Les mots manquent à cette bavarde invétérée. Son calme olympien dénote avec son quotidien. Les plus vicieux se demanderont quand elle finira par craquer. Pas en public, répondrait la bienséance mais c’est surtout le déni qui interdit ses larmes de céder à cette tentation, qui la soulagerait quelque part. Son père est anéanti et elle donne tout pour l’épauler dans cette épreuve. Ce pauvre homme a perdu la femme de sa vie quand maintenant, Nahee ne pourra plus profiter de l’amour d’une mère. Alors, elle tente de symboliser par un simple geste l’éternité de ce même amour. Quelque part, elle sera toujours présente à ses côtés ? Par la pensée ou sûrement plus par l’imagination. Finalement, la comédienne ratée prend son courage à deux mains quand ses lèvres viennent rencontrer la froideur d’une personne dont la chaleur rayonnait sans cesse, avant. Quant à maintenant ? Nahee se sent comme une coquille complètement vide quand la mise en bière renferme la dernière image du corps de la défunte. Son âme ne lui laisse aucun répit. Son calme extérieur est une façade où, à l'intérieur, les pensées se bousculent pour la torturer toujours un peu plus. La journée est pénible, l’est peut-être moins grâce au soutien de ses proches jusqu’au moment où la réalité la frappe. Les pleurs vont bon train quand le cercueil descend peu à peu dans un caveau. Être six pieds sous terre.

Quelques jours sont passés depuis, mais l’image reste ancrée en elle. Elle tourne en boucle quand ses yeux se ferment pour essayer de trouver le sommeil. La plupart du temps, il ne vient pas, préférant veiller sur son père. Au point de se négliger… Quelque exemple à ne pas suivre, mais personne ne lui dit rien jusqu’au moment où sa tante a décidé de prendre le relai. Un rentre chez toi, ordonné avec sa voix stricte, finit par la faire capituler. C’est sans compter cette appréhension qui sévit. Retourner à sa vie, retourner dans cette foutue ville qui n’aura jamais la même saveur sans sa mère. La belle n’en a pas très envie mais ses proches n’ont pas tort. La vie continue, c’est ce qu’on dit mais ce n’est pas pour autant qu’elle veuille accepter cette solitude. Ainsi, Nahee se saisit de son téléphone et avertit Daesu de son sort regrettable : un appartement trop vide. Elle a beau se montrer courageuse, elle a aussi conscience qu’elle ne peut pas se battre seule contre toutes ces noirceurs. Et pour être tout à fait honnête, elle ne voit pas qui d’autre contacter. Oh, tous les deux ont ce lien spécial, ce petit quelque chose qu’elle chérit plus qu’elle ne s’imagine, ce petit quelque chose qu’on appelle la confiance mêlée à de l’intimité. Sa main caresse le haut de sa poitrine avec nervosité quand il finit par débarquer chez elle. “ Ah, c’est toujours les plus beaux qui se font attendre. T’étais encore dans un coup foireux ? “ Plaisante-t-elle malgré ses traits fatigués.

Dans la supérette, son panier se remplit au fur et à mesure qu’il pense aux menus.
Rien de prémédité. Juste quelques trucs qui lui font penser Nahee aime bien ça ou je suis sûr que ce plat lui ferait plaisir.
Quelques bêtises à grignoter, à boire et puis finalement il fait un arrêt pour s’acheter des clopes.
Nahee, il l’a laissé en famille.
Pourtant, il est venu sur ses trois jours de deuil. Histoire de lui dire qu’il était dans le coin, si jamais…
Il sait ce que ça fait. Même s’il n’en parle jamais. Perdre un proche, il sait comment ça peut vous bouffer de l’intérieur. Pas doucement. ça vous dévore. ça la laisse trop rapidement cette sensation de vide dont vous ne pouvez plus vous débarrasser.
Lui il a cherché à se concentrer plus fort ailleurs depuis.
Il se demande comment c’est pour Nahee.

Son sms il y répond tout de suite.
Il le lit même tout de suite, le nez déjà dans la conversation à chercher des bons mots qu’il n’enverra finalement pas.
« Je sors, m’attends pas ce soir» c’est le seul truc qu’il dit avant de passer la porte et de monter sur son vélo, sac à dos sur le dos.
Ce dernier plus chargé après les courses, il ne met pas longtemps à se retrouver en bas de chez la demoiselle. Pas plus qu’il n’en met à frapper à sa porte.

« Je plaide coupable. J’aime bien me faire désirer. » doucement, il la piège dans ses bras pour la serrer contre lui.
Il est supposé dire un truc mais il sait que juste une étreinte peut la faire pleurer. ça lui ferait du bien. Ou elle le détesterait de la faire craquer si vite. Alors il se retient et ne la libère qu’après avoir ajouté « En vrai ça va tuer le fantasme mais j’ai fait des courses. J’viens en mode ménagère pour te faire de bons petits plats. Ne me renie pas steuplé. » et puis il étudie un peu ses traits. En vrai, il n’a que besoin de les survoler pour voir que c’est pas la grande forme « C’est quand la dernière fois que t’as dormi toi ? » il y a sans doute trop longtemps. Les mains sur ses joues laissent doucement ses pouces souligner les cernes évidentes « Tu sais quoi ? Tu pourrais taper une sieste pendant que j’suis aux fourneaux. Un artiste comme moi a besoin de calme pour se concentrer. »

Comment combler le vide ?
Son appartement ne semble plus être le sien. Une aura dont elle ne saurait définir flotte auprès d’elle. Elle la glace sans imaginer que la fatigue contribue à cet état. Il est difficile de décrire un deuil, le manque de cette personne qu’on chérissait tant. Car dans une vie, il n’y a qu’une seule mère et elle ne saurait être remplacée. Ainsi, Nahee tente de se bercer en vain par une série de musiques : les premiers albums de Tvxq. Étrange de les écouter soudainement, mais les harmonies réchauffent son coeur, également à travers un souvenir. Elle se souvient encore d’avoir regardé les clips en compagnie de sa mère, beaucoup plus jeune. Une petite nostalgie l’envahit et la pousse à réclamer la présence de Daesu.

Elle quitte finalement le salon pour le rejoindre à l’entrée. Elle le reçoit avec une plaisanterie, ravie de le voir dans le coin. Sa compagnie lui est agréable. Les deux se connaissent bien et elle n’a pas peur de montrer ses sentiments. En dehors d’une relation de confiance évidente, les deux ont eu le plaisir de suivre quelques cours de théâtre ensemble. Dans ces derniers, ils devaient forcément se livrer, mettre leur cœur à nu pour se mettre dans le corps de leur personnage. Alors, quelque part, joué ou non, Daesu l’a certainement vu dans tous ses états. La pudeur n’est plus, même si elle fait attention à ne pas se montrer trop fragile. Elle ne voudrait pas s'effondrer encore une fois et ruiner le mood de leur petite soirée à venir. “ Et ça marche à chaque fois. “ Nahee se laisse guider quand le garçon l’attire contre elle pour lui offrir une étreinte. Sa main agrippe son dos et ses yeux se referment. Elle est bousculée par ses pensées, résiste à l’appel des larmes qui veulent faire une course de kart sur ses joues. Oh charmante comparaison pour essayer de se changer les idées. Pour autant, son câlin est une source de réconfort indéniable. L’instant est fragile et elle ravale sa salive quand le jeune homme s’éloigne légèrement d’elle. Souvent, c’est ce moment-là que les gens utilisent pour dire quelques mots dérisoires. Mais par chance, son ami continue sur le même ton. “ Hm, tu as encore une chance pour éviter d’être renié… Tu as prévu la tenue de soubrette avec ? “ Elle pince ses lèvres d’un petit sourire. “ Pas ces dernières 24 heures en tout cas. “ Sa main se pose sur ses doigts, l’invitant à cesser son geste. “ Tu rigoles, j’espère ? Je ne t’ai pas dit de venir ici pour que tu cuisines. “ Elle rumine, refusant qu’il fasse les tâches ingrates. “ En plus, si je m’endors, je ne vais pas me contenter d’une petite sieste… “ Elle marque un temps avant d’ajouter : “ Si tu ne veux pas que je te participe, laisse-moi voir l’artiste à l'œuvre. Tu veux bien ? “ Il ne peut pas lui dire non, aujourd'hui, si ? Nahee s'éloigne de lui pour prendre la direction de la cuisine. " Désolé, j'avais oublié que c'était un peu le bordel ici. " Elle s'efforce de ranger les affaires qui traînent ou à défaut mettre les ustensiles sales dans l'évier. Il faut bien commencer quelque part.