ootd || Hwiyoung avait repris contact avec sa grand-mère depuis environ deux ans, mais il était toujours aussi nerveux qu’au premier jour. La sainte mamie l’avait pourtant accueilli avec émotions, le couvrant d’affection. Les parents du jeune homme avaient pu mentir à tout le monde, aux États-Unis, mais les membres de la famille proche savaient qu’il avait fugué. Contrairement à ce qui avait été décidé pour lui, l’adolescent qu’il était alors n’avait pas été rejoindre cet oncle et cette tante qui auraient continué de le détruire, au nom de Dieu. Il avait préféré la précarité de la fugue, quitte à perdre sa peau dans les rues inconnues de Séoul. Cogner à la porte de sa grand-mère n’avait alors pas été une option envisagée, puisque trop atteint par le lavage de cerveau qu’on lui avait fait. À l’époque, il avait fini par les croire quand ils disaient qu’il était possédé par le démon et qu’il finirait sa vie en enfer. Honteux et brisé, il n’avait pas voulu attirer le malheur chez cette femme qui avait toujours été si bonne avec lui. La vie ne l’avait pas épargné, tentant de le faire douter de ses choix. La vie dans la rue était rude. La pitié dont il avait tant entendu parler, lorsque plus jeune, ne lui avait semblé être qu’un mythe. Au même titre que la bonté et la générosité. Hwiyoung avait rapidement compris qu’il n’aurait rien gratuitement. Tout avait un coût. Or, il avait fugué en débarquant d’un avion, arrivant fraîchement d’un autre pays. Qu’avait-il à offrir pour survivre ? Ce corps qu’il travaille encore à se réapproprier, aujourd’hui. Il n’en a jamais parlé à sa grand-mère, pour des raisons bien évidentes. Cependant, au fond, Hwiyoung se doute qu’elle ait compris. La vieille femme n’est pas stupide, elle sait comment ce monde cruel fonctionne. Elle a des yeux, elle remarque bien les réflexes parfois nerveux de son petit-fils. Des poussières de ces années dans ce pensionnat qui a tenté de le casser pour mieux le faire rentrer dans le moule dessiné par un Dieu que l’on prétend pourtant aimant ? Ou des restants d’une vie passée dans un monde sans sécurité ? Lorsqu’elle tente d’aborder les sujets douloureux, l’acteur se contente de baisser les yeux et de rester silencieux, avant de finalement parler d’autres choses.

Il ne veut pas qu’elle sache. Elle peut s’imaginer, autant qu’elle le souhaite même. Ses pires idées ne frôleront même pas la réalité qu’il a connu et c’est pourquoi il ne veut pas les lui partager. Hwiyoung ne lui a toutefois pas caché toujours être homosexuel. C’est en fondant en larmes, la honte le rongeant jusqu’à la moëlle, comme s’il n’avait fait absolument aucun progrès qu’il le lui avait admis. Le jeune homme avait craint qu’elle ne le rejette, elle aussi, qu’elle ne l’insulte, l’injure, le frappe et lui demande pourquoi il s’entêtait à amener le démon dans leur famille. Elle n’en avait rien fait. Elle l’avait plutôt pris dans ses bras fragiles et l’avait serré avec tendresse et amour. Peu importe pour qui le coeur de son petit-fils s’emballe, elle l’aimera toujours. Il restera toujours son petit Hwiyoung, son petit ange. Ses mots l’avaient directement touchés. Elle était la première - et à sa connaissance - la seule personne de toute sa famille à l’accepter et à ne pas le traiter de monstre. Contrairement à la croyance populaire que les personnes âgées sont plus fermées, elle, elle ne le jugeait pas. Même qu’elle le complimenta sur les nombreuses oeuvres d’arts tapissant sa peau, moyen parmi d’autres que le jeune homme a trouvé pour essayer de reprendre ses droits sur son corps. Il n’a donc pas l’habitude de les cacher, lorsqu’il vient la visiter. Même qu’elle lui demande toujours s’il en a fait des nouveaux, puisqu’elle aime bien les découvrir. Cependant, s’il avait su qu’ils iraient voir une de ses copines, peut-être qu’il les aurait caché. Il sait que les tatouages deviennent tranquillement plus acceptés. Ils ne sont plus nécessairement rattachés à des gangs criminels, autrement, il n’aurait que celui laissé par ce pensionnat infernal. Cela ne l’empêche toutefois pas d’être nerveux, lorsqu’on le présente à cette autre mamie et son petit-fils ?

De ce qu’il a compris, c’est une des plus proches amies de sa grand-mère. Raison de plus pour que le jeune homme ne se sente gêné et embarrassé. Il n’a clairement pas l’apparence typique du “bon petit-fils coréen” que les mamies pavanent avec fierté. Pourtant, la sienne le fait. Son amie ne semble pas le juger non plus. Les deux femmes ont sûrement déjà trop discuté du sujet de leurs petits-enfants, chose qui augmente son malaise. Hwiyoung se montre d’autant plus poli, semblant être prêt à se cacher pour se faire oublier. Souriant malgré tout, il tente de se montrer sociable et sympathique, souhaitant être à la hauteur de sa chère mamie. La discussion se fait légère. Les trucs de base : depuis combien de temps Hwiyoung est-il à Gwangju ? Quelques mois, peut-être un an ou ça fera bientôt un an, il n’en est pas certain. Qu’est-ce qui l’a amené ici ? Il a simplement suivi son meilleur ami, considérant qu’il lui doit beaucoup, puis, c’est plus proche de sa mamie que Séoul ne l’était. Sa grand-mère sourit à cette réponse et vient lui serrer la main avec tendresse. La conversation continue ainsi, quelques minutes, puis voilà que les deux vieilles femmes disent devoir aller voir quelque chose à la cuisine. Évidemment, l’acteur demande si elles ont besoin d’aide, mais on lui dit qu’il n’en est rien. Le voilà donc assis là, une table et deux tasses de thé entre lui et un inconnu. Le silence s’installe. Le malaise ne tarde pas à suivre. Hwiyoung fixe sa tasse, lance quelques petits regards vers la porte que les mamies ont franchi. Pourquoi ne reviennent-elles pas ?

-« Je crois qu’elles nous ont abandonné. C’est quoi déjà ton nom ? Moi tu peux m’appeler Jun. »

Non ! Quand-même pas ?! Elles ne les ont pas abandonné !? Qu’est-ce que mamie Jeong voulait bien organiser en faisant ça ?! Il lui a parlé de sa rupture récente, mais… quand-même pas ?! L’acteur tente de se rassurer en se disant que sa grand-mère lui répétait d’être plus sociable et d’aller plus vers les autres pour se faire des ami.e.s. C’est sûrement pour ça et non pour jouer les entremetteuses qu’elles ont orchestré cette situation.

-« Ah… » fit-il d’abord, ne pouvant cacher sa gêne.

Il ravale sa salive et, après avoir regardé une dernière fois la porte avec espoir, ramène son attention sur son compagnon d’infortune.

-« Jeong… Hwiyoung… ou Miles… Peu importe, je suis habitué aux deux. » répondit-il, se disant que les deux étaient aussi lourds de bons que de mauvais souvenirs.

Il les gardait toutefois, parce que sa grand-mère avait choisi le premier et qu’elle affirmait chérir le second. Puis, c’était ainsi qu’elle l’avait toujours connu. Elle en acceptait déjà tant, il pouvait bien accepter ça pour elle, en échange.

-« Enchanté Jun. Je… eh… suis désolé. C’est la première fois que ma grand-mère me fait ça. » admit-il, tentant d’expliquer son malaise. « La tienne te fait souvent le coup ? » demanda-t-il, curieux, parce que l’autre garçon ne semblait pas plus surpris que ça.

MADE BY @ICE AND FIRE.