez moi, dans mon lit... À essayer de trouver un sommeil qui me fuit, comme si Morphée avait décidé de faire grève. Je pouvais passer un temps infini à observer mon écran de téléphone, sur la discussion Kakaotalk que j'avais avec Jun... Mais rien, il était parti depuis plusieurs jours et toujours... Rien du tout. Pas un signe de vie, pas un message... Je n'avais eu le droit à rien. Je comprenais qu'il avait besoin d'un peu de temps pour digérer et réfléchir... Mais même un simple "Bonjour" m'aurait suffi... Je voulais savoir si tout allait bien... Et finalement, un des seuls par qui j'avais des nouvelles était Minseok. Il avait souvent le don de m'énerver... Mais grâce à lui, j'avais une vague idée de ce qui se passait là-bas. Évidemment, notre échange restait superficiel, malgré les tentatives qu'il faisait pour essayer d'introduire des sous-entendus absolument pas subtils... Je faisais comme si de rien n'était et me concentrais seulement sur les questions auxquelles je voulais qu'il réponde. Le reste n'était que banalité et politesse. Aussi, je savais que Jun allait bien, c'était le principal, même si... Je commençais à trouver le temps long sans lui. Lâchant mon téléphone, je me tournais dans mon lit, emmitouflée dans ma couette, portant le pull qu'il m'avait prêté ce fameux jour où tout avait démarré entre nous. Cela me rappelait tellement de souvenirs... Des souvenirs qui emplissaient mon cœur de tellement de sentiments partagés. C'était presque douloureux de se rappeler de tout ça, alors que peut-être... Que tout allait réellement se terminer... Je savais que je ne devais pas y penser, mais cette possibilité restait ancrée dans un coin de ma tête sans que je puisse faire taire cette petite voix complètement.

Plus d'une semaine qu'il était parti maintenant, et toujours rien... Regarder mon téléphone était maintenant devenu une épreuve. J'avais la sensation qu'une aiguille transperçait vicieusement mon cœur chaque fois que mon téléphone sonnait... Et que je me rendais compte que ce n'était pas lui... Que jamais, ce n'était lui. Mais si je pensais que les choses étaient déjà pénibles... Je ne me rendais pas compte que tout allait bientôt être pire. Alors que j'arrivais à l'agence pour continuer ce que j'avais entamé, on vint me prévenir qu'un changement de programme avait lieu. Plusieurs idoles de l'agence participaient à une longue émission aujourd'hui, et ma collègue qui devait s'en occuper était malade. On me demandait donc de la remplacer. J'avais simplement souri en souriant... Mais au fond de moi, je soupirais de devoir quitter l'antre de mon atelier pour me retrouver au milieu d'une foule toute une journée. Et c'était bien ce que c'était... Lorsque j'arrivais, c'était un océan de monde qui se trouvait là. Entre les techniciens, présentateurs, membres qui participaient... Il n'y avait pas que des groupes de notre agence... Je sentais que la journée serait éprouvante. Nous étions deux maquilleuses pour nous occuper de nos idoles et alors qu'on me donnait la liste de ceux que j'allais devoir m'occuper... Je crus que j'allais m'étouffer avec l'eau que je buvais pile à ce moment où mon regard parcourait les noms qui la constituaient... C'était une blague pas vrai ? Mais alors que je la voyais posée sur une chaise, face au miroir, à attendre qu'on la prenne en charge... Je savais que ce n'était pas une blague. Je retins un juron alors que j'aurais voulu tout sauf ça... Sérieusement. Lentement, je m'approchais de cette jeune femme, sans grande conviction, mais je n'avais pas le choix que de rester professionnelle. "Je vais commencer", l'informai-je avant de prendre ce dont j'avais besoin et de commencer mon ouvrage sur sa peau laiteuse. Un sourire malsain se formait sur son visage alors qu'elle se rendait compte de qui s'occupait d'elle. "Tiens Saeyeon, bonjour." Je savais que je ne pouvais pas me montrer grossière ici, comme ça. Je me contentais donc du strict minimum. "Bonjour Minji." Mais l'air que j'affichais trahissait les sentiments qu'elle m'inspirait. Aussi me contentais-je de faire mon travail sans ajouter quoi que ce soit. La journée pouvait-elle être pire ? Je n'avais pas de nouvelles de Jun, je me retrouvais à devoir m'occuper de Minji...

Évidemment, c'était sans compter sur la jeune femme qui, alors que je passais à ses cheveux, décidait qu'il était temps que sa langue se remette en fonctionnement... "Est-ce que tout va bien Saeyeon ?" Je levais vers elle un regard surpris mêlé de suspicion. Pourquoi me demandait-elle ça soudainement ? S'attendait-elle à ce que j'affiche un grand sourire face à elle après tout ce qui s'était passé entre nous ? "Oui bien sûr... Pourquoi cette question ?" Demandais-je simplement avec nonchalance alors que je démêlais sa chevelure. "J'avais peur que d'apprendre ce que j'ai fait avec Jun ne te perturbe trop." À son air, je voyais bien que c'est pourtant bel et bien ce qu'elle aurait voulu... Que ça me fasse du mal, que ça me blesse. Mais je n'allais pas lui faire la satisfaction d'être blessée par un mensonge. Après tout, peu importe les soucis que je peux avoir avec Jun actuellement, je savais très bien qu'il ne s'était rien passé entre eux. "Non, tout va bien", répondis-je simplement, feignant l'indifférence. Que dire de plus de toute façon ? Mais malheureusement pour moi, elle ne semblait pas vouloir me lâcher avec cette histoire. "Arrête un peu Saeyeon, je sais très bien que tu as des sentiments pour Jun ! Mais tu devrais me dire merci. Avec ce qui s'est passé, tu peux voir son vrai visage ! Un homme qui couche avec une femme et qui l'abandonne sans scrupule juste après ! L'agence ne manque pas d'hommes sexy, trouve-t'en un autre va. Jun n'est qu'un abruti." Je sentais l'énervement monter en moi... Violemment. Mais je n'avais pas le droit de me laisser aller, je ne pouvais pas me disputer ou faire une scène ici, maintenant, comme ça. Je me vengeais simplement en appuyant un peu trop fort sur la brosse à cheveux alors que je rencontrais un gros nœud dans ses cheveux. Elle ne put retenir une plainte de douleur. "Désolée", lui dis-je avec absolument aucune sincérité, mais un léger sourire de satisfaction sur les lèvres. Cette femme m'insupportait au plus haut point... Mais elle avait malgré elle ouvert une autre blessure. À cause d'elle, Jun s'était insinué dans mes pensées pendant toute la journée. Le manque s'insinuait en moi comme un poison qui ne voulait définitivement pas se diluer. J'essayais... Vraiment j'essayais d'être patiente et compréhensive... Mais je crois que j'arrivais à la fin de mes capacités. Malheureusement, mes forts sentiments pour Jun jouaient contre moi aujourd'hui.


Le jour J était arrivé. Les garçons allaient enfin rentrer. Je n'avais rien de spécialement prévu avec eux pour aujourd'hui, mais j'avais l'intention de passer les saluer pour leur souhaiter un bon retour. Mis à part Jun, j'étais proche de tous les membres du groupe. Après quatre ans à m'occuper d'eux, il était normal qu'un lien se soit créé entre nous. Cependant, la perspective de revoir Jun parmi eux me stressait. Le fait de le revoir comme ça, entre deux, sans avoir forcément l'occasion de parler avant de pouvoir réellement se poser... Enfin, s'il voulait même discuter... Chose dont je doutais un peu après dix jours de silence radio... C'était long. Beaucoup trop long. Mais cette attente toucherait à sa fin... N'est-ce pas ? Je dois avouer que je ne savais pas ce que je ferais si les choses ne se passaient pas comme prévu... Ou du moins s'il n'y avait pas une évolution de la situation, positive ou négative. Si le fait qu'il m'ait laissé ses lettres m'avait rassurée au début... Aujourd'hui, ça n'avait plus vraiment d'impact. Après tout, il pouvait très bien regretter de l'avoir fait et se demander comment les récupérer... Dans le doute que les choses se passent mal, j'avais pris la pochette avec les lettres que j'avais glissée dans mon sac avant de partir travailler. C'est donc sur une note mitigée que je commençais cette journée, mon cœur oscillant entre la joie et le stress.

J'avais commencé ma journée comme toutes les autres, en terminant d'aider ceux que j'avais commencé à aider avant de revenir à temps plein sur les activités du groupe dont j'avais habituellement la charge. Jetant cependant un coup d'œil à leur planning auquel j'avais facilement accès, je vis qu'ils avaient un entraînement en salle de danse. Je décidais donc d'aller les voir après que celui-ci soit terminé. Je ne resterais pas longtemps, mais juste assez pour leur souhaiter un bon retour... Et je crois que le temps n'avait jamais passé aussi lentement. Mais il faut dire que j'avais du mal à me concentrer sur ce que je faisais. C'était la première fois que ça m'arrivait depuis que j'avais commencé. La boule de stress dans mon estomac m'empêchait de me concentrer sur ce que je faisais. Si bien que dès que l'heure fut venue, j'avais déjà bondi de ma chaise, à la grande surprise de ma collègue qui m'avait vue tellement absorbée par mon travail que j'en oubliais parfois de m'arrêter pour manger. Mais si dans un premier temps, je marchais plutôt rapidement, je ralentissais au fur et à mesure que la distance avec la salle de danse se réduisait... Au point que mon avancement devint presque inexistant à deux mètres de la porte. Je m'étais totalement figée. Et j'étais finalement restée là, incapable d'avancer vers cette porte... Mais même si le courage m'avait fait défaut, cela n'avait pas empêché les choses de se produire. En effet, à peine avais-je eu le temps de dire ouf que les garçons sortaient déjà de la salle. L'un m'aperçut très vite et vint me saluer. "Hey Saeyeon !!" Entendis-je, me sortant du monde parallèle dans lequel j'avais été plongée un instant. "Les garçons ! Je suis contente de vous voir !" Leur dis-je avec sincérité. Si la plupart se contentaient de venir près de moi pour me saluer, il fallait bien que ce cher Minseok vienne se planter tout près de moi, passant son bras autour de mes épaules. Soupirant de ses agissements, je vins pousser son bras. "Yaah ! Laisse-moi mon espace vital !" Lui dis-je avec néanmoins un sourire pour ne pas être trop brusque. Évidemment, il se mit à rire, ne voyant que le côté "drôle" dans la façon dont je venais de le repousser. Mais si j'étais heureuse de les revoir... Mes yeux n'avaient pas encore croisé le regard de celui que j'avais pourtant patiemment attendu pendant tout ce temps... Et lorsque finalement, ce fut le cas... Mon cœur bondit de joie une seconde dans ma poitrine... Avant qu'il ne se brise littéralement en le voyant plus loin, partir au détour d'un autre couloir... Est-ce qu'il... M'évitait ? Voyant ma mine interrogative en observant Jun, un de ses collègues me dit : "Il nous a dit qu'il avait un truc à faire. Vous vous croiserez sûrement ce soir à la soirée." J'essayais de reprendre contenance en lui souriant, faisant comme si ce n'était pas grave, mais c'était plus que compliqué de faire comme si de rien n'était alors que mon cœur était complètement en lambeaux actuellement. Le pire des scénarios était donc en train de se réaliser... Je sentais mes larmes qui commençaient à monter. Je pris donc rapidement congé des garçons, avant que le torrent ne se mette à couler... C'est finalement dans mon atelier désert que je craquais... Je l'avais donc attendu tout ce temps... Pour ça ? Et en plus, il n'avait même pas le courage de rompre décemment avec moi ?... Complètement perdue et désorientée, je sentais en moi monter un nouveau sentiment : la colère. Je ne l'avais encore jamais éprouvée à son égard, mais là, je la sentais se manifester très fortement. Je lui en voulais clairement pour son comportement. Me dirigeant vers mon sac suspendu, j'en pris la pochette, et pendant une seconde, ma seule envie fut de tout déchirer... Tout brûler... Mais je sentais bien que j'en étais totalement incapable... Mais je ne pouvais pas... Non, je ne pouvais pas les garder dans une situation comme celle-ci. Plutôt que de lui compliquer la vie à devoir chercher le moyen de me demander gentiment ce que je tenais entre les mains, je décidais de les lui rendre. C'est donc ainsi que je me glissais jusqu'au vestiaire où se trouvaient leurs affaires, et je glissais simplement la pochette dans le casier de Jun. Là où je savais qu'unique lui pourrait tomber dessus.

Lorsque je rentrais chez moi en cette fin de journée... Je ne savais plus vraiment où en étaient mes sentiments. J'étais malheureuse, triste à un point qui n'était pas quantifiable... Mais le seul sentiment qui pouvait me protéger de tout ceci était la colère, et je m'engouffrais complètement dedans afin de me protéger un minimum. Je regardais l'heure, il était encore temps pour que je puisse aller à la fête organisée ce soir par l'agence. À la base, je n'étais pas sensée m'y rendre, j'avais espéré discuter avec Jun... Et puis, je n'étais pas spécialement adepte de ce genre de soirée... J'avais parfois l'impression que c'était un peu l'open space de drague. C'était un peu le moment où certaines filles du staff essayaient de se rendre belles pour séduire certains de leurs crush... Aussi bien d'autres membres du staff que certains idoles qui, normalement, ne devraient pas être approchés... Et si je n'étais pas du tout dans ce délire-là... J'avais décidé que, ce soir, je m'y rendrais et que... Advienne que pourra... Non, je n'avais pas la suite de cette idée brillante en tête !

J'avais choisi une tenue... Tenue qui n'avait rien à voir avec ce que je portais en général... Je m'étais aussi bien coiffée, bien maquillée... En d'autres termes, j'étais méconnaissable pour la quasi-totalité des gens avec qui je travaillais. C'était assez drôle d'ailleurs, je pourrais me faire passer pour quelqu'un d'autre si je le voulais... Mais ce n'était pas réellement mon but de la soirée... Non, mon but était... De montrer à Jun ce qu'il avait perdu ? Et le rendre jaloux ?... Moi-même, je n'étais pas sûr de ce que je voulais, de ce que je faisais... Mais j'étais tellement mal que mon cerveau ne semblait plus fonctionner correctement... Une partie de moi savait que je ne réagissais absolument pas de la bonne façon... Mais une autre sentait la nécessité de marquer le coup ce soir.

Arrivée à la fête, comme je m'en doutais, personne ne me reconnut. Évidemment, instinctivement, j'allais vers quelques collègues qui furent... bien plus que surpris lorsque je leur expliquais qui j'étais... Ensuite, je me dirigeais vers les garçons du groupe. Ils étaient là, presque au grand complet, le seul qui manquait à l'appel pour l'instant... Fut celui qui occupait bien malgré moi toutes mes pensées. "Il a dit qu'il passerait, il ne devrait pas tarder !" Me dit un de ses bandmates alors que je faisais innocemment la curieuse face à son absence. Le plus drôle, c'est qu'au moment où je leur avais posé la question, ils ne m'avaient pas reconnue... Ils me souriaient bêtement jusqu'à ce que l'un d'entre eux semble enfin faire le rapprochement. "Attends, Saeyeon, c'est toi ?" Les autres me regardèrent, choqués... Bon, j'avoue, c'était plutôt drôle de tous les voir tomber des nues comme ça, il faut dire que, niveau vestimentaire, je passais du coq à l'âne comme on dit... "Eh oui... N'ayez pas l'air aussi surpris !" Leur dis-je en riant. Mais s'il y en a bien un qui me regardait avec encore plus d'insistance que les autres... C'était Minseok. J'avais bien compris son manège, je l'avais déjà vu faire plusieurs fois... Et si j'avais peur de faire partie des nouvelles proies qu'il s'était choisis récemment... Le regard qu'il lançait actuellement sur moi ne laissait pas vraiment de place aux doutes. Et si les autres garçons allèrent vaquer à leurs occupations, ou discuter avec d'autres personnes, Minseok, lui, ne me lâchait pas d'une semelle et... J'avais sûrement la bêtise de ne pas le repousser ce soir. Je ne sais pas à quel jeu dangereux je jouais... C'était sûrement l'idée la plus stupide que j'avais jamais eue... Mais une partie de moi ne pouvait s'empêcher d'espérer que Jun nous voie... Et qu'il ne supporte pas ce qu'il voyait... Je n'étais pas comme ça normalement... Je crois qu'il m'avait bien plus blessée que je ne l'avais cru jusque-là... J'avais un besoin presque viscéral de le faire réagir, surtout... Que je l'avais aperçu du coin de l'œil et que je faisais exprès... De ne pas lui adresser un regard. Je faisais n'importe quoi je le sais et pourtant... Je n'arrive pas à me raisonner, mon cœur était blessé, brisé... Il ne fallait donc pas me demander d'être... Sensée. Mais si je ne repoussais pas complètement Minseok, j'étais néanmoins mal à l'aise des contacts physiques qu'il avait envers moi. Ses doigts venaient frôler ma peau, et je me dégageais comme je le pouvais de façon discrète. J'étais blessée... Mais pas complètement folle non plus.

 

C’était à la fois étrange et tellement banal… remettre les pieds dans cet édifice dont nous nous étions éloignés pendant dix jours. Si personne ne relevait la tête sur notre passage, je ne me sentais pas moins mal à l’aise. J’avais beau essayer de nier et refouler cette sensation, je savais parfaitement pour quelle raison j’éprouvais ce poids sur mon estomac. Je me laissais alors porter par mes vieux réflexes et me dirigeais instinctivement vers la salle de danse. Si nous n’avions aucune émission de prévue pour notre retour, les entraînements étaient un passage obligatoire. Là, face au large miroir, nous rentrions en transe. Chorégraphies millimétrées, respiration hachée, jusqu’à ce que la sueur ne coule le long de mes tempes. Il ne s’était écoulé que dix jours… à peine plus d’une semaine de repos et je me trouvais déjà en difficulté sur des exercices que je maîtrisais pourtant à la perfection… Etais-je devenu si las et fatigué ? Mes cils chutèrent une fraction de seconde seulement, mais un laps de temps suffisamment long pour revivre le calvaire de ces journées. Je glissais un regard vers Min Seok, concentré sur ses pas et me fustigeais intérieurement aussitôt. Il provoquait en moi une rage et une jalousie peu commune, et je tentais alors de m’imposer des œillères fictives, dans le simple but de faire tarir la colère qui grondait déjà. Mais si j’évitais de croiser ses pupilles aux reflets écarlates, j’entendais encore l’écho de ses paroles. Des mots dont la vulgarité me remuait les tripes. Il m’avait confié ses projets avec un aplomb et une facilité déconcertante, et je le haïssais pour ça. Pour vouloir prendre sans même se soucier d’elle, pour m’imposer ses fantasmes sans que je ne puisse rien dire… Sae Yeon… nous étions ensemble… n’est-ce pas ? Je me rendais compte que rien n’était moins sûr. Nous n’avions pas échangé, pas un seul message depuis cet incident, depuis la crise puérile de Minji, et je doutais soudainement que ces derniers jours aient changés la donne.

Alors que la séance s’achevait, j’éprouvais la douleur et les courbatures d’un exercice physique trop longtemps oublié. J’épongeais la sueur, et bon dernier, je me dirigeais finalement vers la sortie. Juste derrière les portes, je vis Sae Yeon et mon cœur loupa un battement. Il se serrait brutalement avant de se tordre en apercevant Min Seok à son côté. J’eus l’impression de sentir mon cœur tomber dans ma poitrine lorsqu’il passa un bras autour de ses épaules. J’en détournais le regard pris de nausées face à cette vision tant redoutée, mais je rivais à nouveau mes onyx sur eux pour constater qu’ils riaient ensemble. Pris par l’envie brutale de débouler et de lui régler son compte une nouvelle fois, je m’obligeais à rester impassible alors que le manager dardait sur moi ses perles inquisitrices. Je ne voulais éveiller aucun soupçon, ne déclencher aucune guerre, aussi, je décidais de m’éloigner. Je poussais une seconde porte habituellement close et fuyais la réalité. J’errais dans les couloirs en ruminant la scène qui venait de se dérouler devant mes yeux, ces gestes qui ne voulaient peut-être rien dire, ces rires partagés qui ne sous entendaient peut-être rien de plus qu’une amitié nouée entre styliste et chanteur… mais j’avais beau vouloir les chassés de mon esprit, elles vinrent me tourmenter toute la journée.

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« Aller Jun, fait un effort ! Tu a bougonné dans ton coin pendant dix jours, il serait peut être temps de se montrer un peu sociable ! » Pour toute réponse, je lui assénais un regard noir. Non, je n’avais pas envie de me rendre à cette soirée, je n’avais pas envie de devoir sourire alors que j’étais rongé par la culpabilité et la douleur naissante d’une situation que j’avais moi-même créé. « Est-ce si grave que je manque cette soirée ? On sait tous les deux qu’il ne s’y passera rien d’intéressant hormis voir un staff épuisé se laisser aller sur la boisson… La dernière fois, je me suis fait draguer par une productrice et une perchiste… » Il étouffa un rire à l’évocation de ce souvenir, et même s’il était particulièrement drôle, j’avais mis un temps fou à me défaire de ces demoiselles ivres. « Une heure…  je te demande une heure tout au plus ! Mais tout le monde y va, ce serait mal vu que tu ne restes pas dans ton coin. » Son ton se faisait plus lourd, plus insistant. Il m’imposait de faire cet effort et je pouvais riposter autant que je le voulais, je savais que je n’aurais jamais le dernier mot… « Ok… » capitulais-je. J’expirais la frustration de devoir faire acte de présence à un événement que je redoutais déjà. Il me gratifia d’une tape amicale dans le dos avant de me laisser, et je subissais ainsi la journée. Chaque heure, chaque minute, chaque seconde qui passait me rapprochait inlassablement de ce moment.

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Jean noir et chemise noir, je me jaugeais un instant dans le miroir avant de finalement changer. Par dépit, j’optais pour des couleurs plus claires, car je savais que le manager m’offrirait me sermonnerait pour ce faux pas. Je fermais les derniers boutons de ma chemise et soupirais d’appréhension. J’ignorais ce que j’allais vivre à cette soirée et si Sae Yeon avait prévu de s’y rendre. C’était sans doute ce point qui me rendait le plus nerveux. D’une profonde inspiration, je me donnais alors le courage et l’élan nécessaire pour quitter mon appartement déjà vide et faire les quelques mètres qui me séparaient de l’agence.

Je fus accueilli par la musique dont les basses résonnaient comme des coups de tonnerre à peine avais-je passé les portes. Je m’engouffrais alors dans les entrailles du bâtiment jusqu’à rejoindre la salle de conférence, celle qui accueillait les journalistes pour les communiqués de presse et les événements les plus importants. Dans la pièce, quelques groupes s’étaient formés et en son centre, certains se laissaient inspirer par la mélodie pour offrir aux quelques timides des déhanchés savamment maîtrisés. Je me frayais un chemin dans la foule en scrutant discrètement les visages que je connaissais plus ou moins, mais à aucun moment je me m’arrêtais, filant droit vers le buffet. Comme je m’y attendais, personne n’osait en approcher : les régimes stricts des chanteurs freinaient même les plus rebelles. Je profitais de cet instant de calme pour observer la foule autour de moi et constatais avec douleur que mes amis étaient en présence de celle pour qui mon cœur se languissait en silence. Je crus recevoir un coup de poing en plein estomac alors que je découvrais sa tenue, une robe minuscule, si courte qu’un coup de vent aurait pu facilement la dénuder. Je déglutissais alors qu’elle se tournait et m’offrait son dos. Je tendais l’oreille pour écouter, mais ils étaient suffisamment loin pour que je ne puisse entendre leur conversation. Si aucun son ne me parvenait, je pouvais aisément les observer lorsque Min Seok s’approchait de Sae Yeon, comme un félin prêt à bondir sur sa proie. L’œil lubrique, il se pavanait se permettait des gestes particulièrement déplacés. Une main baladeuse qu’il promenait sur ses épaules, son bras pour le ficher sur sa taille. J’avais envie de hurler et pourtant… je restais figé sur place comme un idiot.

Mon cœur loupait un battement à chacun de ses gestes, mais le pire fut sans doute lorsqu’il approcha ses lèvres de son cou. Était-il entrain de lui murmurer quelque chose ? Ce fut à cet instant précis qu’un groupe vint se placer juste devant moi, et il me fallut un temps considérable pour remarquer que les trois jeunes femmes me regardaient les yeux pleins d’étoiles. « Park Jun, c’est ça ? » lâcha l’une d’entre elle. « Oui… » soufflais-je. Je les regardais sans les voir, trop concentré sur Min Seok et Sae Yeon qui s’étaient déplacés. Je tentais de calmer mon muscle battant affolé et engageais la discussion la plus courte de ma vie avec celle qui se présentaient à moi. « Je suis désolé, je… je dois passer récupérer des affaires, mais au plaisir de vous croiser dans les couloirs ! » Un sourire auquel elles répondirent et je partais à leur recherche.

Il me fallut un temps infini pour enfin repérer Min Seok jouant des coudes pour se déplacer. Pourquoi se frayait-il un chemin au beau milieu de la foule dense alors qu’il y avait la place à peine quelques mètres plus loin ? Discrètement, je le suivais pour finalement comprendre… il faisait exactement la même chose, avec Sae Yeon. Mais alors que je heurtais quelques silhouettes sur mon passage, lui avançait sans encombre jusqu’à finalement disparaître. Affolé, tentais de savoir où il s’était volatilisé. Sae Yeon était-elle encore présente ? S’étaient-ils entendus pour se rejoindre ailleurs ? Mes pensées se mêlaient et j’étais désormais incapable de réfléchir correctement. Guidé par une peur indicible, je tournais et décidais de passer les portes qui se trouvaient sur ma gauche. Un échec… il n’y avait personne dans l’artère principale, et ce vide m’insuffla une peur panique. Je respirais avec difficulté en imaginant le pire. Je les avais vu ensemble, parler, rire, échanger plus que de simples regards… mais avant que mes jambes ne se dérobent sous mon poids, je retournais dans la salle de conférence et empruntais une autre porte, une de celles qui menaient vers les loges. J’ignorais si je devais me sentir soulagé ou complètement perdu alors que face à moi se trouvaient Sae Yeon et Min Seok. Mon cœur tambourinait comme un diable contre mes côtes à la vue de Min Seok qui vint passer ses bras autour de sa taille. De dos, si elle en le voyait pas, elle ne pouvait ignorer ce rapprochement et ce qu’il impliquait… non ? Elle-ce qu’elle le voulait aussi ? Ils n’étaient qu’à quelques mètres de moi, six, peut être sept tout au plus, mais je restais à nouveau figé comme un idiot. J’ignorais si la scène se déroulait au ralenti ou bien en accéléré, tout me paraissait tellement hors du temps que j’en avais perdu le fil. Bouges Jun… avance ou recule, mais cesse de regarder… m’intimais-je en silence. Sae Yeon ne le repoussait pas et j’étais alors le premier témoin de cette nouvelle idylle qui me crevait le cœur.

J’allais rebrousser chemin lorsque finalement l’atmosphère devint plus lourde. Elle eut un sursaut et un mouvement de recul face à Min Seok. Mais s’il lui offrait un sourire enjôleur, le sien paraissait crispé. Avait-il été aussi crispé avant ? Si je tentais d’analyser la situation, lui en profita pour attaquer et lui imposer un baiser qu’elle ne pu éviter. Le voulait-elle ? Abruti par ce que je voyais et ce que je tentais d’en comprendre, je ne pus rester inerte face à la seconde tentative qu’elle évita. « MIN SEOK ! » Ma voix tonna dans le couloir alors que je m’approchais d’eux. Les mains de part et d’autre de Sae Yeon, il la maintenait captive, et cette vision me donnait la nausée. Je fulminais, j’exhalais la rage, le désespoir et la douleur, mais avant que je ne puisse formuler le moindre mot, mon poing vint s’écraser sur sa joue. « Tu n’en a pas eu assez la semaine dernière ? Tu veux vraiment continuer de jouer au con ? » sifflais-je entre mes dents. Sae Yeon restait interdite face à ma réaction et je ne pouvais lui en vouloir. D’habitude calme, posé, réfléchit et presque docile, je me laissais déborder par la rage. « Rentres chez toi Sae Yeon… » ajoutais-je froidement.


 

ootd - C'était une mauvaise idée... Tout ceci était une mauvaise idée, dès le départ. Je ne sais vraiment pas à quoi je pensais... La colère, la tristesse, la peur... Il y avait trop de sentiments qui se mélangeaient en moi et qui me faisaient faire des choses complètement idiotes... Comme venir à cette soirée, et même pire, venir à cette soirée habillée dans cette tenue. Je voulais marquer le coup, je voulais marquer les esprits... Enfin surtout son esprit. Sauf que c'était complètement débile de s'y prendre de cette manière. S'il voulait rompre avec moi, qu'est-ce que cela changerait que j'arrive habillée de la sorte? Je ne sais pas ce que j'avais dans la tête... Vraiment pas. Plutôt que d'en arriver là où je voulais, c'était tout ce que je ne voulais pas qui était en train de se produire actuellement. Si j'avais noté les regards différents de certains membres du groupe sur moi, c'est l'attention bien trop poussée de Min Seok qui me gênait. Il avait déjà commencé son manège il y a quelque temps, mais ce soir c'était pire que tout. Je devais sans arrêt lui rendre ses mains qu'il posait à des endroits où il n'avait pas permission d'accéder. J'étais exaspérée, fatiguée, désespérée... Je tentais de rester polie et cordiale, de sourire... Mais je n'avais qu'une seule et unique envie ; fuir. Je voulais partir aussi loin et vite que possible de cet endroit... et de cet énergumène. Jun était là, je l'avais vu... Mais il n'était pas venu me voir, il ne se manifestait pas, alors à quoi bon rester plantée là à me faire peloter contre mon gré par un chanteur en quête d'une nouvelle victime à courtiser ? Sans vraiment réfléchir, alors que j'avais l'impression que ma tête allait exploser, je prenais congé auprès de Min Seok. "Je dois y aller... Bonne soirée," lui dis-je simplement alors que je ne voulais pas rester une seconde de plus à écouter ses compliments et ses tentatives lourdes de conquête. Je n'étais pas intéressée... N'arrivait-il donc pas à le comprendre tout seul ? Le non était-il une chose qui lui était étrangère ? À travers ses agissements, j'avais parfois l'impression d'apercevoir le spectre de Minji... Et rien que cette pensée me glaçait le sang. Il était préférable que je parte maintenant avant que les choses ne dérapent vraiment.

Me frayant un chemin à travers la foule dense et imposante, je parvenais à regagner une porte au hasard, la première qui croisait mon chemin sans savoir où elle me mènerait, mais tout ce qui comptait c'était de sortir d'ici et me retrouver loin du bruit et du monde. Alors que je passais les portes, je sentis comme un soulagement intense s'insinuer en moi. Je devrais simplement rentrer maintenant... Mais je n'avais pas pris le bon chemin pour ça. En me concentrant sur l'endroit où j'avais atterri, je me rendis compte que j'avais pris le chemin qui menait vers les loges... Soit, ce chemin pouvait aussi me mener jusqu'à mon atelier, et c'est peut-être là-bas que je trouverais mon salut. À part mon appartement, il n'y a que dans cet endroit que je me sentais chez moi... Cela me permettrait d'avoir une alternative le temps de reprendre mes esprits pour rentrer sereinement affronter la solitude de mon appartement après cette soirée... Cette journée... Cette semaine désastreuses sous bien des aspects. Mais alors que je m'étais arrêtée quelques secondes pour réfléchir, je sentis des bras venir faire le tour de ma taille, alors qu'un corps venait se coller dans mon dos en une étreinte. Et sur le moment... j'ai espéré si fort que ce soit Jun... Après tout, qui d'autre pourrait m'enlacer de cette façon si ce n'est lui ? Mais je crois que je prends un peu trop mes fantasmes pour des réalités. Je ne repoussais pas ce contact inconnu, me persuadant de sa provenance. Mais alors que je me laissais aller quelques secondes... Je m'aperçus bien vite qu'il n'en était rien, que cette silhouette n'était pas la sienne, que ce parfum qui m'enivrait tant... N'était pas le sien, que ce que je ressentais à son contact... Était en fait totalement "différent". Et c'est tout cela qui m'a fait tiquer et sursauter brutalement alors que je me dégageais de cette affection à laquelle je n'étais pas consentante. Alors que je faisais rapidement volte-face, je me rendis compte qu'il s'agissait de Min Seok... Encore une fois. "Min Seok... Qu'est-ce que tu fais ici ?" Lui demandais-je en essayant un sourire... Plus crispée qu'autre chose. "Tu es partie si vite alors qu'on était en pleine conversation... J'ai cru que c'était un signal pour qu'on se retrouve seuls ici ?" Un signal de quoi ? Mais... Il se moque de moi, pas vrai ? Maintenant je fais des signaux dont je ne suis même pas consciente ? J'en suis arrivée à ce point-là ? Un pas en arrière, je tentais de m'éloigner de lui, mais avant que j'aie le temps de réagir, il m'avait attrapée par la taille, et ses lèvres se scellaient aux miennes en un baiser. Complètement interdite, je me retrouvais incapable de bouger, aucune parole, aucun mouvement... Je n'arrivais plus à rien, mon cerveau venait d'être complètement court-circuité par le choc de la situation. C'est sûrement cette inaction qui lui permettra d'interrompre cet échange... Avant de tenter d'en provoquer un autre... Mais cette fois je le repoussais, la surprise ne jouant plus en sa faveur. "Arrête, Min Seok..." tentais-je alors qu'il ne semblait pas vouloir comprendre la détresse dans laquelle il venait de me plonger. Je n'en revenais pas qu'il ait osé faire ça... Alors que je passais mon temps à le repousser, sans jamais lui donner une once d'ouverture ou d'opportunité allant dans le sens d'un intérêt commun. Je me sentais souillée et prise au piège... J'avais envie de le gifler et de partir en courant... Mais si je me mettais Min Seok à dos, je pouvais purement et simplement me faire virer... Je ne savais pas quoi faire, j'étais complètement perdue et désemparée... J'étais déjà dans un état émotionnel déplorable, il ne faisait qu'en rajouter une couche supplémentaire en m'enfonçant un peu plus dans la noirceur d'un état dont je peinais à sortir.

La suite des événements se déroula si vite que j'eus la sensation de ne rien comprendre. Dans un premier temps, la voix de Jun transperça le silence ambiant. Il hurlait littéralement le nom de son comparse qui se stoppa donc dans ses mouvements. Et avant qu'il eût à son tour le temps de réagir, il se prit une droite monumentale par Jun. Je me retrouvais ainsi dégagée, mais, choquée de cette soudaine violence, mes mains se portèrent à ma bouche de surprise. Je jettais un regard surpris à celui qui faisait battre mon cœur depuis si longtemps... Mais que je reconnaissais à peine en cet instant. Son corps était tendu de colère, son regard était noir et froid... Que se passait-il au juste ?... Et d'un coup, mon cœur se tordait de douleur à la simple idée... Qu'il ait pu voir Min Seok m'embrasser... Il l'avait vu, pas vrai ? Qu'en avait-il pensé ? Pourquoi intervenait-il ?... Je ne comprenais plus rien, tout se mélangeait dans ma tête. Mais le ton glaçant de sa voix me ramenait à la réalité. Il me demandait de partir... Mais comment pourrais-je dans un instant comme celui-là ? "Jun... ?" Finis-je par prononcer alors que je m'approchais de lui, prenant dans ma main la sienne dont les phalanges étaient rougies par la puissance du coup qu'il venait de porter... Mais son regard d'un noir profond, et sa colère manifeste ne laissaient pas de place à la négociation. Je ne savais pas quoi en penser... Je ne savais pas si je devais avoir peur, si je devais être encore plus en colère qu'il me vire de cette manière... Ou si je devais être inquiète qu'il lui arrive quelque chose lors de cette altercation qui, vu le regard de Min Seok, promettait d'être violente. Je ne voulais pas partir, mais si je restais... Est-ce que cela intensifierait les potentielles doutes qu'il pourrait avoir sur son collègue et moi alors que j'étais maintenant persuadée qu'il avait assisté à ce contact non désiré ? Je décidais finalement de tempérer... Et de quitter les lieux avant de faire une bêtise qui en dirait trop long sur la relation que nous avions pu avoir tous les deux... Ce secret ne m'avait jamais autant pesé qu'à ce moment précis.

C'est le cœur lourd et meurtri que je rentrais finalement chez moi. Alors que je passais la porte de mon appartement, j'avais l'impression que tout le poids du monde s'abattait sur mes épaules. Ce qui s'était passé ce soir... Était complètement surréaliste... Avais-je bien fait de les laisser tous les deux ? Qu'avait-il pu se passer ? Une partie de moi se tordait d'un stress sans pareil... Alors qu'une autre fustigeait de se rendre compte qu'il m'avait imposé. Jun et moi... N'arrivions nous plus à nous comprendre ? Si notre relation était terminée pourquoi avait-il agi comme il l'avait fait ? Plus rien ne semblait faire sens, avoir la moindre cohérence. Je me laissais tomber sur le canapé et me laissais envahir par toutes ses émotions qui me flagellaient le cœur. Un regard sur mon téléphone... Pour y découvrir sans surprise qu'aucun nouveau message n'était arrivé...

Pendant un temps qui me semblait une éternité, je n'avais pas bougé, mon fort intérieur luttant en permanence pour chercher comment réagir à tout ça... Mais rien ne semblait vouloir venir, vouloir se détacher du lot. C'était trop frais et pourtant... J'avais besoin, un besoin viscéral de comprendre... Le temps avait passé alors que je me levais finalement pour boire un verre d'eau afin de me rafraîchir les idées. Je devrais sûrement prendre une douche et aller me coucher... Retirer cette robe qui avait causé trop de dommages et de tensions ce soir... Mais finalement, Min Seok aurait-il agi différemment si j'avais porté à sa vue une autre tenue ? Rien n'était moins sûr vu son attitude de ces dernières semaines. Marchant dans mon appartement, je me rendais compte alors que je passais devant mes fenêtres que la pluie s'était installée... Et pas une simple pluie éparse, mais une vraie cascade s'était mise à tomber à l'extérieur... J'avais l'impression que la météo reflétait celle de mon cœur. Mais alors que j'allais ouvrir la porte de ma salle de bain... Je me rappelais que j'attendais un colis qui devait arriver dans la soirée dans ma boîte aux lettres... C'était du matériel de couture dont j'avais besoin... Soupirant, je décidais d'enfiler un gilet à capuche afin de descendre en bas de l'immeuble où étaient disposées toutes les boîtes aux lettres des habitants de l'immeuble. Lentement, le pas lourd, je me dirigeais vers la mienne que j'ouvrais... Un nouveau soupir filtrait mes lèvres alors que je prenais conscience qu'il n'y avait rien... Décidément, on ne pouvait se fier à rien ni personne... Je refermais la boîte avant de jeter un coup d'œil vers l'extérieur... Contemplant quelques secondes la pluie qui ne semblait pas vouloir calmer ses assauts... Accompagnée maintenant d'un orage qui déchirait la noirceur du ciel.

 

J’étais devenu sourd, aveuglé par une colère puissante et destructrice. Je n’entendais plus rien si ce n’était les battements de mon cœur contre mes tempes, je ne ressentais plus rien hormis la douleur de mes phalanges rougies par le coup et ma respiration qui ne m’échappait plus qu’en un filet brûlant. Je tremblais de cette rage qui me consumait plutôt que de rassurer ou de l’expliquer à Sae Yeon dont même l’expression choquée ne parvenait pas à faire tarir cette soudaine pulsion violente. Je m’étais déjà laissé aller lors de mes congés, j’avais créé les premières vraies tensions au sein du groupe et rien que pour ça, je savais que je m’en voudrais infiniment. Que Min Seok soit en partie fautif n’était pas une excuse, je venais de laisser libre cours à un accès de fureur sans précédent et il me faudrait désormais composer avec cette part sombre à laquelle je n’avais pourtant jamais cédé. Les yeux inondés, Sae Yeon tentait un geste en attrapant ma main, une douceur que je ne parvenais pas même à ressentir, trop concentré sur la brutalité dont je venais de faire preuve. « Rentre chez toi… » Ma voix était sèche, glaciale. Il n’y avait pas une once de chaleur dans le timbre dépourvu d’émotions, et si j’espérais qu’elle m’écoute, je nourrissais aussi l’espoir qu’elle ne me tienne pas rigueur de ce ton si distant. Le temps semblait s’être suspendu et pourtant… quelques minutes à peine s’étaient écoulées avant que la brune ne quitte le couloir pour me laisser seul avec Min Seok.

Il me faisait face, une expression de folie tirait les traits de son visage, et je ne pouvais pas lui en vouloir… « Tu te prends pour Mohammed Ali ? » cracha-t-il. « Tu te prends pour un bourreau des cœur… » rétorquais-je. « Je pensais avoir été clair… tu ne t’approches pas de Sae Yeon. » Face à son hilarité soudaine, je l’observais sans comprendre. « Autant pour moi, tu te prends donc pour le défenseur de ses dames, le valeureux chevalier qui vient au secours d’une jolie demoiselle, qui n’est pourtant pas en détresse… » Mâchoire crispée, je serrais les poings à en faire blanchir les jointures inconsciemment. « Pas en détresse ? Donc qu’elle te repousse et qu’elle dit non tu comprends le contraire ? Je te savais con, mais pas à ce point-là ! » Je savais que je dépassais les limites, je le provoquais presque volontairement et j’étais prêt à en découdre avec lui. La tension pesante m’étouffait et alors que nous nous toisions sans un mot, en une fraction de seconde tout changeait. Je me jetais sur lui alors qu’il faisait de même et s’en suivait un échange de coups. La bague qu’il portait vint écorcher ma lèvre avant de laisser sa marque sur ma joue et avant que je ne lui rende la pareille, je sentis une main attraper le col de ma chemise et me tirer brutalement en arrière. « Mais enfin ça ne va pas vous deux ! » J’expirais avec douleur tant mon cœur saignait de la scène désormais gravée dans ma mémoire. Je voulu lui porter un nouveau coup mais fut aussitôt retenu par le manager qui fit tonner sa voix grave dans le couloir. « ÇA SUFFIT ! Mais enfin vous avez quel âge ? » La suite ne fut qu’une dispute dans laquelle les voix explosaient, si Min Seok tentait de se défendre, je préférais le mutisme. « Tu n’as rien à dire Jun ? » Je secouais la tête, un regard noir rivé sur mon opposant. « Je ne pensais jamais en arriver là mais… je ne veux plus vous voir dans la même pièce… vous vous comportez comme deux gamins. Jun… s’il te plait vas chez ta grand-mère ce soir, quand à toi Min Seok… tu rentres et je veux une photo pour preuve ! »

J’attendais qu’il me lâche mais il n’en fit rien, peut être savait-il que dès l’instant où il me rendrait ma liberté, je tenterais à nouveau de refaire le portrait de cet enfoiré qui se pensait tout permis. J’attendais patiemment, mais il ne décida de me libérer que lorsque Min Seok fut enfin hors de vue. « Je te conseille vivement d’aller chercher des affaires dans ton casier et de filer chez ta grand-mère… Ne tentes même pas d’aller à l’appartement ou je mets fin à ta carrière. » Mon cœur loupa un battement à cette annonce et je plongeais mes yeux arrondis par la peur dans les siens qui n’exprimaient que le calme et la détermination. « Tu sais que j’en suis capable Jun. Fais bien attention à tes actes, je n’en tolérerais plus aucun. Je suis sérieux, un faux pas de plus et je te vire de l’agence. » Avec douleur, j’opinais du chef, conscient des enjeux de mon comportement et lui tournais le dos pour m’enfoncer dans le dédale des couloirs sombres du bâtiment.

Seul avec moi-même, je laissais les larmes ruisseler sur mes joues endolories de ce combat improvisé. Je m’en voulais, je me détestais d’en être arrivé à ce point et en même temps… je ne pouvais m’empêcher de nourrir une réelle haine contre Min Seok. Il restait encore et toujours impuni tandis que je frôlais l’éviction. Le pas lent, je ralliais les vestiaires et me dirigeais vers mon casier. À l’intérieur j’y retrouvais quelques vêtements de rechange, des snacks, des produits d’hygiène et une pochette… Une pochette ? Si je pensais avoir suffisamment souffert pour la soirée, la vue de cette pochette en particulier me déchira un peu plus le cœur. Quand les avait-elle déposés ? Et surtout… pourquoi ? J’en effleurais la tranche du bout des doigts avant de les retirer brusquement et de refermer la porte en métal brutalement sur lequel j’abattais mon poing. J’échappais un soupire lourd tandis que de nouvelles perles liquides roulaient sur mes pommettes. Je les essuyais d’un revers de manche et quittais les lieux sans hésitation.

D’un pas rapide, je traversais les rues de Gwangju avec une seule idée en tête. Je ne réfléchissais plus, je ne pensais plus, simplement guidé par une nouvelle pulsion… Cette once de courage qui m’avait porté jusqu’au bas de son immeuble et qui s’évaporait aussitôt sous une pluie diluvienne. Si je savais ce qui m’avait poussé à venir chez elle, je n’avais aucune idée de ce que je pouvais lui dire. Les mots étaient des armes qui me faisaient souvent défaut et c’était pour cette raison que je les taisais. Pourtant, j’avais laissé parler la spontanéité et je n’en regrettais pas une seule parole. Mais que dire après de tels incidents. De disputes en rixes, j’avais la sensation d’accumuler les erreurs. Sous le déluge d’une pluie torrentielle, mon cœur tambourinait comme un beau diable alors que j’amorçais les quelques pas qui me séparaient de la porte d’entrée… avant de rebrousser chemin subitement. L’eau imbibait mes vêtements, elle noyait mes pensées au point de me rendre incapable de savoir quoi faire. M’excuser ? Lui demander des explications ? Je savais parfaitement de quoi Min Seok était capable, et je savais aussi parfaitement qu’elle n’était à l’origine d’aucune de ses tentatives. Alors pourquoi avais-cette impression de trahison ? Pris d’une nouvelle pulsion, je me décidais à aller frapper à sa porte… avant de me dégonfler sur le champ. Et finalement, je me laissais tomber sur le muret le plus proche. Trempé jusqu’aux os, je ruminais mes pensées, mes actes, et ces sentiments auxquels je ne comprenais pas grand-chose. Je ne relevais le nez que lorsque je vis la lumière du hall d’entrée s’allumer au passage de Sae Yeon. Mon myocarde loupa un battement alors que je croisais son regard et je me levais instinctivement. Figé sur place, je me contentais de la regarder sans savoir quoi dire, quoi faire ou quoi espérer.

 

ootd - Les yeux rivés vers l’extérieur, je ne sais pas pourquoi je reste figée à contempler cette pluie qui semble exprimer la tristesse du ciel. Peut-être avais-je la sensation que cela m’apaisait même un peu ? C’est bien connu, cette vue était un magnifique antistress et actuellement j’en avais besoin plus que jamais. Mon corps était tendu comme jamais, j’étais dans un état que jamais je ne pensais connaître... Pendant un instant, je revivais cette horrible scène avec Min Seok, ce moment d’incompréhension totale où ses bras s'étaient enchaînés autour de moi, où ses lèvres s'étaient retrouvées sur les miennes. Mon estomac et mon cœur se tordaient à nouveau d’une vive douleur... Mais je savais qu’une chose me faisait tout aussi mal... C’était le fait que Jun ait pu assister à cette scène... Malgré la colère, j’arrivais encore à avoir peur de ce qu’il pourrait penser... Mais qu’est-ce que ça pouvait faire maintenant ? Que restait-il de nous ? Je n’en savais rien... sûrement plus grand-chose... Mais il avait fallu ce moment pour qu’il se réveille un minimum, qu’il réagisse... et que devrais-je en déduire ? Je ne préférais même pas m’y attarder... j’avais peur de simplement imaginer des choses qui n’existaient pas. Je ne voulais plus spéculer sur quoi que ce soit. Rentre chez toi… voilà les seuls mots que Jun m’avait adressés en presque quinze jours... il me renvoyait encore une fois à des kilomètres de lui. Dans un ton qui ne lui ressemblait pas. Je n’arrivais plus à suivre cette histoire. La façon la plus simple d’avoir des explications serait de lui demander, je suppose... mais je ne me sens pas la force de courir après lui... Pas après tout ça. C’est lui qui était parti. Qui m’avait abandonnée sur place, qui m’avait éloignée. Ma compréhension avait une certaine limite et il les avait malheureusement atteintes. Je soupirais de frustration. Je retenais des larmes de couler alors que la détresse m’envahissait soudainement.

J’allais repartir, remonter simplement chez moi bredouille après cette interlude qui n’avait servi à rien. Mais alors que mes yeux allaient quitter la vision de l’extérieur, j’ai eu l’impression de voir quelque chose, du moins quelqu’un sous la pluie. Il m’a fallu quelques secondes pour me rendre compte qu’il s’agissait... de Jun. Mon air surpris devait tout dire alors que nos regards s’accrochaient finalement. Pourquoi ?... pourquoi soudainement débarquait-il ici sans prévenir ? Un message, c’était trop compliqué mais venir ici, non ? Incompréhensible, vraiment. Qu’est-ce que j’étais sensée faire maintenant ? Accourir vers lui ? Lui demander des explications ? Non… impossible. Pas après tout ça, je ne pouvais pas courir vers lui de la sorte… il m’avait repoussée, fait souffrir, enfonçant un pieu dans mon cœur un peu plus à chaque jour de silence et de distance qu’il m’imposait. Je pouvais sentir le poison de la colère se réveiller et parcourir les veines s'y introduisant sournoisement… j’esquissais un premier pas en arrière... avant de finalement parvenir à décrocher mon regard du sien et de partir en direction de l’ascenseur. J’appuyais sur le bouton pour l’appeler, et le temps d’attente ne m’avait jamais paru aussi long qu’à ce moment précis. Je mordais ma lèvre inférieure nerveusement, et voyais les portes s’ouvrir comme s’il s’agissait de mon salut. Je m’engouffrais rapidement à l’intérieur et appuyais afin d’activer la montée vers l’étage souhaité. Et encore une fois, l’attente me parut interminable et un millier de questions eurent le temps de se frayer un chemin jusqu’à mon esprit... mais le pire... ce fut la vision de Jun qui s’imposait à moi... je revoyais son image, sa silhouette trempée par cette pluie déchaînée. Son regard perdu me hantait…

Quelques secondes... tout ceci ne dura littéralement que quelques secondes, mais j'avais l’impression d'avoir passé un temps fou à débattre avec moi-même. Et si j'avais la sensation que ma tête restait sourde aux assauts de mon cœur... Alors que les portes se fermaient face à moi, mon poing s’abattit sur le bouton de maintien des portes et elles se rouvrirent aussitôt. Mais qu'est-ce que je fais ? demandais-je alors que tout mon être était en totale contradiction. Mais je ne pouvais pas... le laisser comme ça. Ce n’était pas moi ... je rebroussai chemin, me retrouvant de nouveau devant l’énorme baie vitrée de l’entrée, face aux portes. Et après une dernière hésitation, j’ouvris afin d’accéder à l’extérieur. Jun avait bougé, il était assis, sous la pluie, sur un petit muret non loin... et j'avais beau être en colère, cette vision me fendait le cœur. Je ne pouvais pas rester inerte face à cette vision. Si ce spectacle m'avait figée sous la pluie, laissant à cette dernière l'occasion de complètement me tremper... il faut dire que vu le peu que je portais, ce n'était pas difficile. Je retirai mon gilet et en m'approchant de Jun, je vins l’étendre au-dessus de lui afin de le protéger momentanément de l'eau qui tombait encore et encore. Mon regard croisant le sien, surpris, j'hésitais encore. « Pourquoi es-tu là ?... » demandais-je en essayant de sonder son esprit à la recherche d’une réponse. Mais le tonnerre qui raisonnait dans le silence de la nuit me ramenait à la réalité de la situation. « Allez, viens... » lui dis-je finalement, attrapant son poignet afin de le tirer à l'intérieur.

Nous entrâmes dans le hall, complètement trempés. Le froid ambiant dû à ce nouvel état me glaçait, et je me doutais que ça devait être la même chose pour lui. De plus, nous ne pouvions pas rester ici, avec le monde qui pouvait passer. Je continuai alors à le tirer avec moi jusqu’à l’ascenseur. Le silence était pesant... mais tous les deux avions conscience que ce n'était peut-être pas le meilleur endroit pour parler… La sonnerie retentit afin d'indiquer que nous étions arrivés à mon étage... et je sentais de plus en plus la tension venir sceller mes muscles. Arrivée devant mon appartement, devant ma porte, j’eus une nouvelle hésitation... j’étais en colère, je ne voulais pas le voir et pourtant... je m’apprêtais à le laisser pénétrer chez moi... mais au fond de moi, je savais... j’avais bien conscience que c'était ce qu'il fallait. Que c’était le mieux à faire... mais le mieux n’était pas toujours évident. Avec un aplomb retrouvé, je composai le code afin de laisser la porte se déverrouiller et de pouvoir appuyer sur la poignée, laissant la porte s'ouvrir devant nous. Nous rentrâmes rapidement à l'intérieur, nous mettant enfin à l'abri des regards indiscrets... et alors que je me trouvais face à lui, je fuyais encore un peu pour le moment. Je l’abandonnais là, dans le salon dans lequel nous venions de pénétrer, afin d'aller dans la salle de bain récupérer des serviettes, pour une raison logique : nous sécher. Revenant là où j’étais initialement, je donnais une des serviettes à Jun. « Tiens... et déshabille-toi, tu risques de tomber malade. Donne-moi tes vêtements, je vais les mettre à sécher. » Mon ton était neutre, dénué d’émotion. J’agissais juste comme je l’avais toujours fait, avec considération. Évidemment, les sentiments que j’avais pour lui rajoutaient à ce besoin de prendre soin de lui. Mais j’avais l’impression de repousser un peu plus un moment compliqué... plaçant la serviette au niveau de mes cheveux, j'essayais de les essorer un minimum afin de ne pas complètement tremper le sol...

 

Il n’avait suffi que de quelques secondes, un instant suspendu dans le temps et elle disparaissait déjà derrière les portes de l’ascenseur. Pouvais-je seulement lui en vouloir alors que j’éprouvais envers moi-même un dégoût indicible ? Mes épaules se voutèrent alors que j’éprouvais le poids du remord et de la honte. Si Halmae me voyait… elle serait la première à me sermonner. Les yeux rivés au sol, si je restais sous cette pluie torrentielle, laverait-elle toutes les blessures de mon âme ? Si jamais je ne m’étais vanté d’être irréprochable, j’avais toujours agi avec justesse. Je pesais le pour et le contre, je jaugeais le bon et le mauvais pour faire en sorte de prendre les meilleures décisions… comment pouvais-je à ce point tout foirer désormais ? Je fouillais dans ma mémoire, dans les vestiges d’une relation déjà oubliée… et je n’en trouvais qu’un vague souvenir pour lequel je n’éprouvais rien, pas même une certaine nostalgie. Je n’avais jamais aimé. Une vérité que j’acceptais et dont j’avais parfaitement conscience, mais et maintenant ? Les sentiments que j’éprouvais pour Sae Yeon, pouvaient-il faire écho aux siens ? Ceux qu’elle avait couchés sur papier alors qu’elle n’était encore qu’une inconnue pour moi ?

J’eus l’impression d’être assis depuis une éternité alors que la pluie cessa soudainement de s’abattre sur moi. En levant les yeux, je découvrais Sae Yeon me protégeant de son sweat, en s'oubliant volontairement sous la pluie. En quelques secondes seulement, elle se retrouvait trempée, quelques secondes de trop. J’aurais dû me lever, la protéger, mais rien… je restais figé, trop abasourdi pour comprendre ce qu’il se passait. Ne venait-elle pas de m’ignorer ? Sans un mot, je la laissais saisir mon poignet et me tirer vers le bâtiment. Je lui emboitais le pas sans broncher, me contentant de fixer son dos. Sa présence, son geste semblaient m’avoir tiré d’une léthargie dont je n’avais pas pris la mesure, et j’éprouvais soudain le froid mordant causé par l’humidité de ma tenue. Combien de temps étais-je resté ainsi dehors ? Des heures ? Le temps n’avait plus de sens, et il en avait encore moins alors que je me retrouvais enfermé dans la cabine avec elle. Ses doigts me menottaient toujours et je redoutais le moment où elle m’offrirait ma liberté. N’était-ce pas paradoxal ? J’étais celui qui lui avait imposé cette relation dans laquelle je conservais égoïstement une indépendance certaine. Aux yeux du monde, nous n’étions rien l’un pour l’autre, si ce n’était deux collègues. Et à cet instant, je me surprenais à vouloir plus.

Les portes en métal vibrèrent en s’ouvrant sur le palier, et à nouveau, elle me tira à sa suite jusque devant la porte de son appartement. Mes yeux chutèrent un instant et je constatais alors que dans notre sillage, nous avions laissé de longues traînées d’eau. Je prenais conscience de l’état dans lequel nous étions et si d’une main je pressais ma chemise pour le vérifier, l’eau fuyait le tissus sous la pression de mes doigts et je me sentais soudain mal à l’aise. Elle composa le code de sa porte d’entrée avant de finalement m’ouvrir son antre. Allais-je vraiment m’inviter chez elle de cette manière ? Visiblement oui. D’un pas en avant, je me retrouvais finalement chez elle, et j’en mesurais l’importance. Je savais, ou tout du moins, je comprenais que ma présence était loin d’être anodine, aussi, je demeurais immobile dans l’entrée tandis qu’elle allait s’armer de serviettes. J’attrapais celle qu’elle me tendait sans réagir davantage. Je continuais de l’observer sécher ses longues mèches d’ébène détrempées, elle, face à moi… et toujours dans cette robe… « Sae Yeon… » Ma voix résonna faiblement, mais elle était suffisamment audible pour que la brune ne tente à nouveau de me fuir. Je ne lui en voulais pas, elle avait toutes les raisons de s’éloigner, de ne plus vouloir souffrir. Mais par réflexe, j’attrapais à mon tour son poignet.

« Je suis désolé… » Pour le silence, pour la colère, pour mon comportement, pour tout ce que j’étais incapable de lui offrir dans le secret d’une relation qui semblait s’achever. Cette pensée me fit grimacer de douleur, mais je ne parvenais pas à relâcher ma prise. « Min Seok… et toi… » Je n’osais pas finir ma phrase, même si je savais que c’était impossible, pas après sa réaction dans le couloir. Peut-être aurais-je mieux fait de me taire, car face à son regard exaspéré et choqué, je savais que je provoquais une nouvelle blessure. « Excuses moi, c’est juste qu’il… » Mais je préférais taire les incidents de notre séjour. Il m’avait imposé des images que je voulais oublier… sans y parvenir. Je la revoyais, ses lèvres sur les siennes et je lâchais finalement son poignet. Pourquoi était-ce si difficile ? Ne pouvais-je pas simplement être honnête ? Lui expliquer combien je tenais à elle, que nos escapades furtives me manquaient, que la douceur de sa peau, la chaleur de son sourire, les effluves sucrées de son parfum me manquaient ? Comment lui dire que si elle m’aimait, comme elle l’avait écrit, je n’étais pas encore capable de répondre à la force de ces sentiments, le pourrais-je un jour ? N’étais-je pas égoïste en voulant retrouver ce que nous avions juste avant que Minji ne fasse tout voler en éclat ? Je vis ses lèvres se fuir, et de peur, je pris la parole en premier. « Je tiens à toi. » balançais-je soudainement. Je redoutais ce qu’elle pouvait dire, et je me surprenais à parler le premier. « Je… je tiens vraiment à toi Sae Yeon… C’est sans doute impossible, mais j’aimerais retrouver ce qu’on avait… avant… » Avant le retour de Minji, pensais-je. Mais je vis à son expression que les mots me faisaient défaut une fois de plus. Elle était l’autrice des lettres, ma correspondante anonyme et je ne pouvais plus revenir en arrière alors que je savais. Je sondais ses perles sombres en quête d’un indice quant à ce qu’elle attendait de moi : partir ? Rester ? Disparaître à tout jamais ?


 

ootd - Nous étions dans mon appartement, seuls, face à face, quelque chose que nous n'avions pas fait depuis ce jour fatidique qui avait tout changé. Je ne pensais pas que je l'aurais fait tant la blessure était encore vive, mais pourtant il était bien là, dans mon appartement. Je me suis contentée d'agir comme si de rien n'était, le traitant comme une personne ordinaire, lui fournissant l'aide nécessaire, un abri, une serviette, une invitation à se sécher... Je ne savais pas quoi faire d'autre pour le moment. Assez distante et froide, je ne le regardais pas, du moins pas encore. Je me contentais d'essayer de sécher mes longs cheveux trempés avec une serviette. Et c'est le son de sa voix qui a finalement initié un nouvel échange de regards que j'avais soigneusement évité jusqu'alors. Sa main posée sur mon poignet encourageait l'échange... et je n'ai pas reculé. Je me contentais de l'observer, en silence... des excuses, mais des excuses pour quoi exactement ? Cela ne m'aidait pas vraiment à me sentir moins perdue, mais au moins... cela montrait qu'il savait qu'il avait fait une erreur. Puis la mention de Min Seok... Mais là, je m'arrêtais et soupirais légèrement alors que j'étais choquée et consternée par le début d'une phrase qui n'avait aucun sens. Minseok et moi quoi ? Il n'y avait jamais rien eu entre nous et il n'y aurait jamais rien, c'était certain. Notre seul échange restera celui initié par le jeune homme auquel je n'ai pas pu "résister" à cause de la surprise de son geste qui m'avait complètement stupéfaite. Alors, il s'engageait sur une pente glissante... Mais il semblait vouloir se racheter... Sauf qu'au final, aucune de ses phrases ne semblait mener à quoi que ce soit. Elles avaient un début, pas de fin, pas de contexte. Je ne comprenais rien, pas plus qu'avant son arrivée, et c'était encore plus frustrant de le voir là, parler, sans que rien ne soit éclairci.

Après quelques secondes, j'ai décidé de prendre la parole à mon tour... Mais j'ai été immédiatement interrompue par une déclaration de Jun. Je lui ai alors lancé un regard surpris. Il tenait à moi ?... Mon cœur s'est mis à battre plus vite, et cette révélation était aussi agréable que douloureuse. Donc, je savais que je ne le laissais pas indifférent... mais, d'un autre côté, aucune de ses actions ne correspondait à tout cela. Et pire, il expliquait qu'il voulait retrouver ce que nous avions avant... Et je ne pouvais être plus perdue que je ne l'étais déjà. J'ai reculé d'un pas avant de lui tourner le dos. Marchant un peu, je suis venue poser la serviette que j'utilisais sur le dossier en bois d'une de mes chaises, et je me suis arrêtée, perdue dans mes pensées. J'avais besoin d'une seconde pour digérer tout cela, mais tant de choses étaient encore floues et incompréhensibles. Sans vraiment réfléchir, les mots ont commencé à s'échapper de mes lèvres. "Tu  tiens à moi ?" ai-je demandé avant de me retourner finalement dans sa direction, sans bouger de ma place. "Alors explique-moi pourquoi tu m'as laissée en plan à l'atelier en partant comme ça sans explication ? Et pire, pourquoi ne m'as-tu pas donné de signe de vie pendant tout ce temps ? Et en prime, pourquoi m'as-tu évitée lorsque tu es revenu ? Je comprends que cette histoire avec Minji, avec les lettres... Que tout cela ait pu te perturber mais..." J'ai soupiré, passant ma main dans mes cheveux de frustration. J'étais agitée, j'avais du mal à rester en place. "Jun... Je ne comprends plus rien..." Maintenant que nous parlions enfin, que nous nous expliquions, sans personne autour pour nous interrompre, autant aller jusqu'au bout. Ne rien retenir, juste être honnête. "Ton silence... pour moi, les choses étaient claires... Tu avais rompu avec moi, ou du moins c'était ton souhait. Il n'y avait pas mille explications possibles pour ce silence radio soudain..." Les mots sortaient avant de passer par mon cerveau pour essayer de les filtrer, de les remettre dans un ordre approprié. Ils sortaient tels quels, bruts, complètement décousus et désordonnés... comme c'était dans ma tête, pour être honnête. "Et maintenant tu me dis que tu voudrais que tout redevienne comme avant... Je suis perdue." Je me sentais vulnérable et désemparée. Il me perturbait plus qu'il ne m'aidait. Mais au moins, je lui faisais part des choses. Nous devions communiquer, c'était certain. Croisant les bras, cherchant un peu de chaleur contre ma peau froide comme le marbre à cause de cette pluie improvisée, je luttait contre mon état physique et mental alors que j'avais du mal à croiser le regard de Jun actuellement. La colère semblait peu à peu s'effacer au profit de la tristesse, un sentiment que j'avais tant tenté de repousser pendant si longtemps.

 

J’avais pris la parole sans réfléchir pris d’une nouvelle panique avant même qu’elle n’émette le moindre son. Je le constatais à sa façon de me regarder, de se tenir, et même de respirer. Elle exhalait une colère dont je ne saisissais qu’une infime partie. Alors que j’achevais mon cours laïus, je plongeais dans ses perles d’onyx, pensant avoir un tant soit peu plaidé ma cause… lourde erreur. Ma maladresse l’avait davantage blessé et je me sentais à la fois honteux et misérable. Je tenais à elle, j’en étais certain, mais sa façon de le répéter… les mots sonnaient comme une insulte. Je tenais à elle, pour avoir franchi des interdits, pour avoir voulu me vautrer dans ces moments de plaisirs et de bonheur partagés. Je tenais à elle pour ce qu’elle était et, si je ne m’en rendais compte que maintenant, pour son soutien au travers de ses courriers dans une période sombre de ma vie. Ces mêmes échanges manuscrits qui avaient servi d’excuses pour les mensonges et la tromperie. Je comprenais qu’elle m’en veuille de lui avoir imposé le silence alors que j’aurais pourtant simplement dû lui donner signe de vie, et même si Min Seok s’était montré particulièrement insistant ce soir-là, je n’imaginais pas lui avouer ce qui m’avait tant pesé pendant ce congé. Dans son discours, elle s’éloignait, elle mettait de la distance là où j’aurais préféré la réduire à néant, mais qui étais-je pour lui réclamer ce qu’elle ne pouvait peut être plus donner ? Etait-ce de l’agacement ? De la rage ? De la déception ? De la résiliation ? Je ne savais plus déchiffrer ses émotions, au fond, l’avais-je seulement su un jour ? Perdue… nous l’étions sans doute autant l’un que l’autre.

Sans en avoir conscience, elle me porta un coup presque fatal. Et je ne sus réagir autrement qu’en secouant la tête. La bouche sèche de connaître enfin ce qui l’avait tant déchiré. « Non… » soufflais-je. Je rivais sur elle un regard empreint de tristesse. « Ce n’est pas… je n’ai pas rompu Sae Yeon… » Je luttais contre les mots tant aucun ne semblaient suffisant pour décrire ce que j’éprouvais. Devais-je me battre ? Ou simplement la laisser reprendre son quotidien tranquille ? Voulait-elle rompre ? Tant de pourquoi qui me laissèrent pantois. J’esquissais un pas vers elle, puis deux, jusqu’à finalement saisir sa main de nouveau. Je la hissais jusqu’à ma poitrine et la posais juste sur mon cœur. « Je tiens à toi… vraiment… énormément… » Je glissais les doigts de ma main libre sous son menton et les remontais avec douceur pour caresser sa joue. « Je suis désolé… de ne pas avoir donné de nouvelles, ces derniers jours ont été… éprouvants. » Si je ne le mentionnais pas, Min Seok hantais chacune de mes paroles. « J’ai voulu t’écrire… mais je ne savais pas quoi dire. » J’appréciais la chaleur de sa paume sur le haut de mon torse et pressais ses doigts avec douceur. Je taisais volontairement l’agression qu’elle venait de vivre, les lettres, Minji, le silence, tout… Je voulais seulement qu’elle comprenne que j’avais fait des choix en m’embarquant dans cette relation, que je ne les regrettais pas et que si j’étais là, devant elle, je faisais à nouveau ces mêmes choix. Mais une partie de moi redoutais qu’elle ne fasse marche arrière. Se cacher, ne jamais avouer à personne, c’était un secret sans doute trop pesant. Ma main abandonnait finalement sa pommette au profit de sa taille que j’entourais pour l’attirer contre moi. Je l’enlaçais et cachais ainsi la peur de sa réponse. « Dis-moi… le choix t’appartient… »


 

ootd - Je crois que nous étions arrivés à un moment où nous ne nous comprenions plus. Mais comment aurait-il pu en être autrement alors qu'aucune communication entre nous ne s'était établie depuis des jours et des jours ? Chacun vivait cette situation difficile à sa manière, avec ses certitudes, ses doutes, ses douleurs... Mais nous creusions un peu plus chaque jour le fossé qui nous séparait. Et aujourd'hui, nous crevions enfin l'abcès, et c'était aussi libérateur que douloureux. Il n'était jamais facile de faire face à une réalité qui n'était pas celle que l'on croyait connaître... Et c'est exactement ce que j'étais en train de vivre. Il me disait des choses qui semblaient être à l'opposé de ce que j'avais vécu et ressenti. Me dire qu'il tenait à moi alors que son comportement indiquait tout le contraire... Mais je réalisais qu'il ne pensait pas ainsi... J'avais été, je l'avoue, radicale dans ma façon d'aborder la situation. J'avais tout de suite pensé au pire, lâché les armes, et abdiqué face à cette réalité que j'avais déduite. Pourquoi tant me faire souffrir à imaginer tout de suite le pire ? Qui sait... Peut-être avais-je simplement eu la sensation que cette relation était trop belle pour durer ? Je l'aimais tellement... Mais au fond, j'étais peut-être persuadée qu'il ne pourrait jamais m'aimer en retour... Au bout de quatre ans, je m'étais faite à cette idée, créant une sorte de carapace autour de mon cœur meurtri par cette constatation... Mais c'est cette fameuse carapace qui m'avait aidée à ne pas sombrer lorsque qu'il avait eu sa phase "Minji"... Alors je ne pouvais pas complètement la détester...

Il répondit négativement, m'assura que rompre n'était pas son intention... Et je sentis mon cœur s'animer de nouveau à cet instant... Nous étions donc mal compris à ce point ? La distance entre nous se réduisit drastiquement, et je ne bougeai pas alors qu'il me faisait finalement face. Je le laissai faire alors qu'il guidait ma main qu'il posa délicatement sur son cœur... Encore une fois, il me le dit, il tenait à moi... Et pendant un instant, je me concentrai sur la sensation des battements de son cœur... Ils étaient rapides, irréguliers, faisant écho à mon propre myocarde affolé... Il fit en sorte que nos regards se croisent... Sa caresse sur ma joue me rappela un contact qui semblait remonter à une éternité... Lentement, j'eus la sensation que la colère se diluait, s'apaisait. Je commençai à comprendre les choses, à remettre les pièces du puzzle à leur place. Nous avions tous les deux nos torts dans cette histoire... Et même si je lui en voulais encore un peu... Je ne pouvais pas rester sourde à ses regrets. Alors qu'il passait ses bras autour de moi dans une étreinte, je me sentis fondre, littéralement. Il me mettait dans des états pas possibles avec une facilité déconcertante, et ce qui se passait en ce moment en était un parfait exemple. Je n'y arrivais pas... Rester en colère contre lui après ses aveux, ses explications, ce rapprochement... Tout ce que j'arrivais à ressentir là, maintenant, c'était le soulagement... Le soulagement de comprendre qu'il ne voulait pas me perdre, qu'il n'avait jamais voulu que nous soyons l'un sans l'autre... Je répondis alors à son étreinte, retrouvant avec bonheur la sensation de son corps contre le mien, son parfum, la douceur de ses gestes... Je me pris presque une claque en constatant à nouveau à quel point j'étais amoureuse de cet homme.

Le choix m'appartenait, il mettait l'avenir de notre relation entre mes mains... Et en réalité, le choix n'avait rien de bien complexe. Si j'étais honnête avec moi-même, il n'y avait qu'une chose qui pouvait ressortir : je ne me voyais pas vivre sans lui. Alors rompre avec lui définitivement... Non, je ne pouvais tout simplement pas. Je voulais oublier Minji, Min Seok, les deux dernières semaines... Je revoyais les images de moments de bonheur qui nous avaient unis... Et il n'y avait pas photo... Je me sentais tellement plus heureuse à ses côtés. "Tu aurais simplement pu me dire bonjour... Ça m'aurait largement suffi..." lui dis-je, légèrement sur le ton de l'humour, même si c'était complètement vrai. Un seul mot de sa part et tout aurait été différent. Lentement, je me détachai de lui. Et pendant quelques secondes, je restai silencieuse, simplement là, mes perles sombres perdues dans les siennes. Je relevai une de mes mains, laissant mes doigts dégager quelques mèches de ses cheveux de son visage, encore humides de la pluie torrentielle qu'ils avaient subie. Avec douceur, je vins encadrer son visage avant de l'attirer à moi et de l'embrasser avec une tendresse infinie. Mon cœur sauta presque instantanément dans ma poitrine à ce contact que je retrouvais avec bonheur. J'avais la sensation d'enfin pouvoir respirer de nouveau, c'était vraiment perturbant... Comment pouvait-on avoir autant de sentiments pour quelqu'un ? Ça me dépassait complètement. Je profitai de ce contact envoûtant pendant de longues secondes, laissant mon corps reprendre des forces après tout ce temps loin de lui dans une complète léthargie qui l'avait comme mis en veille. Luttant contre moi-même, je vins séparer nos lèvres, l'espace d'un instant, et laissai simplement mon cœur parler. " Je t'aime Jun... Je n'ai pas envie... Que l'on soit séparés..." C'était la première fois... La première fois que j'osais faire cet aveu à haute voix, la première fois que je lui disais que je l'aimais... Mais j'avais besoin de l'exprimer, besoin qu'il en prenne toute conscience. Je ne voulais plus avoir honte de mes sentiments, plus avoir cette angoisse de lui faire peur avec leur intensité. Je voulais être honnête, et tant pis si cet amour que je lui portais n'était pas, ou pas encore, réciproque, tant pis s'il ne le devenait jamais... Mais j'avais simplement besoin qu'il le sache. Une de mes mains migra derrière sa nuque que je vins caresser du bout des doigts. Il avait maintenant sa réponse. Je voulais toujours évoluer à ses côtés, je voulais que l'on soit "nous"... Je le voulais lui, et c'est tout.

 

Je l’entourais de mes bras, mais en dépit de cette proximité retrouvée, j’éprouvais encore une certaine appréhension. Elle déterminerait l’issue de notre relation, de notre lien. Je lui laissais le choix, celui de mettre un terme ou non à notre idylle. Si sa paume avait laissé une marque brûlante sur mon torse, je tentais de me concentrer sur la chaleur de son corps contre le mien. Je l’enlaçais avec douceur, la respiration laborieuse et le rythme cardiaque irrégulier. La douleur planait au-dessus de nous comme un mauvais présage, nous avions succombé à la douleur et l’incompréhension qu’il fallait désamorcer. Là, dans ses bras, je profitais de ne pas lui faire face pour masquer l’expression douloureuse de mon visage, cette angoisse latente à laquelle je ne m’attendais pas. Je savais éprouver plus qu’une simple affection pour elle et pourtant, je continuais de me leurrer sur la profondeur de ces sentiments. Les yeux clos, je focalisais mon attention sur sa respiration et son ventre qui se gonflait contre le mien, sur les battements de son cœur, et finalement, elle brisait le silence une première fois. Un trait d’humour qui me pinçait le cœur plus qu’autre chose tant elle avait raison. « Je suis désolé… » marmonnais-je. Si elle s’éloignais d’à peine quelques centimètre, en me faisant ainsi face, j’eus l’impression d’être mis à nu devant elle. Son regard rivé au mien, le silence pesant avait finalement laissé place à une sensation un tant soi peu plus légère. Quelque chose de diffus et empreint d’une certaine tendresse. D’un geste à la douceur infinie, elle vint replacer les quelques mèches détrempées de mes cheveux pour dégager mon visage, et à ce contact, je frissonnais. Elle enivrait ensuite mes sens en encadrant mon visage de ses mains avant d’apposer ses lèvres sur les miennes.

Inconsciemment, j’échappais un soupir de soulagement contre sa bouche. Si ses bras s’enroulaient autour de mon cou, j’écrouais sa taille en la pressant tout contre moi. En dépit de nos vêtements trempés, j’étais incapable de mettre fin à ce baiser ou de m’éloigner. Les dix jours qui s’étaient écoulés disparaissaient lentement, j’oubliais la rage, la douleur, la solitude, l’angoisse et l’incertitude pour ne plus ressentir que son parfum et sa chaleur. Je mordais ainsi son inférieure avec indolence de longues minutes, puis le froid succéda à la soie de son sourire. Une moue timide de laquelle s’échappait l’aveu. Elle me confessait l’étendue et la profondeur de ses sentiments en un mot, une phrase à laquelle je ne sus quoi répondre. Frappé de mutisme, je me contentais de l’observer, le muscle battant secoué par cette affirmation. Pourtant, ce n’était pas la première fois… couchés sur le papier, ces mots qui avaient déjà eu un impact semblait bien plus puissant lorsqu’elle les formulait à voix haute. J’étais incapable d’y répondre aussi je me contentais de plonger mes perles dans les siennes. Un court instant seulement avant de fondre à nouveau sur ses lèvres au moment précis où ses doigts pianotaient sur ma nuque. L’aimais-je également ? Je n’en étais pas sûr. Je savais éprouver quelque chose de suffisamment fort pour redouter une rupture, mais était-ce assez pour le définir ainsi ?

J’imprimais ma paume au creux de ses reins en même temps que je faisais valser sa langue avec la mienne. J’espérais ainsi détourner son attention de mon manque de réponse. Je goûtais ses pulpeuses avec tendresse, je la respirais après avoir été tant privé de son oxygène, et j’avançais, inconsciemment, jusqu’à ce qu’elle ne heurte la table. De surprise, je la libérais finalement et l’observais d’un sourire gêné. « Excuses moi. » De l’incompréhension et la tristesse, nous passions désormais à la légèreté et l’amusement. Comme elle l’avait fait plus tôt, je replaçais une mèche de ses cheveux et lui volais un nouveau baiser avant de sonder ses perles sombres, et j’eus soudain pleine conscience de nos tenues imbibées. « Tu devrais aller te sécher, tu vas tomber malade si tu restes comme ça. » J’aurais sans doute dû faire de même, mais j’avais surtout hâte qu’elle passe autre chose que cette robe. Pour la première fois depuis le début de la soirée, je m’autorisais à la détailler et si elle était sexy en diable habillée ainsi, elle appelait aussi les souvenirs de Min Seok qui se jetait à ses lèvres.

 

ootd - Mes sentiments ainsi dévoilés, je sentais mon cœur apaisé et beaucoup plus léger. J'avais toujours eu peur de lui en parler, de lui avouer, peur qu'il ait peur des sentiments que j'avais pour lui dès le début de notre idylle. Mais maintenant, il savait que j'étais l'autrice des lettres, et par ce biais, il pouvait faire le lien avec des sentiments antérieurs déjà présents depuis quelque temps. Mais coucher une révélation sur papier n'était pas pareil que de l'exprimer de cette manière, face à face, les yeux dans les yeux. J'estimais qu'il était temps de ne plus se cacher, et de tout lui partager. Cette histoire m'aura servi de leçon d'une certaine manière... Et je ne voulais plus avoir de secrets pour lui. Je pouvais voir à son regard qu'il était surpris, et peut-être un peu perdu, et le fait qu'il vienne m'embrasser tout de suite après trahissait son incertitude... Mais ce n'était pas grave, je m'en doutais, il n'y avait pas vraiment de surprise dans sa non-réponse. Je ne lui demandais rien en retour à cet aveu, je ne lui demandais pas d'exprimer quoi que ce soit de plus qu'il ne m'avait déjà donné. Savoir qu'il tenait à moi, qu'il ne voulait pas que notre relation prenne fin... Ça suffisait amplement pour le moment à mon bonheur. Évidemment, j'espérais que d'autres sentiments plus profonds naîtraient avec le temps... Mais pour le moment, je préférais me concentrer sur le présent, me concentrer sur lui... Et surtout me concentrer sur nos retrouvailles après tant de temps de séparation... Presque deux semaines. Si pour certains cela pourrait sembler dérisoire, pour nous c'était une éternité. Nous travaillions ensemble, nous nous voyions quasiment tous les jours... Et mine de rien, cela jouait fortement sur le manque lorsque l'on se retrouvait séparés, et c'est ce qui venait de se passer. Combiné à cela l'incompréhension et le quiproquo qui ont suivi le dernier coup d'éclat de Minji... Et cela vous donne deux amants qui ont besoin de se retrouver.

J'appréciais le goût de ses lèvres, sa chaleur, sa langue qui caressait la mienne... J'avais l'impression de revivre à travers toutes ces sensations que je retrouvais encore une fois. Je pouvais sentir ma tête qui tournait légèrement alors que je m'enivrais de lui, de ce contact. Aussi ne fis-je pas réellement attention alors que je reculais, et reculais encore... Jusqu'à heurter la table. Et si ce petit "incident" ne me perturbait pas plus que ça, cela semblait être tout le contraire pour Jun. Mais mon cœur fit un bon face au petit sourire gêné qu'il affichait. Il faisait vriller mon cœur avec une telle facilité... S'en était déconcertant. "Ne t'en fais pas... Je survivrai," lui répondis-je avec un petit sourire à mon tour. J'étais heureuse de cette atmosphère entre nous rendue plus légère... Mais avec cette proximité retrouvée et ce manque qui s'était accumulé pendant tout ce temps... J'avais senti une flamme s'allumer en moi, une flamme qu'il était le seul à pouvoir tarir. Seulement, à peine avait-il à nouveau posé ses lèvres sur les miennes, qu'il les libérait... Pour me demander de changer de tenue. Effectivement, nous étions l'un comme l'autre complètement trempés à cause de notre petite escapade à l'extérieur. Et son invitation faisait sens, il était très vite arrivé de tomber malade dans une situation comme celle-ci. Et si, dans un premier temps, je me tâtais à ne pas simplement aller dans ma chambre pour me changer en quatrième vitesse, en lui disant de retirer lui aussi ses vêtements afin de les laver et les sécher... Cette petite flamme qui avait pris place en moi m'indiquait de faire tout autre chose... Me mordant légèrement la lèvre inférieure pendant ma réflexion, je me demandais quelle route je devais emprunter maintenant. La plus sage ? Ou celle qui déboucherait sur une invitation plus qu'explicite ?

Depuis que j'étais avec Jun, j'avais pris plus confiance en moi, en mon corps que j'avais caché depuis si longtemps. J'avais commencé à apprendre à m'en servir uniquement pour lui, pour le séduire, pour l'attirer à moi, pour me vautrer avec lui dans des plaisirs qu'il était le seul à pouvoir me donner. Si de mon côté j'éprouvais le besoin de le "retrouver" de toutes les manières... Je ne savais pas vraiment ce qu'il en était de son côté, et c'est sûrement pour ça que j'hésitais tant en cet instant. Mais finalement, je pris la décision de tenter, de lui tendre une perche que j'espérais, il prendrait... Mais je lui laissai ce choix. "Tu as raison, mes vêtements sont trempés, je devrais... les enlever," déclarai-je tout en descendant la longue fermeture de ma robe qui ne tarda pas à s'ouvrir complètement, laissant apparaître mes sous-vêtements en dentelle qui ne s'en étaient pas mieux tirés que ma robe, qui partait déjà rejoindre le sol. "Est-ce que tu veux bien m'aider ?" lui demandai-je alors que, lentement, je me tournais, lui présentant mon dos, et par la même occasion, l'attache de mon soutien-gorge. Je pris doucement mes longs cheveux, que je vins ramener vers l'avant, libérant ainsi à sa vue mon dos, mes épaules, et ma nuque... Et j'espérais qu'il ne se contenterait pas de les toucher seulement avec les yeux...
 

Elle se retrouvait coincée entre moi et la table, et étrangement, cette situation me semblait familière. Je réprimais l’amusement pour un sourire pincé. Sa tenue… Trempée, de grosses gouttes d’eau s’échappaient du tissu pour s’écraser dans un ploc silencieux sur le sol. Les miens n’avaient pas meilleure mine, j’étais resté un temps infini sous le déluge qui continuait de frapper, et à mes pieds s’était formé une flaque d’eau sans même que je ne m’en rende compte. Comment avais-je fait pour rester immobile sous cette pluie diluvienne ? Je réalisais alors que j’ignorais même comment j’étais parvenu jusqu’au bas de son immeuble, sans doute trop aveuglé par la douleur et la colère. Je m’étais laissé immergé par la pluie comme j’avais pu être submergé par tant d’émotions contradictoires. Les yeux rivés sur sa robe, je me surprenais à la détailler pour apprécier ses courbes ainsi dévoilées. Sa tenue ne laissait que peu de place à l’imagination et si je me délectais de la regarder, mon intellect souffrait de voir s’imposer à lui les images d’une scène que j’aurais préféré ne jamais voir.

Elle m’avait manqué, c’était certain, et si dans le rapprochement que nous venions d’initier je ressentais les balbutiements d’un désir qui signait son grand retour, je les niais et les ignorais. Je ne voulais pas être celui qui réclamait, pas après ce que Min Seok venait de lui faire vivre. De nos retrouvailles, je ne voulais qu’elle ne conserve que la tendresse, aussi je lui proposais presque innocemment d’aller se changer, presque… sinon pourquoi étais-je venu jusqu’à elle ? J’avais beau me concentrer et me persuader que je ne cherchais qu’à m’assurer qu’elle aille bien, qu’elle ne souffre pas de cette agression, j’éprouvais en mon for intérieur les flammes d’une concupiscence qui vacillait face à ses courbes exposées. J’évitais soigneusement de poser les yeux sur ses longues jambes et sur son décolleté, et alors qu’elle me donnait raison, je m’écartais pour qu’elle puisse aller se sécher. Je m’attendais à ce qu’elle aille dans sa salle de bain, mais elle avait visiblement tout autre chose de prévu. Du bout des doigts, elle attrapa le zip de sa robe et le fit descendre lascivement, un geste indécent et provocateur qui me fit déglutir d’anticipation. Le vêtement ainsi fendu en deux s’échoua sur le sol, me laissant tout le loisir d’apprécier sa silhouette et les pièces de dentelles d’un bordeaux profond qui mettait en valeur son teint de porcelaine. « Sae Yeon… » soufflais-je. Que voulais-je dire déjà ? Mais avant que je ne puisse dire autre chose, elle se tournait et m’offrait son dos, dévoilant sa colonne avec une intention qu’il m’était impossible de ne pas comprendre. J’éprouvais toute la peine du monde à rester stoïque, à ne pas lui enlever ses sous-vêtements, mais une partie de moi ne pouvait s’empêcher de se demande : si vite après cet incident ?

Je la regardais ainsi sans bouger un moment… mais je me rendais à l’évidence alors que du bout des doigts j’effleurais sa peau d’opaline : je voulais oublier ces derniers jours. Dans des gestes que je voulais doux, je vins dégrafer son soutien-gorge et fit courir mes paumes sur ses omoplates avant de les faire revenir sur ses épaules. J’y déposais furtivement un baiser avant d’attaquer son cou et de la délester de la pièce qui couvrait sa poitrine et qui s’échoua sur le sol sans bruit. Avec précaution, j’apposais mes mains sur ses hanches pour la tourner vers moi et l’enlacer. Elle sursauta et frissonna au contact de mes vêtements glacés, mais je ne lui laissais pas le temps de réagir que je m’emparais déjà de ses carmines. Un baiser transit et lascif dans lequel je lui faisais comprendre que j’avais saisi le message. Avec habileté, je passais mes mains sous ses cuisses et la soulevais pour venir l’asseoir sur la table, en faisant ainsi écho à des souvenirs pas si lointains. Je lui imposais une dernière morsure sirupeuse pour finalement m’éloigner de quelques centimètres et lui infliger le même supplice : je déboutonnais ma chemise et elle tomba avec lourdeur. Nous étions presque à égalité mais avant de lui ôter son dernier rempart, je me mettais à nu. Je cru voir une lueur de gourmandise passer dans son regard tandis que je lui exposais une virilité fièrement dressée, et j’y répondais d’un sourire badin. Je vins reprendre ma place entre ses genoux en promenant mes paumes sur sa peau, l’appréhension de cette intimité retrouvée s’envolait et je la soulevais déjà pour l’emmener vers sa chambre. J’esquissais quelques pas dans une direction avant d’interrompre mon ascension. Sous son regard amusé, j’essayais une première puis une seconde porte… pour faire chou blanc. Alors que je poussais la troisième avec précaution, j’échappais un sourire de soulagement et de satisfaction en nous enfermant dans sa chambre. Avec douceur, je la déposais sur le matelas et me décidais finalement à lui ôter son dernier sous-vêtement.

 

ootd -