Ce matin n’est aucunement différent des autres de la semaine, ou du mois. Yire est un homme d’habitude – même les pavés sous ses pieds commencent à réciter par cœur sa route matinale et le rythme de ses pas. Non, ce matin n’est aucunement différent des autres – jusqu’à ce qu’il le soit. Le thérapeute sent la tension dans l’air avant que l’orage ne gronde dans le ciel ; malgré tout, il est pris par surprise quand la première goutte lui tombe sur le museau. Ah, il n’a pris de parapluie ce matin. La météo s’annonçait belle jusqu’alors mais les nuages en ont rapidement décidé autrement. Et quand la lumière vive s’invite entre les nuages, le jeune homme se laisse déjà trempé les yeux rivés sur la danse des éclairs. Poétique. Le bleu du ciel à présent noyé dans le gris nuageux. Les éclats de lumière qui dessinent leur chemin dans la pénombre, criant de plus en plus fort. Plutôt qu’une grimace, c’est un sourire qui se dessine sur ses lèvres. Puis le garçon ferme les yeux un instant puis de longues minutes, se délectant de la pluie sur son visage. La naissance du pétrichor et le son de la liberté. Yire profite de cet instant pour joindre le grondement mécontent des éclairs – hurler à s’en arracher les poumons. Lui qui est si discret et silencieux en tout normal. Ce bal des éléments l’invite à évacuer ce que ces derniers mois ont bouleversé en lui. L’expression d’un esprit dérangé, abîmé. C’est une thérapie comme une autre, une souvent conseillée. Un avec lequel, lui art-thérapeute, ne travaille pas – préférant les arts calmes et sans bruit. Pour autant, il ne peut que confirmer à cet instant le sentiment de libération qui l’envahit au fur et à mesure qu’il crie. Il reste ainsi encore et encore, la pluie battant contre sa peau avec froideur. Il l’ignore et profite de ce moment face à la nature qui s’affole. Quand ses pupilles s’ouvrent enfin, l’orage est plus proche que jamais – éclatant quelques millisecondes seulement après son méchant grondement. Un fin sourire satisfait sur le visage, Yire décide enfin à s’abriter – bien que l’humidité est depuis longtemps infiltrée ses vêtements. C’est alors sous un préau du parc, qui a des allures de kiosques japonais, que le garçon de se réfugier. Même à l’abri de la pluie, ses yeux ne quittent pas le ciel. Jusqu’à ce qu’il s’aperçoive finalement qu’il n’est pas seul à avoir choisi de s’abriter ici. « Pardon du dérangement. » dit-il en s’inclinant poliment devant la silhouette qu’il n’ose regarder dans les yeux. Puis il réalise que le kiosque donne pleine vue sur l’endroit où il se tenait il y a quelques instants. Ses oreilles se colorent peu à peu en comprenant que cette personne a sûrement été témoin de son chant avec l’orage.