C’était un véritable cauchemar qui s’annonçait. Est-ce qu’il n’avait pas même déjà commencé ? Tu avais été tiré du sommeil par les pleurs d’Haena plus d’une fois dans la nuit. La petite semblait être, ces derniers temps, dans une période difficile. Par tu ne sais quel miracle, elle avait tout de même fini par s’assoupir, et tu avais sombré comme une masse dans ton lit.
Depuis combien de temps est-ce que le réveil hurlait ?
Hébété, tu finis tout de même par ouvrir une paupière. Désagréable impression qui envahit ton corps. Une bouche pâteuse, un être qui doit peser environ deux tonnes. Tu te fais violence pour tendre un bras vers ton téléphone. Tu le tires de la table de chevet pour l’apporter jusqu’à toi. La lumière de l’écran vient agresser tes prunelles, t’arrachant une grimace. Tu envisages le snooze plus que dangereux, remarques pourtant la notification. Un SMS. De la nounou. D’il y a environ trois minutes.
Elle était malade. Incapable d’accueillir qui que ce soit chez elle, pas même Haena. « Putain … » t’entends-tu grommeler. C’est bien ta veine. Tu tires les couvertures vers toi, envisages sérieusement de te rendormir et d’ignorer cette journée qui commençait déjà bien trop mal à ton goût. Autant passer à la suivante. Ça te semblait préférable.
C’est sans compter sur ton petit monstre adoré. Les pleurs de ta demoiselle préférée reprennent. Véritable réveil de secours. Mieux que des draps arrachés ou des rideaux tirés avec brutalité.
Tel un zombie, tu te relèves, t’enveloppes d’un peignoir, pour ensuite aller prendre l’enfant dans tes bras. « Coucou Haena. » t’entends-tu souffler, avant de te diriger jusqu’à la cuisine. « On va manger ? »
Au fond, tu étais reconnaissant de ses hurlements. Autrement, Cheng t’aurait harcelé parce que tu n’étais pas prêt. Tu le voyais déjà se pointer en bas avant sa Tesla, et ronchonner que tu n’étais pas à l’heure.
Cheng.
Ton corps se raidit lorsque tu réalises. Oh, Seigneur. « On a un problème, là, hein ? » Tu attendrais presque une réponse de ta descendance, qui préfère pourtant râler parce que le micro-onde ne chauffe pas assez vite. « Ouiiii, je sais, je sais. T’as la dalle. Moi aussi. Deux secondes, enfin, sept, pour être précis. … Là, voilà, bip bip. Regarde. » Tu frôles sans doute la folie. Pourtant, même si tu te retrouves à imiter un micro-onde de bon matin, tu as depuis bien longtemps cessé de t’inquiéter pour ta santé mentale. Tu vérifies la température du biberon, lances dans la foulée ton café – fort, très, très fort – avant d’aller t’asseoir pour servir Haena. « C’est bon ? » t’enquiers-tu. Tu te permets tout de même deux secondes de pause pour rapidement envoyer un texto à ton patron. J’ai un souci. Instant intense de réflexion, alors que tu réfléchis à comment est-ce que tu pouvais arranger la situation. La nounou de Haena est malade. Je peux pas faire garder la petite. Tu n’avais aucune autre solution de garde. Ton frère avait son travail, et tu ne te voyais pas l’amener chez vos parents. (Depuis qu’ils t’avaient viré du domicile familial, tu ne leur avais plus adressé la parole.) Ça te dérange si je l’emmène au travail ? Autant aller droit au but. Tu grimaces un peu, sans savoir s’il allait te renvoyer sur le champ ou accepter. (Voyons le positif, au moins, tu ne serais pas en galère pour faire garder la gamine.) Elle se fera toute petite. La plaisanterie était peut-être un peu limite. Cela dit, tu pouvais bien la garder contre toi toute la journée et travailler en même temps, non ? Ça ne te semblait pas impossible. Presque réalisable. Puis ça ferait un peu d’animation, non ? Haena était mignonne – quand elle le voulait. Sans doute qu’elle remonterait le moral des troupes avec ses gazouillis. Baby therapy. Et voilà, une idée de génie. Je peux nous emmener, son siège est déjà installé dans la voiture, ce sera plus simple. Si tu as le temps, tu peux venir chez mon frère, sinon, je passerais te chercher. Ça te semblait pas trop mal. Est-ce qu’il avait seulement une raison de refuser une telle opportunité ?

Pourtant, quand résonne la sonnette de l’appartement, tu dois te rendre à l’évidence : tu es terriblement à la ramasse. C’est la panique à bord de ton navire à deux doigts du naufrage. « Aaaaaah. » t’écries-tu, alors que tu galopes jusqu’à la porte. « Je t’ouvre ! » énonces-tu à Cheng. Il ne lui faut guère de temps – hélas – pour se retrouver à l’entrée. Tu lui ouvres et sans doute qu’il peut déjà mesurer toute l’ampleur de la catastrophe en train de s’annoncer – à commencer par ta chemise non boutonnée, tes cheveux en pagaille, et tes pantoufles aux pieds. « Cinq minutes. Si tu peux me donner cinq minutes, c’est parfait. » promets-tu. Ça risque d’être tout sauf parfait, mais en courant partout, tu pouvais y arriver, non ? « Je te donne les clés ! » t’écries-tu, tout en lui filant la carte de ta voiture entre les mains. « C’est la Subaru BRZ bleue sur le parking. Les phares clignotent quand tu l’ouvres. » Pire description du monde pour décrire l’emplacement de ton véhicule. Cela dit, tu lui faisais confiance pour réussir à la trouver – après tout, il n’y en avait pas non plus douze sur ladite aire de stationnement.

C’est rare que je m’implique autant envers un employé. Normalement, je l’aurais engagé et laisser son chef faire sa formation. Je suis un homme de résultat, mais je ne sais pas pourquoi, avec Seo jin, c’est différent. Certes, c’est un ami à mon petit frère - et il n’a rien de formidable à l’être - mais il faisait pitié. Son CV avec une liste énorme de ses petits travaux qu’il a fait par-ci et par-là. Ses passions ou bien ses qualités n’ont rien d’attrayant pour un employeur. Sans compter de son expérience assez particulière. Je ne comprends pas comment ses précédents patrons pouvaient autant le négliger alors que le résultat est assez catastrophique. Oui, cela existe des employés où ils font d’erreur à erreurs. C’est normal, ce n’est pas leur domaine, mais quand on possède un ce aussi superflu, on ne se pose pas de questionCV Ni même en regardant son attitude. Il possède une nonchalance que beaucoup n’apprécient pas. Seo jin semble démotiver de tout et n’a pas envie de travailler fort. C’est ce qu’il dégage. Sauf qu’en apprenant à le connaître, on voit bien qu’il a une certaine démotivation. Prédisant qu’il va se faire renvoyer d’une façon ou d’une autre. Je le comprends d’une certaine façon, mais en le connaissant – enfin moindrement un peu – j'ai su que c’est un jeune homme qui souhaite avoir des défis et récompenses au bout de la ligne. Il faut être astucieux et être à l’affût des petits détails comme celui-ci.

Voilà, ça fait quelques mois, et même si parfois, il fait son bout en train, il ne m’a pas déçu. Chaque défi que je lui demande de faire, il a une récompense - peu importe laquelle - ça le motive davantage pour persévérer. Monsieur Choi peut travailler moins de jours et Seo jin possède un peu plus de responsabilité. Chacun a son compte et pour ma part, mes employés ont tous ses colis, dossiers, courriers. Tout va pour le mieux ? Hélas, mon père n’était pas très content de constater qu’un employé possède une attention particulière, mais je m’en fiche de plus belle. Mon géniteur est de moins en moins présent en tant que président de la banque, tandis que je suis toujours présent. Je pourrais dire qu’il n’a pas son mot à dire, mais ce n’est pas vrai. Sur ce sujet, je fais le sourd. Mes employés m’ont dit que ça rendait l’établissement vivant et agréable, je ne passerai pas à côté de ce commentaire.

Ceci dit, je constate que ces derniers temps Seo jin est de plus en plus fatigué. Ses yeux cernés. Je n’ai pas posé de question puisque je ne suis pas supposé être au courant de sa vie. Je sais, néanmoins, de son déménagement avec son frère. Je m’en vais justement le chercher chez ce dernier. Je finis de me préparer, de prendre mon petit-déjeuner, nettoyer un peu – trop – et faire quelques retouches sur ma tenue et hop, je file dans ma voiture pour aller chercher le jeune homme. Sauf que je ne pensais pas qu’il allait me bombarder de sms. Je ne fais rien puisque je conduis et on ne prend pas le téléphone en conduisant. C’est dangereux et je ne veux pas endommager ma belle Tesla. Par contre, en arrivant chez lui et en stationnement là, je constate cinq sms et tous sont de la part de la personne que je fais du covoiturage. Je fronce les sourcils en apprenant qu’il a une fille. Je pensais que c’était une blague ridicule, je ne l’avais pas cru, mais ça ne semble pas être le cas. D’ailleurs, sa nounou est malade. Une face de dégoût s’affiche sur mon visage avant de continuer ma lecture. Sérieusement ? Il doit absolument apporter son enfant avec nous. Un frisson d’horreur me parcourt le corps. Un bébé. C’est sale, c’est dégoûtant, ça n’a pas d’hygiène. Les reflux, les couches et peut-on parler des pleurs qui risqueront de me déranger ainsi que son entourage ? Enfin, je me plains, mais beaucoup de mes employés restent chez eux quand leurs gamins sont malades ou coincés à la maison. Seo jin a le sens des responsabilités, c’est étonnant.

Ainsi, je sors de ma voiture et je toque à la porte. En ouvrant, je vois la panique. Monsieur est en chemise non boutonnée, il doit préparer sa petite. Bref, je regarde l’heure sur ma montre et c’est bientôt le temps de partir. Je n’ai rien dit en ce qu’il concerne ses cinq petites minutes. Tout ce que je regarde, c’est bien le bébé dans sa petite balançoire pendant que son jeune père court dans tous les sens. Comment a-t-il pu être aussi stupide pour ne pas se protéger ? Et encore, on me file les clefs de sa voiture. Je soupire, embêté, avant de lui prendre le tout sur le bout des doigts. Une Subaru BRZ bleue. Quelle drôle de voiture à avoir avec un enfant... Ainsi, je tourne les talons pour aller vers son stationnement. Une Subaru. Je clignote les phares pour déterminer son emplacement et je file vers cette dernière. J’ouvre la porte et je dépose mon sac pour prendre les lingettes désinfectantes et des gants. En premier lieu, je me désinfecte les mains pour enfiler mes gants en latex. Ensuite, je désinfecte le tout. Le volant, le bras de vitesse, la radio, le siège, l’appuie-bras, la portière. Je désinfecte le plus possible en attendant que Seo jin arrive enfin. J’espère qu’il n’a pas oublié le sac-à-couche ni même la gamine chez lui. Quand je suis satisfait de l’odeur désinfectant, j’embarque dans la voiture et je roule vers la sortie - là où il devrait arriver avec sa gamine. D’ailleurs, lorsqu’il ouvre la porte, je suis en train de lire quelques courriels : « Tu n’as rien oublié ? »

Est-ce que ça t’avait traversé l’esprit que tu pouvais prendre ta journée pour t’occuper de Haena ? Aucunement. Tu n’avais même pas songé que tu pouvais te faire porter pâle. Le seul truc qui te semblait possible, c’était de l’apporter avec toi.
Ton cerveau usé ne semble trouver d’autres alternatives, et te voilà, tout feu, tout flamme, à essayer de préparer l’épopée compliquée qui s’annonçait.

Tes clés sont presque lancées à Cheng, tandis que tu retournes essayer de tout préparer. Cheng qui n’a même pas dit un mot. Tu y songes à peine – réalises tout juste qu’il ne t’a pas encore renvoyé. (C’est déjà quelque chose.)

Sans doute que tu as quelque peu dépassé les cinq minutes que tu lui avais promises. Tu déposes le fauteuil de Haena le temps de refermer la porte, avant de te précipiter dans l’ascenseur et d’appuyer sur le bouton pour amorcer la descente. Tu trépignes, un peu. Te décides à vérifier que tu avais bien tout. Ton badge. Une chemise correctement boutonnée. Le sac à langer. Son tapis d’éveil. Le porte-bébé. Le doudou préféré de ta gamine.
Oh bordel.
Il te manquait l’essentiel.
Tu martèles comme un forcené le bouton de l’étage de ton frère, comme si l’ascenseur allait comprendre qu’il fallait de suite changer d’avis. L’engin prend cependant le temps de lentement descendre, d’ouvrir ses portes, d’attendre encore, avant de finalement amorcer sa remontée. « Haena ! » t’écries-tu, lorsque les portes s’ouvrent enfin sur ton couloir. « Tu me réveilles à trois heures du matin, mais je t’oublie sur le pallier et tu dis rien ? » Même pas un petit babillage pour t’aider à réaliser l’oubli de sa petite personne. La demoiselle t’observe avec son plus grand sourire, visiblement amusée par la situation chaotique dans laquelle vous vous trouviez.
Tu souffles, souris tout de même, avant d’attraper l’anse du fauteuil et de l’emporter dans l’ascenseur avec toi. Cette fois-ci, tu avais tout. Tu te presses un peu lorsque les portes s’ouvrent, pour constater que Cheng avait amené ta voiture au plus près de la sortie. Tu te presses un peu, trottines jusqu’au véhicule, ouvres ta porte. Commence alors une séance de gymnastique pour pouvoir installer Haena à l’arrière, tandis que ton patron te demande si tu n’avais rien oublié. « … Je crois pas. » tentes-tu, passant sous silence l’aller-retour que tu avais effectué littéralement deux minutes plus tôt. Il n’était pas obligé de le savoir, non ?

Lorsque tu t’assois enfin à la place du conducteur, tu marques un temps d’arrêt. Inspires. Expires. Inspires de nouveau. Finis par renifler. « T’as … » commences-tu, sans vraiment savoir comment expliquer cette bien étrange sensation. Le mélange d’odeurs inconnues mais familières qui s’offraient à toi te semblaient inhabituelles. Tu détailles le tableau de bord, quelques secondes. Tes prunelles remarquent qu’il ne possédait plus une seule de ses habituelles traces de doigts. « T’as nettoyé la voiture ? » demandes-tu, totalement perdu.
Tu avais mis autant de temps ?
Il aurait pu se contenter de regarder des Tiktok en t’attendant.
« Heu merci ..? » tentes-tu guère certain qu’il s’agissait de la réaction à avoir dans un moment comme celui-ci. Est-ce qu’elle était si sale ? Tu tentais tout de même d’en prendre soin. Ok, ce n’était pas vraiment parfait ces derniers temps, mais tu avais encore assez d’amour propre pour ne pas rouler dans une poubelle. Non ? « T’es attaché ? » vérifies-tu tout de même, avant de remettre le contact et de filer sur la route du travail.

Deux virages. C’est environ le temps que met Haena avant de lâcher la tétine que tu lui avais glissé entre les lèvres avant de partir. Deux virages, et voilà que ton bout de chou adoré se met à chouiner. Tu déglutis péniblement, jettes un coup d’œil dans le rétroviseur. Tu observes les alentours, même si tu savais déjà que tu n’avais aucune autre solution que de t’arrêter dangereusement au milieu de la route pour lui rendre l’objet. « Il va falloir attendre, bichette. Papa conduit. » Tu jettes une œillade à Cheng, souris presque péniblement. « Je te présente Haena. » Après tout, tu ne lui avais pas encore introduit la fillette. « En vrai elle est adorable. C’est juste que c’est pas une grande fan de la voiture. » Tu marques un temps de silence, hésites quant à la marche à suivre à présent. « Mais sinon … tu vas bien ? » (C’était sans doute mieux que rien.)

Qu’est-ce que je pourrais faire lorsqu’on m'envoie chercher une voiture qu'elle n’est pas mienne ? Vous ne savez pas à quel point que j’étais en dilemme lorsque je suis arrivé dans le stationnement et j’ai vu ma voiture non loin de moi. J’ai regardé la mienne et puis celle que je devais prendre. J’ai répété cette scène au moins trois fois avant de soupirer et d’aller vers la mienne. Pourquoi ? Je garde toujours une trousse de nettoyage non loin de moi. D’ailleurs, je suis allé la chercher afin de l’utiliser. Pas que je dis que l’automobile puisse être sale, mais oui. Énormément de bactéries et de malpropreté. La poussière est au rendez-vous. J’ignore combien de temps que j’aurais à attendre et autant de ne pas le perdre. Ainsi, en voyant l’intérieur du véhicule, je me suis mis à soupirer avant de mettre des gants en latex et de passer tout au peigne fin. Remarquant ainsi le banc d’auto pour le bébé en question. Ayant un haut-le-cœur et repassant au moins deux fois à cet endroit avant de continuer. Combien de temps s’est écoulé ? Je ne sais pas, mais je sais pertinemment que ce n’est pas cinq minutes. Je nettoie également très vite, alors la notion du temps n’est pas approximative dans ce cas-là. Lorsque c’est assez satisfaisant, là, je peux ranger mon kit de nettoyage et je peux avancer la voiture. Déjà, il ne tarde pas à arriver. Je venais à peine de m’installer sur le siège passager. Le timing de fou, disent les jeunes. En fait, ça s’appelle l’organisation.

Pourquoi je lui demande s’il n’a rien oublié tandis que je suis en train d’ouvrir mes courriels ? J’ai le sentiment qu’il a pu oublier quelque chose. Le connaissant bien au cours de ces derniers mois, il pourrait largement avoir oublié son enfant chez lui et quitter sa maison sans rien ne s’était. Sur cette pensée, je secoue légèrement la tête avant de regarder un bref coup d’œil sur le rétroviseur à l’extérieur de la voiture. « Tant mieux. » C’est étonnant et en même temps, je suis légèrement agacé du léger retard qu’on commence à avoir. Il va devoir qu’il rattrape le tout aujourd’hui afin de compenser son côté désordonné. Ceci dit, je replonge dans mes courriels et des graphiques ennuyeux dont je n’apprécie pas particulièrement les chiffres d’affaires que je vois. Il va falloir que je vérifie ses données et disputer cette personne si jamais une erreur a été commise. Pendant ce temps-là, l’étonnement se fait entendre vers le pilote. « Hm. Oui. » Lui répondis-je automatiquement avant de ranger mon téléphone. « Ça me fait plaisir. Contrairement aux canards, j’ai horreur de la saleté et aux bactéries. » Lui révélais-je afin d’expliquer mon geste. La raison de mon traumatisme ? Avoir vu mon frère et ma sœur à la naissance où ils étaient en sang et en liquide amniotique. Ew. Je frissonne de dégoût.

Je jette un coup d’œil lorsqu’on me demande si je suis attaché. Il se moque de moi ? Je ne lui réponds pas, je lui montre la ceinture avant de regarder la route. On va déterminer s'il est bon chauffeur ou c’est un effronté. Je me sens soudainement comme un inspecteur de conduite dit comme ça, mais si ça peut m’occuper pendant le trajet. Pourquoi pas.

À peine sur la route, voilà que le bébé se met à chouiner. Je soupire intérieurement. Est-ce que le trajet va être bruyant comme ça ? Ça ne va pas être agréable. « Tu freines trop sec et tu accélères trop vite, d’où le pourquoi elle n’est pas fan des balades en voiture. » Fis-je en sortant des gants à latex dans mon veston pour regarder à l’arrière et prendre la tétine. Dès mis, je retire mes gants pour les jeter dans un sac en plastique. Heureusement que je garde ça en cas d’urgence dans ma voiture et je les pris avec moi. J’anticipe les coups d’avances, c’est ce que je fais toujours. « Je vais bien, mais je crains que tu ne sois pas au sommet de ta forme avec tes cernes. » Sûrement, à cause de sa fille, mais ça, il apprendra avec le temps. Je l’ai appris à mes dépens lorsque j’avais mon frère et ma sœur à m’occuper malgré moi. « Mal dormi ? » Lui demandais-je avant de lui jeter un coup d’œil : « En fait, depuis ton déménagement, tu n’es pas au sommet de ta forme. C’est à cause de Haena ? » S’il me dit que non, je vais rire au visage. Je sais ce que c’est des nuits sans dormir.

Tu le sens tendu. Non, c’est autre chose encore. Agacé. Peut-être est-ce quelque chose comme ça. De quoi ? Tu ne parviens à faire correctement le vide dans ton esprit pour comprendre ce qui le chiffonnait. Tu avais d’autres chats à fouetter. D’autres soucis à t’occuper, plutôt que des états d’âme de ton supérieur.
D’ailleurs, est-ce que ce dernier avait nettoyé l’intérieur de ta voiture pendant que tu t’apprêtais ? Oui. La confession te fait hausser un sourcil, t’effraie, même, lorsqu’il te lance que ça lui faisait plaisir. Nettoyer les voitures des autres, ça lui faisait plaisir ? Contrairement aux canards, il avait horreur de la saleté. Tu lui jettes un regard épouvanté. « Il n’y a jamais eu de canards dans ce véhicule. Et il n’y en aura jamais. » Tu préférais mettre les choses au clair tout de suite. Hors de question de mettre ces bestioles dans un espace confiné avec toi. « Même des canards vibrants. C’est mort. » Ce n’était pas qu’une histoire de pattes boueuses posées sur tes tapis. C’était juste que tu refusais catégoriquement d’être en contact avec ces oiseaux aquatiques. C’était laid. Rien que d’imaginer leur petit sourire vicieux suffisait à te faire frissonner. C’était juste qu’ils te terrorisaient.

Vous êtes à peine partis que Haena lâche sa tétine pour se mettre à pleurer. Tu grimaces, constates bien rapidement que tu étais dans l’impossibilité de t’arrêter. Tu freines trop sec. Accélères trop vite. Tu tournes deux secondes la tête, surpris, vers le moniteur d’auto-école à tes côtés. Depuis quand est-ce qu’il s’y connaissait ? Est-ce qu’il avait des enfants ? (Tu ne l’imaginais pas avec un mioche, même pour une fraction de seconde.) « Ah bon ? » ne peux-tu t’empêcher d’énoncer, stupidement. Tu envisages de te concentrer pendant deux secondes, avant d’entendre le claquement de gants en latex sur ta droite. « Qu’est-ce … » Qu’est-ce qu’il envisageait de faire, là, de suite, exactement ? Tu hésites à écraser brutalement la pédale de frein, alors qu’il approche ses pattes de ta gamine. Eh. Oh. Mais non, il ne semble chercher à lui faire du mal. La tétine est remise, l’enfant cesse de chouiner. Tu soupires, soulagé qu’il n’ait pas cherché à la faire taire d’une autre manière.
Si c’était arrivé, qu’est-ce qu’il se serait passé ?
Supérieur ou pas, tu ne l’aurais pas laissé faire. Milieu de la route ou pas, tu ne lui aurais pas permis de malmener Haena juste pour son confort auditif.
Peut-être que tu étais nul pour gérer l’entièreté de la situation, mais au moins, tu essayais.

Alors que tu t’appliques de toutes tes forces pour freiner doucement et accélérer progressivement, sa réplique sur tes cernes te fait grimacer. Difficile nier le fait que tu n’étais pas au sommet de ta forme. Est-ce que tu avais mal dormi ? Une moue légère apparait sur ton visage. Est-ce que tu avais dormi, tout court ? Il te semblait que ta dernière vraie nuit de sommeil remontait à plusieurs siècles.
Cheng semblait avoir remarqué que tu n’étais pas au sommet de ta forme depuis ton déménagement. « Si on peut appeler ça un déménagement … » marmonnes-tu, tout bas. Tu t’étais fait virer du domicile familial et créchais désormais dans la chambre d’amis de ton frère, avec le lit de Haena presque à côté de ton oreiller. « Elle a un peu de mal à dormir en ce moment. » commences-tu, sans vraiment savoir par quel bout prendre le sujet. « C’était pas prévu, à la base. Que j’aille chez mon frère. » énonces-tu subitement. Est-ce que tu allais tout déballer ça là, comme ça ? « Enfin, Haena l’était pas non plus. » Quelque part, tu avais honte de le dire. (Et encore un peu plus devant elle.) « Sa mère m’en n’avait jamais parlé. Elle m’a jamais dit qu’elle était enceinte ou quoi que ce soit jusqu’à … Jusqu’à ce qu’elle débarque chez mes parents avec la petiote sous le bras ? » Un soupir léger vient affaisser tes épaules, tandis que tu fixes la route, tentant de te concentrer, de ton mieux, sur les conseils que le vice-président t’avait donné plus tôt. « Je suppose que c’était la connerie de trop. » Tu as bien conscience que ton discours devait lui sembler un peu décousu. Hélas, comment mettre de l’ordre dans ta tête ? Comment organiser tes pensées qui se faisaient folles ? « Donc bah … Je suis allé chez Myung So parce que c’était le seul qui voulait bien. » Heureusement pour vous deux. Heureusement pour Haena, heureusement pour toi. Car, même si tu avais eu les fonds nécessaires, tu étais probablement incapable de gérer un logement tout seul, comme un grand. Dans la tempête de ta vie, tu étais reconnaissant que ton frère ne se soit pas montré absent. « Mais bon … C’est pas vraiment de sa faute à elle. » te reprends-tu, en jetant un coup d’œil dans le rétroviseur. « Même si elle a un petit côté party hard entre minuit et quatre heures du matin … » conclus-tu avec un demi-sourire, amusé, sans doute, par ta légère bêtise.

Est-ce qu’il a compris que j’ai horreur de la saleté ? J’ai horreur des germes également. Je ne crois pas. Voyant sa réaction, il n’en a aucun. Trop concentré sur ces canards dont il a autant horreur. Des bestioles répugnantes d’une certaine façon. Mangeant des végétaux, insectes, mollusques, poissons et j’en passe. Ces bêtes où leurs pattes sont palmées pour aider lors de la nage. Toutefois, il se lave tout de même régulièrement, contrairement à certains hommes et femmes où ils peuvent se négliger. Des créatures où le couac vient souvent et pond des œufs pour avoir des canetons. Beaucoup trouvent ça mignon contrairement à Seo jin. Eh bien. Chacun ses craintes et ses peurs non ? Tout comme moi concernant la saleté et les germes. J’ai été traumatisé lorsque j’étais enfant en voyant ma mère avec mon petit frère et petite sœur contre elle après l’accouchement. Je les voyais si sales de liquides amniotiques mélanger à du sang séché. Cette vision d’horreur m’a dégoûté de plus belle. D'où le pourquoi, j’apporte régulièrement des gants aujourd’hui et des désinfectants. Apportant également des mouchoirs et d’autres vêtements de rechange. Me préparant à nettoyer mon bureau ou voiture en cas de pépin. Je suis préparé, mais peut-être que ça serait différent si j’avais consulté étant enfant, mais mes parents n’avaient rien vu venir et encore aujourd’hui. Ils ne se demandent jamais pourquoi je ne fais jamais de câlins ou une seule personne est capable de me toucher. D’ailleurs, j’espère que Tao a bien dormi, il a une grosse journée de tournage.

Ce traumatisme concerne particulièrement les poupons. Advenant du bébé dans la voiture, je juge également de sa propreté. Sinon, je ne voudrais pas lui donner la tétine même en portant des gants. Tout semble bien, alors je lui donne l’objet en question ce qui la calme aussitôt - pour le moment du moins. Il accélère trop vite et freine trop brusquement. Il va falloir qu’il conduise davantage en douceur. Comme ça, son enfant n’aura presque pas de problème de tétines ni chouinera pour rien. Elle sera bercée et ne finira pas s’endormir. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Il est stressé que je sois assis et que je juge sa façon de conduire ? Peu importe, il devra s’y faire si jamais monsieur ne souhaite pas me laisser conduire. En retirant mon gant de latex, j’ai bien entendu son soupir soulagé. J’arque un sourcil en sa direction avant de me tourner vers la route. Est-ce qu’il croit sérieusement que j’allais clouer le bec d’un bébé ? J’ai déjà eu des petits frères et sœurs de grand écart. J’ai appris à mes dépens, il fut un temps. « J’ai un petit frère et une petite sœur de dix ans d’écart. » J’explique le tout même si je pouvais ne pas lui donner d’explication. Enfin, si ça peut rassurer l’instinct de papa protecteur qu’il a eu à cet instant. Soit.

« Qu’est-ce que tu as dit ? » Je l’ai entendu marmonner. J’ai horreur qu’on marmonne, c’est une perte de temps pour quiconque. Finalement, il se rattrape en m’expliquant pourquoi ses cernes. Oh. Son enfant a du mal à dormir ? Par contre, je ne suis pas là pour être sa psychologue. En regardant la route, je suis contraint d’écouter ses états d’âme. Ainsi, son déménagement n’était pas prévu ni de vivre chez son frère ni Haena. Je serais surpris si c’était prévu cette dernière. Il a fait une énorme bêtise et voilà que le Karma est contre lui. Bien fait pour son insouciance. Il devra apprendre à devenir un adulte et à agir comme tel. Arrêter de vouloir s’amuser et d’aller batifoler à droite et à gauche sans avoir de répercussions. Cependant, la fille aurait pu glisser un mot à moins qu’elle eût trop honte et ses parents ne voulaient pas qu’elle interagisse avec l’irresponsable ? Je serai du même avis qu’eux. « Prends ça du bon côté, finis les conneries, tu vas pouvoir mûrir et montrer ce que tu vaux à ta fille. » Il n’aura pas le choix. C’est un peu remuer le couteau dans la plaie. Je vérifie mon téléphone pendant qu’il continue son histoire. Pauvre petit chou. Il devra penser à deux fois avant de faire quelque chose maintenant. Bienvenue dans la vie merveilleuse d’un adulte.

Bon, le problème en question est les nuits en question ? Là, je ne peux pas le conseiller réellement. Chacun a ses problèmes. Des bébés peuvent faire ses nuits très tôt comme d’autres, c’est beaucoup plus compliquer. « Tu n’as jamais consulté pour ses nuits ? » Balançais-je avant de ranger mon téléphone avant de soupirer. Il venait tout juste de rater l’accès aux stationnements souterrains. « Tu as raté l’entrée. » Je finis par froncer les sourcils. Me massant un peu la tempe avant de me tourner vers lui : « Qui va garder Haena pendant que tu vas travailler ? » Oui, c’est une question qui vient tout juste d’arriver dans mon esprit. Va-t-il réellement travailler avec la petite sur le chariot ? Ce n’est pas sécuritaire et ça va déranger tout le monde quand elle va pleurer.

Tu hausses un sourcil lorsque Cheng t’annonce qu’il avait un petit frère et une petite sœurde dix ans d’écart. Hein ? Qui avait dix ans d’écart avec quoi ? Pourquoi il te sort ça ? Il te faut bien plusieurs secondes pour comprendre qu’il parlait de Jinsoo. Jinsoo et sa jumelle. S’ils étaient jumeaux … Est-ce qu’ils n’avaient pas le même âge ? « Heu … Ah ! » Voilà que tes neurones se remettent à fonctionner. (Décidément, tu manquais cruellement de sommeil.) C’était eux, qui avaient dix ans d’écart avec Cheng. Pas Jinsoo avec sa sœur. Ça semblait faire sens comme ça. Est-ce que ton patron essayait de te faire comprendre qu’il savait s’occuper des gamins ? « D’accord … ? » tentes-tu, totalement perdu.

Le brun relève tes marmonnements quant à ton déménagement. « Rien .. » soupires-tu, avant de reprendre la parole pour brièvement lui expliquer la situation. Haena avait du mal à faire des nuits complètes – voir des nuits tout court, parfois – et tu avais, clairement, l’impression d’être au bout du rouleau.
« Prends ça du bon côté, fini les conneries, tu vas pouvoir mûrir et montrer ce que tu vaux à ta fille. » Mûrir ? Tes prunelles se relèvent un instant pour jeter un coup d’œil à ta fille, à travers le rétroviseur. Est-ce que tu valais vraiment quelque chose ? Est-ce que ce n’était pas de ta faute, si elle était là ? Si elle avait dû se fader sa mère, puis supporter tes incapacités ? Est-ce que le jeu en valait seulement la chandelle ? « Tu pourras le lui redire, quand sa version de dix-sept ans me criera dessus que je suis qu’un gros naze ? Genre que j’ai essayé ? » Même si tu n’étais pas certain d’y arriver. Même si tu n’étais pas sûr de valoir vraiment grand-chose, par moment.

Tu te retrouves cependant à plaisanter un peu quant au sommeil festif et léger de Haena. Est-ce que tu n’avais jamais consulté ? « Consulté ? » relèves-tu, légèrement inquiet. Est-ce qu’il fallait voir un spécialiste ? N’était-ce pas normal ? « Il faut consulter, tu crois ? » demandes-tu. Où est-ce qu’il avait choppé le manuel ? Est-ce qu’il ne pouvait pas te le prêter, pour quelques journées ?
De ses lèvres émane un soupir.
Quoi ? Qu’est-ce que tu avais fait ? Est-ce que tu avais murmuré une question qu’il ne fallait pas poser ?
Tu as raté l’entrée.
Ah. Effectivement, vous étiez presque arrivés, quand bien même ton cerveau avait eu un peu de mal à le calculer. « Heu … Je vais me retourner au feu. » réfléchis-tu, en regardant la route devant toi. Tu mets ton clignotant, patiente « tranquillement » que le feu passe au vert, lorsque ton patron te demande qui est-ce qui allait garder Haena pendant que tu allais travailler. « Heu .. Moi .. ? » oses-tu. Est-ce qu’il y avait seulement une autre solution ? Tu n’allais pas la refiler à une secrétaire que tu n’avais pas. « J’ai pris son porte-bébé, j’aurais pas besoin de me promener avec une poussette, promis. Elle ne devrait pas trop me gêner. » Mises à part quelques petites pauses techniques, tu étais plutôt confiant sur la situation à venir. (Ou simplement inconscient.)

Un coup de klaxon te rappelle à l’ordre. « Ah, oui oui ! C’est bon ! » râles-tu, avant de redémarrer. Avec précaution, tu effectues un demi-tour, pour, cette fois, prendre correctement l’entrée du parking. « Je me gare … ? » A sa place ? A une place réservée aux employés ? Tu attends deux secondes sa réponse, avant d’aller arrêter ta voiture sur une place. Tu ouvres ta portière, avant d’à nouveau te tortiller pour extraire ta petite du véhicule. « Et voilà, bichette ! » t’exclames-tu, alors que tu en profites pour proposer un tour d’horizon à ta petite. « Le travail de papa ! Enfin … Le parking. » Ça allait être super.

Il ne semble pas très bien capter les informations. Ça se voit avec ses cernés de fatigues. Ça se voit avec son regard vide de vie. Il veut uniquement dormir. Il n’a aucune concentration autant sur sa fille, sur la conversation ou bien sur la route. Je commence à m’inquiéter pour notre survie. Je soupire intérieurement. Je crois comprendre la tournure des événements à des kilomètres à l’avance. Ça ne va pas me plaire. Tout d’abord, il ne semble pas comprendre que je sais comment m’occuper des enfants. Après tout, j’ai dix ans d’écart avec mon frère et ma sœur. Je sais comment changer leurs couches, les donner à boire et à manger, bercer, etc. Sauf qu’il semble perdu. En fait, il ne semble pas, il est perdu. Trop perdu pour comprendre. Il a une fixation dans sa tête ; dormir. Ça se voit. Ça se ressent. Est-ce qu’il a cherché des trucs pour endormir les bébés ? Comprendre pourquoi son bébé ne fait pas des nuits – du moins une partie ? A-t-il fait quelques recherches ? Sachant comment il va, sa performance va être vite négligée.

Quoi qu’il en soit, Seo jin va apprendre à être responsable. Il n’a plus trop le choix avec un enfant dans les bras. Il doit s’occuper d’elle au péril de sa vie afin qu’elle puisse vivre une belle vie. Bon, j’aurais opté pour un animal pour qu’il puisse apprendre à se responsabiliser, mais le connaissant, ça ne me surprend pas. Ça ne surprend pas qu’il puisse avoir pu tremper le pinceau sans se protéger. A-t-il réfléchi moindrement un peu ? Ça ne semble pas être son point fort en effet. « Je ne dirai rien à ta version dix-sept ans plus tard. Les parents sont des gros nazes un jour ou l’autre. Ça se nomme l’adolescence. » Les hormones en ébullition. Rien ne se contrôle. Un gros changement se fait. L’innocence se change en un adulte et dans ce cas ; ça va être des courbes. Papa seo jin devra s’y faire. J’ai passé par là comme n’importe qui. Puis on dit que c’est cette fameuse période où c’est difficile, non ? Je ne devrais pas lui faire un dessin, il devra le connaître par lui-même : Appa.

Ensuite, survient le sujet du sommeil de l’enfant. Prendre des informations, chercher des conseils, lorsqu’il voit le pédiatre de sa fille, est-ce qu’il lui pose des questions ? Toutefois, entendant ses interrogations, je soupire. « Non, non. Je parle de chercher des trucs. Comme de bruits blancs ou quelque chose du genre. » Suis-je en train de devenir une nounou afin de l’aider à mieux vivre avec sa fille ? Je devrais charger mon temps que j’offre aux autres. Ça serait rentable et cette impression, de perdre mon temps disparaîtrait. En tout cas, Seo jin n’est pas sorti de l’auberge. Sa fille va en baver et voir toutes les couleurs. Tout comme cette inattention dont il a fait et nous a manqué le stationnement. Qui va la garder dans tout ça ? Lui ? Je voudrais quasiment rire, mais bon, je sens que je vais me sacrifier. Voilà l’événement en question. Je vais jouer la nounou parce que j’ai peur de le retrouver endormi quelque part avec un enfant en pleurs. Un, ça va déranger tout l’immeuble et deux, ce n’est pas productif pour son travail « physique ». Je roule des yeux lorsque le feu change de couleur et il ne fait rien. Je me gratte la gorge pour le faire réaliser, mais le klaxon a eu de l’impact. Ça va être une catastrophe comme journée. « À ma place, je conduirais à la fin de la journée. » Oui, je ne me veux pas avoir un conducteur qui tombe endormi au volant. Sorti du véhicule, je me dirige vers lui pour prendre la coquille de la petite Haena. « Je la prends en charge aujourd’hui, donne moi ce qu’il faut, toi travailles. » Oui, je me surprends moi-même. Je sens que je vais prendre une douche de désinfectant à la fin de la journée.

Est-ce que tu allais être un gros naze lorsque Haena serait adolescente? (Est-ce que tu ne l’étais pas déjà ?) Tu soupires sans t’en cacher, lorsque Cheng te réplique qu’il ne dirait rien à ta fille qui puisse abonder dans ton sens. Super. Aucun soutien.

Toutefois, ton responsable te demande si tu n’avais jamais consulté pour le sommeil chaotique de ta gamine. Qu’est-ce que c’était que cette affaire encore ? Est-ce que ce n’était pas normal ? Est-ce que tu n’avais juste pas tiré le numéro du bébé calme à la loterie ? A priori, il fallait t’inquiéter. Il ne te fallait pas beaucoup plus pour paniquer. « Des bruits blancs ? » C’était quoi, ça, déjà ? Tu te souvenais vaguement d’en avoir entendu parler après une nuit d’errance devant la télé (chose qui ne t’arrivait plus tant depuis que Haena avait débarqué) mais tu n’arrivais plus vraiment à te le représenter. « Ça va pas l’embêter d’avoir du bruit dans la chambre ? Puis … On dort dans la même, en plus. » Est-ce que c’était grave, ça aussi ? « Enfin, elle a son lit, hein. Elle dort pas dans le mien. »
En attendant, tu ferais bien de te concentrer sur la route, au moins un peu. Voilà que tu enchaînes les conneries : d’abord, tu rates l’entrée du parking, puis tu te fais klaxonner au feu parce que tu ne vas pas assez vite. Tu dois inspirer profondément pour ne pas péter un câble (entre piquer une crise de nerfs au volant, ou descendre du véhicule pour te mettre à brailler sur le pressé derrière vous), et finis tout de même par réussir à rentrer dans ce maudit parking.
Tu as tout de même la lucidité de demander à Cheng où est-ce que tu étais supposé te garer : à sa place, il conduirait en fin de journée. « T’as envie de tester ma voiture ? » demandes-tu, surpris. Pourquoi est-ce qu’il ne te l’avait encore jamais demandé ? (Tu croyais qu’il n’y avait que sa Tesla qui l’intéressait.) « D’accord … » souffles-tu tout de même, avant de t’exécuter et d’aller te garer à sa place.

Une fois sortis du véhicule, tu en profites pour faire un petit tour d’horizon à Haena : merveilleux parking souterrain, qui ne semblait lui faire ni chaud, ni froid. Soudain, dans ton champ de vision, il y a une main. Cheng. Il voulait la prendre en charge. « Ah bon ? » Décidément, il ne cessait de te surprendre, aujourd’hui. « Mais t’as pas des réunions ? » demandes-tu, perdu. Est-ce qu’il allait se pointer avec elle en meeting ? L’image de Cheng avec un porte-bébé en train de présenter des graphiques s’incruste doucement sur ta rétine. Tu n’étais pas certain que ta gamine soit assez vieille pour que ça déclenche chez elle une vocation, mais il risquait de renvoyer une drôle d’image, non ? (Toi, au fond, tu n’étais plus à ça près, mais lui était tout de même quelqu’un qui se rapprochait d’un chef d’entreprise.)
Enfin bon, sans doute que tu ne devrais pas trop discuter. Tu le sondes quand même trois secondes, avant de te souvenir de récupérer les affaires de ta gamine. Son sac d’affaires en bandoulière, tu entraînes tout ton petit monde vers l’ascenseur. Par automatisme, tu appuies sur les boutons de l’ascenseur, avant de réfléchir deux secondes. « Mais t’as pas peur ? » demandes-tu finalement, oubliant un instant le vouvoiement qui était de mise à partir de la cage métallisée. Il ne t’avait pas dit qu’il avait horreur de la saleté et des bactéries ? « Parce que des fois, elle vomit, hein. » Et généralement, c’était sans prévenir. « Puis faut la changer de temps en temps, aussi. » préviens-tu encore. S’il omettait cette étape, ça allait être un carnage quand tu allais la récupérer.

Les portes finissent par s’ouvrir, et voilà que tu te retrouves dans le couloir du bureau de Cheng. Tu soupires doucement : clairement, ça allait être une longue journée.
« Tu restes sage avec tonton Cheng, hein ? Pas de bêtise, Haena bébé ? » demandes-tu, devant une secrétaire sans doute médusée – que tu n’avais pas vraiment remarquée. « Bon bah heu … à tout à l’heure ? » vérifies-tu. S’il décidait de faire marche arrière et de te la refiler – ou te virer – c’était maintenant ou jamais.

Est-ce qu’il me fait pitié ? Oui. C’est à lui de ne pas se protéger quand il fait ses idioties sans protections avec n’importe qui. C’est à lui d’avoir échoué son éducation dans la sexualité. C’est à lui de ne pas avoir fait attention et de se retrouver avec un enfant sous la main. Il n’a pas demandé à sa compagne d’un soir si elle était correcte et si elle était protégée également. Ce n'est pas que je mets la faute sur la demoiselle, mais bien sur les deux. Les deux ont été stupides et ont créé la vie sans même prendre la responsabilité. Elle a accouché et débarrassé dans les bras de son partenaire. Lui, au moins, il a pris une partie des responsabilités, mais il reste quand même irresponsable et maladroit. Personne ne le cadre et le laisse se débrouiller tout. C’est triste pour la petite fille qui tente de vivre malgré tout. Ils vont voir de toutes les couleurs ensemble et je sens que la gamine va vieillir horriblement vite avec un père tel que lui. Enfin, je ne compatis pas. Je ne vais pas le consoler quoi que ce soit. Il a créé ce merdier, qu’il s’y débrouille. Sauf cette fois où je vais l’aider. Il a une tête horrible et je m’inquiète pour notre sécurité. En fait, je commence à m’inquiéter de la sécurité de la fillette. Devrais-je faire quelque chose ? Je donne des conseils, mais devrais-je agir ? Je ne crois pas, après il est du genre à être dépendant de quiconque qui lui donne un coup de main.

Je soupire intérieurement pour la énième fois. Lui donner des conseils sur mon expérience. Après tout, je me suis occupé de mon frère et de ma sœur même si j’ai horreur de la saleté et des germes. Je peux vivre avec ça, mais après, je dois me laver x nombre de fois. « Oui. Le bruit blanc aide les enfants à dormir la nuit. » Comme de la musique, bruits de ventilateur ou la télévision allumée avec le volume au minimum par exemple. Des trucs comme ça. Rien n’est perdu et si jamais cela aide le parent à dormir la nuit ? Un jour, le bruit blanc va endormir également le parent. Enfin, il fait ce qu’il veut de mes conseils, Seo jin semble sceptique. « Est-ce que tu lui mets une berceuse pour l’endormir ? Ou bien un bruit de ventilateur ? Et ne t’inquiète pas pour ton sommeil, tu vas finir par t’endormir toi aussi. » Ça, c’est vrai. J’ai vu de nombreuses fois ma mère s’endormir dans des situations cocasses. En tous les cas, je ne soulève pas le fait que la petite ait son propre lit dans la chambre de papa. Parfois, les enfants apprécient de dormir seul dans leur chambre, mais je ne lui dirai pas afin de ne pas lui compliquer la vie. Il semble déjà déboussolé en ce moment.

Nous réussissons enfin à entrer dans le stationnement en un seul morceau et je lui dicte quel stationnement prendre. Il semble surpris, c’est tout à fait normal. J’utilise toujours ma voiture, mais cette fois, je ferai exception à la règle. « On peut dire ça. » On peut dire que j’ai envie d’essayer sa voiture, mais ce n’est pas ça. Je veux retourner chez moi en un seul morceau et rester en vie tout comme la gamine. Je ne veux pas d’un père qui pleure au volant, car un monsieur l’a dépassé. Vous comprenez ce que je veux dire. La fatigue nous rend à fleur de peau. Bon, c’est le temps que je rentre en jeu et de m’occuper de la gamine. « Et alors ? » Les gens vont comprendre et puis, ils n’auront pas à savoir à qui cette puce appartient. Je demande où ils ont pris leur cravate affreuse ? Non. Alors, on ne me pose pas de question surtout quand le sujet concerne le travail et les chiffres. En allant dans l’ascenseur, Seo jin comprend rapidement quel bouton peser. Il apprend vite sa routine, c’est bien. « Si tu parles des germes et de la saleté, j’ai mes précautions. » Des chemises de rechange, du désinfectant, des produits nettoyants, j’ai tout en cas de besoin. Après, je reste maniaque, je vais devoir tout nettoyer et prendre ma douche au moins trois fois pour être rassuré que je sois propre. D’ailleurs, je sors mes gants en latex dans ma valise pour prendre la coquille. « Tu me crois incapable de m’occuper d’un bébé ? Je te rappelle que je me suis occupé de mon frère et de ma sœur. » Soupirais-je avant de lui jeter un regard légèrement vexé.

Finalement, à l’étage de mon bureau, je le vois babiller des choses à sa fille dont je roule des yeux et je m’arrête devant ma secrétaire. « Est-ce que tu sais t’occuper des bébés ? » Elle est surprise, fronce légèrement les sourcils et finit par hocher la tête. Je lui fais signe de me suivre dans mon bureau. Je dépose la puce sur mon coin salon de mon bureau : « Seo jin ! Le sac à couche ! » Il l’avait sur le dos, il ne faut pas l’oublier. Dès remis, je me retrouve avec ma secrétaire et le bébé. Je lui explique qu’elle devra m’aider à m’occuper de la cocotte surtout quand c’est le temps de donner son lait et de changer sa couche. C’est hors de question que je touche à ça. En même temps, je précise qu’elle aura une prime spécialement aujourd’hui vu que je lui rajoute des tâches. Quant à Haena, je la vois se tortiller alors, je retire ma veste et plie ma manche de chemise pour la coucher sur mon avant-bras. Les enfants adorent généralement ça et d’ailleurs, elle s’endort rapidement. Du moins, je l’espère, car je file en réunion avec ma secrétaire sur les talons. On va parler de bourse avec un enfant. Décidément, je me surprends moi-même.

Le bruit blanc aidait les enfants à dormir, la nuit. Oh, que la tentation était forte, tout d’un coup. Est-ce que ça l’aiderait à dormir longtemps ? Est-ce que ça t’aiderait à avoir un peu d’apaisement ? Tout d’un coup, tu mourrais presque d’envie d’essayer. Tu continues d’écouter Cheng, peinant sans doute à te concentrer suffisamment sur le reste – la route, typiquement. Est-ce que tu mettais une berceuse pour Haena ? Est-ce que tu lui allumais le ventilateur ? « Heu … » énonces-tu, plutôt incertain de l’affaire. Tu ne t’inquiétais plus tant pour ton sommeil – tu étais à peu près certain que tu sombrerais à l’instant où tu fermerais les yeux – mais est-ce que ça irait à Haena ? « En vrai … Elle aime bien quand je chante. » réalises-tu. Enfin, elle semblait s’apaiser, et ne pas hurler deux fois plus fort. Est-ce que ça voulait pour autant dire qu’elle appréciait ? « Elle aime bien Cups de Anna Kendrick … Je crois qu’elle pourrait m’écouter chanter ça pendant trois heures de temps. » Dès que tu t’arrêtais, en revanche, elle semblait se remettre à pleurer. Est-ce qu’il fallait que tu lui enregistres une version acoustique ? Est-ce que tu n'allais pas finir à moitié fou à t’entendre la chanter en boucle ? (Rien qu’à y songer, tu ne pouvais te l’ôter de la tête, battant un instant le rythme sur le volant.)

Tu finis tout de même par réussir à garer ta voiture sur sa place de parking. Véritable miracle, avant que tu n’ailles récupérer ta fille. Cheng t’annonce qu’il allait s’occuper de la gamine. Tu ne peux qu’être surpris – et sans doute un peu effrayé – quant à cette idée. Est-ce qu’il n’avait pas des réunions ? Est-ce qu’il n’avait pas de plus importantes occupations ? Est-ce qu’il n’avait pas peur ? Allons donc, il n’appuyait même pas sur les boutons de l’ascenseur, il avait nettoyé ta voiture de fond en comble. Est-ce qu’il allait vraiment accepter que Haena lui bave sur les bras ? Et si elle décidait de lui recracher son petit pot au visage ? De lui régurgiter dans le dos ? Il avait ses précautions. Tu l’écoutes, circonspect, avant de le voir prendre une nouvelle paire de gants en latex pour récupérer Haena. « Mmh … » ne peux-tu t’empêcher de souffler, te demandant, sincèrement, ce que ça allait donner.
« Tu me crois incapable de m’occuper d’un bébé ? Je te rappelle que je me suis occupé de mon frère et de ma sœur. » Est-ce qu’il était vexé ? « C’est pas ça … » Ce n’était pas que tu ne l’en croyais pas capable ; c’était plutôt que tu craignais que Haena n’en ressorte traumatisée. Tu tentes pourtant de te faire violence, en te rappelant de Jinsoo. Le garçon avait l’air un peu particulier, certes, mais pas non plus malheureux. Ça ne pouvait pas mal tourner, non ?

Heureusement pour toi, la porte de l’ascenseur s’ouvre, t’empêchant de dire plus de bêtises qu’à l’accoutumée. Tu préfères t’occuper encore un peu de Haena, lui soufflant de rester sage avec ton supérieur. Tu espérais qu’elle ne se ferait pas trop démoniaque. Cheng semble échanger un peu avec sa secrétaire, et tu es presque soulagé qu’elle réponde positivement : elle savait s’occuper des enfants.
Alors, est-ce que tu devais retourner travailler ? Est-ce que tu devais ainsi la délaisser ? Le sac. Entendre ton prénom suffit à te ramener à l’instant présent, et tu trottines jusqu’au bureau de Cheng, pour déposer le sac que tu avais gardé avec toi. « Normalement … Il y a tout dedans. » Tu l’espérais – tu n’étais clairement pas à l’abris d’en avoir oublié la moitié.

« Bon bah .. Je vous laisse, alors ? » demandes-tu tout de même. Tu viens faire un dernier signe de la main à ta petite, avant de filer retrouver Monsieur Choi. La journée te semble terriblement longue. (Est-ce que tu parvenais à te défaire d’un certain sentiment d’inquiétude quand au traitement de ta petiote ?) Tu n’étais pas forcément des plus concentrés – tes capacités cérébrales tant altérées par la fatigue que la situation particulière dans laquelle tu te trouvais.