Voilà, cette soirée arrive enfin. Je n’ai pas arrêté de faire des erreurs et d'avoir l’esprit ailleurs. Pas à cause de notre séjour en amoureux au chalet – bon, j’étais sur mon petit nuage jusqu’à maintenant – mais bien au fait que j’ai reçu un appel de mon oncle me disant qu'il avait fait la réservation dans un restaurant, à une heure, salle et date précises. J’avais déjà mentionné à Hoonie d’un possible dîner avec mon oncle pour qu’ils se rencontrent officiellement, mais je ne pensais pas que ce jour arriverait tôt ou tard. Je pensais même qu’il allait l’oublier, mais connaissant ma tante – dont j’avais longuement parlé au téléphone de mon stress par rapport à mon couple – elle doit lui avoir rappelé au moins une fois. Je ne peux expliquer mon stress que j’ai eu, d’un coup, en sachant la date du dîner. Bien que je le disais à mon amoureux, je stressais énormément à l’idée que ça ne fonctionne pas et qu’on refuse de l’accepter. Et si Kazu ressentait quelque chose que nous – les femmes – ne ressentons pas ? Bon sang, mon véritable cauchemar ! Bref, j’avais peur qu’on ne l’accepte pas, et même en parlant de mes inquiétudes, je devais être forte pour Hoonie, pour nous. Il fallait bien que je le rassure non ? Et qui sait, peut-être que ça va finir par me convaincre que tout va bien aller.

Mon oncle, je ne le considère pas comme une brute, mais bien comme un père. Le mien ne m’appréciant pas du tout et préférant largement s’occuper de ma grande sœur lorsque j’étais enfant, donc en déménageant ici avec ma mère, la figure paternelle se résume à être Kazu. Il le sait, je ne l’ai jamais caché. Je me sens davantage appréciée en étant sa nièce que d’être la fille de mon père que je n’ai jamais eu de nouvelle depuis… Quasiment vingt ans ? Par contre, ce que je redoute, c’est bien son franc-parler. Qu’il le bouscule un peu. En même temps, nous n’avons pas un si grand écart contrairement à d’autres familles. De ce fait, cette soirée est très importante et je ne veux pas tout gâcher avec mes bêtises. Je veux que Hoonie intègre aussi bien ma famille que je suis intégrée dans la sienne. C’est la moindre des choses en tant que couple. Alors, prenant une grande respiration, on doit passer à travers de cette journée et surtout se préparer pour la soirée. Tout va bien aller, c’est tout ce que je dois me dire. Mon homme est formidable ! Il est plus que parfait. Pourquoi devrais-je redouter que quelque chose puisse arriver ? Me créer plusieurs scénarios, c’est plus fort que moi, malheureusement. C’est hors de mon contrôle.

Ainsi, je termine finalement mon maquillage léger que j’ai repris au moins trois fois. Pourquoi ? Parce que soit que je le trouvais trop pigmenté, non symétrique et le troisième, j’ignore la raison. « Hoonie ?! Est-ce que tu es prêt ? » Je lui ai demandé de se préparer chez moi afin qu’on ne se coure pas l’un après l’autre entre ma maison et celle de ses parents si jamais quelque chose ne plaise pas dans la tenue de l’autre. « Tu es si beau ! Et moi ? Ce n’est pas trop simple ? » Nous allons dans un restaurant japonais, dans une salle réservée pour nous. J’ai opté pour une chemise de couleur crème, une simple jupe qui m’arrive au-dessus des genoux avec des collants afin de me protéger du froid. Un manteau ordinaire brun que je pourrais cacher mes cuisses si jamais ma tenue est inappropriée. De toute façon, nous commençons à manquer de temps. Je respire un bon coup pour essayer de me détendre et je file nourrir mon chien avant d’aller vers l’entrée. Le taxi nous attend. « Tu es certain que tu veux rencontrer mon oncle ? Tu te sens à l’aise ? N’hésite pas si jamais tu ne comprends pas ce qu’il dit en japonais, je vais te le traduire, mais bon, j’ai confiance à ton japonais. Tu t’améliores de jour en jour ! » Fis-je en terminant de mettre mes bottines et de quitter. Tout va bien aller ! Je ne suis pas du tout stressée. 

Faute d’avoir pu accorder nos agendas, nous avons tardé à organiser ce diner et j’espère qu’Aki ne m’en veut pas trop. Elle sait qu’avec sa tante, nous avons une activité professionnelle très intense, ce qui explique entre autre pourquoi nous avons fait le choix de ne pas avoir d’enfant. Dans la vie, on ne peut pas tout avoir et nous n’avions pas envie de mettre notre vie professionnelle de côté ni sacrifier le peu de temps libre que nous possédons. Et puis je pense qu’avec Aki, ça suffit à combler mes besoins paternalistes car malgré son âge, elle n’en reste pas moins une petite fille par moment et je pense que ma femme pense pareil.

Lorsque nous arrivons au restaurant, nous constatons qu’ils sont déjà là. Ils sont ponctuels, voir en avance. C’est un bon point. J’échange à ce sujet avec ma femme, en japonais, tout en nous approchant de la table. J’embrasse alors Aki, puis me tourne vers son petit-ami pour lui serrer la main :
« Bonsoir, j’imagine que tu es Jung Hoon, l’employé et le petit-ami de ma nièce. »
Je me reçois un coup de coude de ma femme qui me dit en japonais, tout en riant, que je n’avais pas besoin de préciser qu’il travaille pour Aki. Bon, ce n’est pas bien méchant, non ? Je lui tire une chaise pour qu’elle s’assoit, puis je m’installe en face du fameux Jung Hoon avant de demander à ces deux jeunes gens s’ils ont déjà commandé à boire.

Nous sommes fin prêts et en avance, mais ça ne m’empêche pas de ressentir un stress énorme au fond de moi-même. Je redoute la réaction de mon oncle envers mon amoureux. Il manque de tact et ma tante me l’a rappelé à mainte reprise que je ne devrai pas le prendre de travers. Ouais, c’est facile à dire qu’à faire. C’est mon premier amour, mais aussi ma première relation que je vis. Je sais que j’ai l’air niais en étant constamment sur mon petit nuage, mais c’est ainsi. C’est plus fort que moi. J’ai tellement vécu malheureuse pendant une bonne partie de ma vie avec des histoires tragiques avec le décès de ma mère et mon harcèlement à l’école. C’était rare que je puisse réellement être contente hormis depuis quelques mois. Ces quelques mois d’amour dont j’éprouve pour ce jeune homme et c’est réciproque à mon égard. Je trouve ça triste lorsque j’entends un commentaire négatif concernant mon couple, mais bon, j’ai du mal à croire que je sois en couple et vivant dans un parfait bonheur. Peut-on me laisser l’être encore un moment ? Je sais très bien qu’il a des hauts et des bas, je m’attends à en avoir même si je redoute beaucoup puisque je ne sais pas quoi m’attendre. Bref, j’aimerais qu’on accepte ma relation et autant de la part de ma famille, mais je redoute la réaction de mon oncle.

« Quoi ? Tu flippes ?! » Ça y est. On devrait peut-être reporter le tout et ainsi prendre un autre rendez-vous lorsqu’il sera prêt ? Peut-être préférer de ne pas se présenter du tout ? Qu’est-ce qu’on doit faire dans ce genre de situation ? Je l’ignore et je commence à faire les cent pas quoiqu’on devrait partir pour ne pas être trop juste ou en retard. Cependant, Hoonie tente de me rassurer en disant qu’il allait venir pour ne pas offenser mon oncle. Ses craintes dans tout ça ? J’allais rétorquer quelque chose lorsqu’il me coupe pour me dire qu’il allait se débrouiller. Décidément, je ne peux rien lui refuser. S’il me rassure qu’il se débrouillerait, ainsi soit-il. Je ne peux pas aller contre sa volonté. En tout cas, j’essaie de cacher mes mains qui tremblent comme des feuilles à l’heure actuelle, la même chose lors du trajet.

Au restaurant, je serre très fort la main de Hoonie dans la mienne, les minutes s’écoulent et voilà, le moment fatidique. Je manque littéralement d’air dans mes poumons et je cherche un quelconque soutien de la part de mon petit ami qui en cherche autant de ma part. Je dois être forte. Je prends une bonne inspiration lorsqu’on nous guide à notre table. Ça n’a pas pris énormément de temps que mon oncle et ma tante arrivent. Je leur souris avant d’embrasser Kazu ainsi que sa conjointe. Toutefois, lors de ses propres présentations, je n’aurais jamais cru qu’il puisse utiliser le terme d’employé. « Hum... Pas besoin de mentionner qu’il travaille pour moi. » Leur dis-je légèrement embarrassée. Je jette un coup d’œil vers sa femme, mais vers hoonie d’un air désolé. Dès arrivé, je me sens mal pour lui, le pauvre. J’espère que tout ira pour le mieux par la suite et non en pire. Je ne voudrais pas qu’on sorte traumatiser. « Ahem ! Hoonie, voici mon oncle Nishimura Kazuya et son épouse. Il est le petit frère de ma mère, il est photographe. Tandis que ma tante... » Je fronce légèrement les sourcils en tentant de me rappeler sa carrière en question, mais j’ai un blanc. Je grimace en m’excusant, je peux avoir la tête dans les nuages par moment. « Non, on n’a encore rien commandé. On vient tout juste d’arriver. » De toute façon, je prendrais uniquement de l’eau puisque je ne suis pas une fanatique d’alcool durant le repas. D’ailleurs, je profite par la même occasion pour prendre le menu et de regarder les repas que le restaurant offre. Hm, le choix est difficiles. « Hoonie, tu vas prendre quoi ? » Lui demandais-je en allant glisser ma main sur son bras pour attirer son attention. Le serveur ne devrait plus tarder pour prendre notre commande des boissons et de la nourriture.

Aki trouve elle aussi que je n’avais pas besoin de mentionner le fait que son petit-ami est son employé. Décidément ! Elles sont toutes liguées contre moi ? Je n’ai pourtant rien fait de mal. Je souligne simplement le fait que ma nièce adorée est une cheffe d’entreprise et je souligne au passage que j’ai bien compris qui était ce garçon et quel lien il entretenait avec Aki. Enfin, je ne prends pas la peine de me justifier car je crois avoir déjà l’étiquette du méchant oncle qui va faire office de père en faisant passer un sale quart d’heure au prétendant. En vérité, je vais juste le taquiner un peu. Promis, je ne serais pas bien méchant.

Aki se charge de finir les présentations et j’éclate de rire lorsqu’elle sèche sur l’emploi de sa tante. Bien plus gentille et bienveillante que moi, ma délicieuse épouse complète en précisant qu’elle est mannequins et actrice. Notre rencontre n’est donc pas un hasard puisque je suis photographe mais ce n’est ni le lieu, ni le moment pour leur raconter la manière dont on s’est rencontré et mis ensemble.
« Bon, je propose qu’on commande du saké. Après tout, ce n’est pas un diner ordinaire. Jung Hoong, tu ne refuseras pas un alcool bien traditionnel de chez nous ? Et ne t’en fait pas, Aki ne nous a pas dit grand-chose sur toi. Alors ça sera l’occasion pour nous d’en apprendre plus sur toi. »
Et au regard que je lui adresse, j’espère qu’il comprend qu’il n’a pas le choix d’accepter.
« Mais avant ça, commandez tout ce qui vous ferez plaisir, c’est nous qui vous invitons. »
D’ailleurs voilà déjà le serveur qui s’approche pour prendre nos apéritifs et je ne manque pas de commander une bouteille de saké. Une fois le serveur reparti, je me tourne vers ma nièce :
« Alors qui commence ? Tu nous racontes comment vous vous êtes mis ensemble et depuis combien de temps vous êtes ensemble ou bien c’est lui qui s’y colle ? »

Est-ce que je manque d’air ? Oui. Est-ce que je suis stressée ? Oui. Est-ce que j’ai peur que mon oncle autant que ma tante n’apprécie pas Hoonie ? Oui. Je dois être forte pour mon petit ami, mais je martyrise sa main de plus belle en la serrant davantage. Cherchant réconfort, mais aussi à le réconforter. Après tout, il m’a clairement dit qu’il est en train de flipper. Ce qui signifie généralement qu’il a peur. C’est normal, je suppose. Certes, je n’avais pas cette angoisse en rencontrant ses parents – puisque je les connais depuis le jour un – contrairement à Hoonie. Il va falloir que j’apprenne à respirer. Apprendre comment gérer le stress et à me dire que je n’ai rien à craindre. Ma tante est là pour calmer les humeurs taquines de son époux et ce dernier aime bien châtier quiconque qui lui sert de cible. De toute façon, je n’ai rien à craindre n’est ce pas ? J’ai grossièrement expliqué leur personnalité. Il devra gérer, non ? On va le gérer. Ce n'est pas comme si mon père surgirait de nulle part afin que je m’occupe de lui ainsi que de ma sœur sans oublier les insultes, etc. Je garde encore des mauvais souvenirs de mon enfance. Enfin, ça ne se produira pas, car ce n’est pas lui.

La torture est interminable, mais ils sont là. On les accueille, je tente malgré moi de faire les présentations. J’oublie le métier de ma chère tante ce qui me fiche la honte. Kazu ne m’aide en rien. Je me demande comment ma tante fait pour gérer mes bêtises. Toutes les questions que je lui ai pu poser. Bon sang, quand j’y pense, je commence brusquement à rougir. Je ne devrai pas, mais c’est gênant ! En tous les cas, je suis surprise et fière de mon amoureux. Surpris de sa prononciation, mais aussi de tous ses efforts qu’il a pu faire pour apprendre le japonais. Ce n’est pas parfait ni fluide, mais je suis si fière de lui.

Le sake me prend par surprise, mais aussi les propos de Kazu qui ne laisse pas place à la négociation. Mon sourire se ternit un peu avant de jeter un coup d’œil à ma tante et puis à hoonie. Il souhaite réellement qu’on boive ? Je ne bois pas d’alcool malheureusement enfin… Je ne tiens pas l’alcool et je ne veux pas faire honte à qui que ce soit si jamais je perds le fil. Autant jouer prudemment. D’ailleurs, le serveur est là. Je commande de l’eau pour moi avant de prendre la carte et de regarder les repas proposés. Je suis toujours aussi nerveuse et je n’ose rien dire afin de ne pas être maladroite. Alors, je me concentre sur le menu, mais pour un bref instant, on doit raconter notre soirée lorsque nous sommes mis ensemble. « Nous sommes ensemble depuis septembre dernier. Donc environ cinq mois si je calcule bien… » Je regarde Hoonie comme si je cherchais la véritable réponse sur son visage. « En fait, ça a commencé par un rendez-vous au restaurant, c’était chic, c’était beau, comme un rêve. Sauf que j’étais tellement nerveuse que j’ai carrément posé la question si c’était un rendez-vous amoureux et il n'a pas eu le choix de faire sa déclaration. » Il ne faut pas oublier le détail qui me marquera à jamais. Le pauvre, il était si confus à cet instant. « Quand j’ai répondu que je l’aimais aussi, je me suis mise à pleurer de joie et de soulagement. Comme si la pression s’était volatilisée d’un coup ! Le pauvre, il a fallu que je le laisse seul à la table pour me rafraîchir. » Je rougis sur mes mots avant de me retourner vers mon petit ami : « Tu peux clairement le dire, j’étais ridicule ! » Je me mets à rire avant de prendre le menu pour commencer à me ventiler. J’ai chaud tout à coup. Est-ce normal ou bien le stress ? J’opte pour le dernier point.

Aki ne changera jamais. Elle commande de l’eau mais je finirais bien par lui faire boire une petite gorgée de saké. Après tout, c’est en buvant qu’on apprend à tenir l’alcool. Heureusement son petit-ami accepte mon invitation à boire. Lui, il essaie de gagner des points et c’est bien parti pour. Aki de son côté commence à nous raconter leur rencontre et dans un sens, je ne suis pas surpris. C’est tout elle. Sensible et romantique mais également émotive, ce qui a donné un premier rendez-vous inattendu pour celui qui est désormais son petit-ami.
« C’est très mignon comme premier rendez-vous. »
Mon épouse approuve et je ne peux qu’avouer qu’ils sont mignons et dégoulinants de guimauves, comme on peut l’être à cet âge, lorsque tout nous parait simple et facile. Quand tout est encore beau. A mon âge, je suis bien plus cynique et terre à terre. Ils sont en pleine lune de miel et ça ne durera pas, même si je souhaite que cette période dure très longtemps pour eux.
Jung Hoon me demande ce que je veux savoir d’autres mais je n’ai pas le temps de lui répondre qu’on nous apporte déjà le saké et l’eau pour Aki…
« Ah ! Parfait ! Trinquons d’abord. Aki, même si tu ne bois pas, rempli quand même ta coupelle pour trinquer et trempe au moins tes lèvres dans le saké pour la forme ! »
Après tout, elle n’est plus une petite fille et peut bien faire au moins ça.
« Bien, trinquons à votre belle histoire. Quelle dure le plus longtemps possible ! »
Nous trinquons et je porte ma coupelle à mes lèvres avant de reprendre :
« Bon et racontez-moi pourquoi vous avez mis si longtemps à vous déclarer ? Après tout, vous vous connaissez depuis longtemps et vous ne vous êtes pas levé un matin en vous disant que vous étiez amoureux ? »
Dès que la coupelle de Jung Hoon est vide, je le resserre, l’incitant à boire à nouveau. De toute façon en mangeant, l’alcool se dissipera vite.

Peu à peu, ma nervosité se dissipe pour laisser place à la joie. Je suis heureuse. Heureuse qu'Hoonie puisse rencontrer la personne en qui je considère comme mon paternel. Depuis mon déménagement en Corée du Sud avec ma mère, je n’ai jamais revu mon père. Kazuha, malgré ses voyages, a été bon et présent pour nous. Encore plus quand ma mère a succombé et je me retrouvais seule. Donc, le voir ici avec ma tante et mon amoureux, je ne peux pas rêver mieux. Je souris de plus belle, j’ai l’air d’une idiote, mais ça vaut vraiment la peine. Bon, j’ai quelque réticence à propos de mon oncle sachant son franc parlé, mais je n’ai pas peur. Hoonie saura comment gérer, n’est-ce pas ? Pourquoi pas moi ? Alors là, c’est impossible pour moi de répliquer quand Kazu se met sur mon cas. Enfin, on nous pose la question comment s'est passé le premier rendez-vous. Bon sang, c’était si magique. Si magique que jamais je ne l’oublierai. C’était si beau, mais maladroit également de ma part. J’ai tout gâché en lui demandant ce que c’était ce dîner, mais est-ce que je le regrette ? Non du tout. Puisque j’ai eu mon premier baiser, mon premier petit ami, le collier dont je porte sans arrêt et des mamours. Je ne me passerai jamais de ces moments. C’est trop réconfortant, c’est une drogue. J’aime être en couple, j’aime être amoureuse et jamais, au grand jamais je ne quitterai l’homme. Je sais que ça fait trop guimauve, mais je vis constamment sur mon petit nuage et ça n’a pas changé.

Oui, c’est très mignon comme premier rendez-vous et je ne l’oublierai jamais. Ceci dit, j’ai commandé de l’eau pour justement boire et éviter l’alcool. Je n’ai jamais bu ce dernier et je ne veux pas être bizarre. Je ne sais pas ce que je vais ressembler ivre ou réchauffée. Alors, je ne veux pas prendre de chance. Je préfère rester calme dans les boissons et de m’occuper de mon homme si jamais il ne va pas bien. Après tout, c’est mon plus grand bonheur de m’occuper de lui dès que je le peux. Je crois que le moment va arriver, car je sens que mon oncle va légèrement abuser sur le saké. On verra avec le temps, mais pour le moment, je suis bien contente de mon verre d’eau. Et cette joie devient une surprise quand on me demande de trinquer avec du saké. « Hein ? » Fis-je grandement surprise. « Mais… Tu sais que je ne bois pas… » Toutefois, je suis contrainte et je n’ai guère le choix d’accepter. Je remplie ma coupelle contre mon gré. Je ne veux pas ? Et puis ça a quel goût le saké ?

Ainsi, je soupire et je trinque comme les autres. Je lâche un regard inquiet à hoonie avant de prendre ma coupelle. « Pour toujours ! » Comme une histoire de princesse : ils se marient et eurent beaucoup d’enfants. J’aimerais que mon histoire devienne un conte de fées. Je voudrais et ça va l’être, je crois bien. Alors, je bois. Même si on me dit de tremper mes lèvres, je le bois cul sec avant de faire des grimaces. Ew. Ce n’est pas très bon. Je ne comprends pas pourquoi les gens adorent l’alcool. « Euh. Je sais qu’au début, j’étais grosse donc je comprends d’une certaine façon sa réticence… » Pensais-je tout haut. Grosse et laide. Hoonie est toujours aussi beau et parfait même au Lycée. Donc je comprends largement qu’il ne souhaitait pas sortir avec moi lorsque nous étions petits. En même temps, je suis curieuse. Je suis curieuse de savoir sa réponse. Pourquoi il n’a pas sorti avec moi s’il m’aime depuis si longtemps ? Je me le demande. Je le regarde pour avoir la réponse, mais notre nourriture arrive. « Bon appétit ! »

Les jeunes de nos jours sont si douillets et se fichent des traditions. Je ne lui ai pas demandé de boire mais de remplir sa coupelle et d’y tremper ses lèvres pour trinquer avec nous. Est-ce la mort ? Aki se comporte parfois comme une vraie princesse et on dirait bien que son petit-ami l’y encourage. Au passage je lui adresse un regard noir lorsqu’il me dit de ne pas la forcer à boire. Ai-je dit qu’elle aurait à boire le contenu de sa coupelle ? Non.
« Nous sommes japonais et le saké est sacré. »
Voilà qui devrait clore tout débat. D’ailleurs je suis content qu’il boive d’un trait son verre. On dirait bien qu’Aki s’est trouvé un brave garçon mais j’aimerais qu’elle ne la couve pas trop et qu’elle apprenne à s’endurcir pour ne pas être une éternelle victime.

Quand je leur demande pourquoi ils ont mis si longtemps à se mettre ensemble, je manque de m’étrangler avec mon saké, en entendant la réponse d’Aki.
« Pardon ? Parce qu’il te trouvait trop grosse ? »
J’adresse un regard déçu à son petit-ami. Alors comme ça quand elle était grosse, elle n’était pas à son goût et maintenant qu’elle est mince, elle correspond à ses standards ? Jong Hoon s’en défend et je trouve son discours mignon. Je ne sais pas s’il dit vrai mais il est suffisamment beau parleur pour s’avoir se rattraper.

Le repas arrive et je trouve ça mignon qu’il me demande de l’accepter. Je termine mon saké en souriant avant de lui répondre :
« Bien sûr. Si toi de ton côté tu es prêt à accepter qu’Aki redevienne grosse après que tu lui ais fait trois ou quatre enfants. »
Parce qu’ils en auront forcément, non ? Et connaissant ma nièce, elle aura du mal à se défaire de ses kilos de grossesses surtout si elle les enchaine, mais est-ce que c’est important ? Non, tant qu’ils sont heureux en ménage avec des enfants en bonnes santé, c’est le plus important. Le bonheur avant tout.
« Mais bon, pas d’enfant avant le mariage, d’accord ? C’est important en Corée qu’une femme soit mariée avant d’avoir des enfants. Je n’ai pas envie qu’Aki souffre du regard des autres parce que tu n’auras pas fait ce qu’il faut. »

Le Saké, c’est sacré, je sais, mais je n’aime pas l’alcool. Je regarde mon oncle d’un air désolé, mais en même temps voir Hoonie me défendre comme ça, ça me réchauffe le cœur. Sauf que je ne veux pas que les deux se détestent pour une raison stupide. Un qui nous adresse un regard noir quant à l’autre reste sur la défensive. Je soupire silencieusement avant de redresse un regard inquiet à ma tante. Elle ne semble pas prendre part au combat, c’est mieux dans un sens. Toutefois, je reste dans une situation délicate. Alors, je trinque avec eux, mais en prenante une petite gorgée afin de satisfaire la tradition et d’éviter une guerre. Je souhaite que mon amoureux puisse être accepté dans ma famille. Déjà, à la mort de ma mère, mon oncle a été très présent auprès de moi – ainsi que ma tante – je les considère comme mes deuxièmes parents. Si jamais ils n’acceptent pas mon amoureux, que ferai-je de ma vie ? Je refuse de quitter l’homme que j’aime ! Il m’aime enfin !

Je ne sais pas si j’ai mis Hoonie dans le pétrin en disant révélant ce que je croyais. Je me mords un peu les intérieurs de joues en regrettant ce que j’ai mentionné. Par le passé, j’étais très grosse et beaucoup de personnes se moquaient de mon poids. Alors je comprends la réticence de mon amoureux à l’époque. Enfin, c’était ce que je croyais jusqu’à temps qu’il me dit de belles paroles. « Oui, mais enfin, beaucoup de belles jeunes femmes te tournaient autour et... tu comprends ? » J’essaie de trouver des excuses, c’est toujours comme ça. Je sais très bien que je n’étais pas très jolie à l’époque. C’est même grâce à Kazu qui m’a aidé pour perdre du poids et être ce que je suis aujourd’hui. Enfin, je vais arrêter de m’enfoncer davantage. Je ne peux pas argumenter dans ce genre de situation. Autant manger tranquillement en laissant les hommes discuter et s’apprivoiser de plus belle. Je serai si heureuse si jamais ils s’entendent bien ! Je pourrais mourir heureuse.

C’est en prenant mon verre d’eau que je m’étouffe de plus belle. Je me mets à tousser et à tousser. Je cherche mon air. Je suis rouge écarlate pour deux raisons : mon étouffement, mais aussi de gêne extrême. Avoir des enfants ? Trois ou quatre ?! En tout cas, je ne m’attendais pas à ça de mon oncle. J’essaie de calmer ma toux avec un peu d’eau, mais il en rajoute de plus belle. « Kazu ! Tu as vraiment l’intention de me tuer ?! » Fis-je de peine et de misère. Je me gratte la gorge, j’ai encore les yeux larmoyants. Bon sang, j’ai quasiment vu la lumière au bout du tunnel. « Nous ne sommes pas prêts à parler d’enfant... Tatie ! Dis quelque chose ! » Un coup de coude ou un regard perçant comme elle le fait, quelque chose pour m’aider ! Bon sang, j’ai chaud tout à coup. « Hoonie, je suis désolée si tu es gêné. »

Je ris en voyant la réaction d’Aki. Elle est si mignonne quand elle prend cet air gêné. Bien sûr qu’il est tôt pour parler d’enfant mais c’est quand même un sujet important qu’ils devront évoquer ensemble tôt ou tard. C’est un peu un teste pour tous les couples. Ma femme et moi avons toujours été clair là-dessus, nous n’en voulons pas mais combien de couple ai-je vu se déchirer sur cette question ? Combien d’homme ont laissé leurs petites-amies enceintes avec juste leurs yeux pour pleurer ? Je suis photographe et j’en ai vu des choses derrières l’objectif de mon appareille. Je sais aussi comment sont traitées les mères célibataires dans ce pays.

Ce que je n’avais pas vu venir en revanche, c’est la réaction de Jung Hoon. Elle me laisse même sans voix, faisant cesser mes rires tout en faisant disparaitre mon sourire. La manière dont il balaie froidement le sujet laisse entendre qu’il n’acceptera aucune question sur leur relation. C’est inquiétant. Ça me rappelle le père d’Aki et le manque de vigilance dont j’ai fait preuve à son égard à l’époque. L’espace d’un instant l’inquiétude me gagne. Et s’il n’était pas un aussi gentil garçon comme Aki me le dit ? S’il était toxique ? Violent ? Profiteur ? Après tout, pour quelle autre raison voudrait-il garder secrète certains aspects de leur relation ?

Mille et une questions et inquiétudes traversent mon esprit alors que le silence s’abat sur notre table. Ma femme pose une main sur la mienne et me désigne un sushi en déclarant qu’il est très bon et que je devrais le goûter. Elle encourage Aki à le faire également sans oser adresser la parole à Jung Hoon. Après le vent glacial que je me suis pris, même elle n’ose plus vraiment lui adresser la parole, de peur d’être envoyée promenée. De mon côté, je goûte au sushi recommandé par mon épouse sans toucher au saké. Je crois que l’heure n’est plus vraiment à festoyer.