Concentration. Il fallait tout reprendre depuis le début. Suah ignorait toujours dans quelle galère elle allait - peut-être - s’embarquer… si elle n’y était pas déjà dedans… Mais au lieu de prendre ses affaires et son journal pour partir loin de cette mascarade, elle demeurait là, sage - et toujours un peu choquée - à écouter ce garçon qui n’avait pas qu’un soupçon de grain de folie, la convaincre de devenir sa femme. Pour de faux. Il avait bien précisé.
L’ironie voulait que Kang Suah n’avait jamais même été la copine de quelqu’un pour de vrai… Il existait peut-être quelque part dans sa bibliothèque, un webtoon dont l’intrigue était similaire. Elle ferait ses recherches en rentrant. Maintenant, elle devait prendre une décision dans la vie réelle.
La réflexion suivait son cours, y mêlant quelques questions supplémentaires, puis son regard se perdit sur une fourchette…. avant que son visage ne prenne une nouvelle teinte fruits rouges. Woo Jin insistait beaucoup sur le fait qu’il la trouvait jolie et c’était bien ce qui la troublait le plus. Si on comparait à la pauvre fille qu’elle avait grimé pour voler son identité, ce n’était peut-être pas si difficile… quand bien même, elle n’avait jamais trop eu ce genre de compliment si frontal. Quelques hommes un peu alcoolisés, d’autres un peu lourdingues qui auraient pu l’aborder alors qu’elle promenait avec sa meilleure amie… mais jamais dans un contexe posé où tout le monde était sobre. Bien sûr, elle ne sortait pas sans un maquillage impeccable et si le garçon devait un jour la voir sans, il changerait peut-être d’avis… Mais ce qu’il avait en face de lui semblait bizarrement lui convenir.
Bien qu’il aurait aimé une fille plus problématique ? C’était ce qu’il lui semblait comprendre. Tout comme elle commençait  à comprendre que la panique montante à l’idée d’un dîner avec ses faux beaux-parents faisait visiblement un argument de plus en sa faveur. « ... Quels genres de défauts…? » se risqua-t-elle à demander, quand il était pourtant évident que mettre le feu à la table faisait d’elle une personne déjà bien cataclysmique. « ... Tu es sûr que tu ne vois aucun problème dans la possibilité que je mette le feu à ta baraque…? » Loin d’elle l’envie de le faire, elle n’avait rien d’une pyromane. Mais elle avait une gestion de la panique catastrophique.
L’explication qui lui donna ensuite aurait pu paraître légère pour certains… mais elle attrapa Suah. Le vilain petit canard…. Pour le première fois depuis le début de ce date raté, Suah osa mieux le considérer : elle détailla les traits de son beau visage et se risqua à plonger dans un regard qui disaient de millier de choses tout en les taisant. Est-ce qu’il s’agissait là d’une simple blague, d’une petite vengeance, ou… plus que ça …? La curiosité la piqua et, quelque part, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir plus proche de lui malgré toute cette mise en scène farfelue. Elle aussi, elle s’était toujours un peu senti “vilain petit canard” et, à dire vrai, même s’il avait évolué, elle se considérait encore loin du beau cygne de la fable. Néanmoins, Woo Jin paraissait avoir saisi cela chez elle. Toute cette maladresse et ses bizarreries qui faisait d’elle le chaos qu’il semblait rechercher.
Aussi, quand il glissa l’écrin vers elle, reformulant sa demande, ses joues rosirent et son cœur s’emballa. Avant de formuler la moindre réponse, ses doigts vinrent toucher la boîte à l’aspect de velours. La bague était si jolie. Valait-elle qu’elle devienne une agent du chaos ? « ... J’ai l’impression d’être Harley Quinn sur le point de se faire corrompre par le Joker… » souffla-t-elle avant de lâcher un petit rire silencieux. Harley Quinn était aussi le nom d’un personnage d’Agatha Christie. Etait-ce un signe ? Vers quelles aventures cette bague la mènerait ?
La raison voulait qu’elle repousse l’écrin et décline la proposition qui n’avait rien de sérieux… mais il lui suffit d’un dernier regard vers ce garçon, d’un dernier battement de coeur plus sournois, elle ramenait la bague vers elle : « D’accord. J’accepte de venir au bal avec toi, Woo Jin. Et de devenir ta femme. » Qu’est-ce qu’elle venait de dire ?
C’était pure folie. Et c’était peut-être ce qui l’excitait le plus.