L’hôpital était agité, mais pour Hyeon Min, le temps semblait suspendu. Son coeur battait avec angoisse alors qu’il attendait dans le couloir stérile, assis sur ce banc. L’image de son cousin, Jae In, inconscient et grièvement blessé, hantait ses pensées. Le pompier revoyait encore le moment où il l’avait vu sur la civière, après qu’il ait été extrait des décombres. Son esprit s’était figé à cet instant, comme si le monde entier avait soudainement arrêté de tourner. Cette sensation de déjà-vu, de tragédie imminente, lui rappelait douloureusement la perte de ses parents lorsqu’il était jeune. Malgré la sortie du médecin du bloc, l’état de Jae In restait sous surveillance, plongé dans un sommeil profond. Le plus vieux aurait tout donné pour le voir enfin se réveiller, mettant ainsi fin à ce cauchemar qui le tourmentait.

Après être resté à son chevet de Jae In pendant une heure, il avait été contraint de quitter la chambre. Les infirmières devaient faire leur travail, et bien qu’il aurait préféré rester, il avait dû s’éloigner, le cœur lourd de soucis et d’espoir mêlés. Cependant, il n’avait pas pu trop s’éloigner. Se contentant de s’asseoir sur ce banc, à proximité de la chambre, attendant, même si on lui avait conseillé d’aller grignoter ou boire quelque chose de chaud. Des choses qu’il n’avait pas faites depuis son arrivée à l’hôpital. Son esprit était fixé sur son cousin, son souci s’exprimant dans chaque ligne de son visage tendu. Comment allait-il faire face à la situation si quelque chose de malheureux arrivait à Jae In ? Serait-il capable de maintenir cette mentalité toujours positive et joviale ?

Un soupir franchit la barrière de ses lèvres, tandis que des pensées sombres obscurcissaient son espoir pour la première fois. Se penchant en avant, il enfouit son visage dans ses mains, ses coudes pensant sur ses genoux, luttant pour ne pas s’effondrer. Non, il ne devait pas s’effondrer. Pour Jae In, il devait rester fort, même si la peur et l’incertitude le rongeaient en cet instant même/ Des pas résonnèrent, devenant de plus en plus audibles à mesure qu’ils approchaient, jusqu’à s’arrêter juste devant lui. Un moment s’écoula avant qu’il ne réalise la présence de cette personne. Un simple souffle, une inspiration, et il releva lentement les yeux pour rencontrer le regard de la jeune femme dont le nom s’échappa de ses lèvres. « Yeo Reum… » Sa présence semblait lui apporter un réconfort bienvenu, comme une lueur d’espoir dans l’obscurité qui l’entourait.

La journée avait été particulièrement difficile. Autant psychologiquement que physiquement. Parce qu’en ce jour, ils avaient dû faire face à un écroulement, un accident qui n’arrivait pas souvent mais qui marquait toujours les esprits. Le nombre de morts et de blessés était toujours conséquent, et personne ne souhaitait voir un tel drame arrivait. Elle avait beau être pompière, être habituée aux tragédies, en réalité, on n’était jamais habitué à ce genre de chose. Hors, c’était son devoir de ne pas se laisser impacter, de rester forte pour sauver le maximum de gens possibles et effectuer correctement son travail. Pourtant, elle aussi avait des émotions, elle aussi avait été troublée en voyant son collègue se décomposait, le teint de sa figure palissant sous la découverte d’un proche sorti des débris, mais elle n’avait rien montré. Hyeon Min n’avait pas besoin de ça ; dans une telle situation, il avait besoin de savoir qu’il pouvait compter sur eux, et c’était le pourquoi elle n’avait pas hésité à lui dire de partir. Dans son état, il n’aurait pas pu travailler sereinement puis, si les rôles avaient été inversé, le jeune homme aurait fait pareil. Toutefois, Yeo Reum n’avait eu de cesse de songer à son expression, la peur, l’angoisse qui se lisait sur ses traits, et priait à ce que le blessé puisse s’en sortir indemne. Il n’y avait rien de plus horrible que la perte d’un proche et elle espérait sincèrement que tout se passerait bien. Comme elle lui avait promis, elle se démena davantage pour sauver le plus de personnes, laissant les médecins sur place soigner les blessés, et apportant son aide lorsqu’ils en avaient besoin. Le temps passé sur le lieu de la catastrophe, elle n’avait pas cherché à le compter. Elle n’avait même pas regardé l’heure non plus quand, au lieu de retourner à la caserne avec ses camarades, elle s’était rendue à l’hôpital.

Parcourant les différents couloirs, elle chercha du regard son collègue qu’elle trouva après de longues minutes. Une moue désolée et compatissant naquit sur son visage, détestant voir son collègue dans une telle condition. Lui qui était habituellement si souriant et plein de joie de vivre semblait avoir perdu toute étincelle. Elle aurait pu le laisser seul, se contenter d’envoyer un message pour savoir comment son cousin se porter et lui demander s’il avait besoin d’elle, mais elle avait préféré agir par elle-même. Hyeon Min n’aurait certainement pas trouvé le courage d’attraper son téléphone pour lui répondre et, même s’il l’avait fait, il n’aurait sûrement pas voulu l’embêter. Puis en toute honnêteté, Yeoreum elle-même n’avait pas réfléchi. Tout ce à quoi elle avait songé était qu’elle voulait être là pour lui, parce qu’on ne devait jamais être seul dans de tels moments. Ses pas s’avancèrent alors jusqu’à sa hauteur, lui souriant faiblement lorsque le regard du pompier croisa enfin le sien. Elle n’attendit pas une seconde plus pour s’installer à ses côtés, se rapprocher puis l’enlacer de ses bras, ses doigts lui caressant suavement le dos. « Ca va aller. » Le rassura-t-elle d’une voix douce « Tout va bien se passer. » Evidemment, elle n’était pas médecin, elle ne savait pas ce que son cousin avait et si c’était grave, hors elle espérait que tout irait bien ; elle prierait même pour lui s’il le fallait.

Son sourire si caractéristique avait disparu, laissant place à une ombre d’inquiétude profonde sur son visage. Hyeon Min se sentait pris dans un tourbillon de peur alors que son cousin était toujours inconscient. Son esprit habituellement positif s’était éclipsée par cette anxiété oppressante qui lui comprimait la cage thoracique, attendant de pouvoir retourner auprès de son cousin Jae In et d’en savoir plus sur son état préoccupant. Le visage enfoui entre ses mains, le pompier se sentait incapable de trouver la clarté d’esprit qu’il avait tant besoin. Seul sur son banc, il se sentait perdu, il ne savait pas ce qu’il devait faire pour aider son cousin. Une prière ? Mais est-ce que  prier allait-il réellement l’aider à éviter le pire d’arriver ?

Des pas se rapprochèrent de lui, il mit un peu de temps avant de lever ses yeux sur la silhouette féminine se dressant devant lui. Yeo Reum était là, sa présence semblait soudainement dissiper l’obscurité l’entourant. Un prénom soufflé et rapidement les bras de sa collègue l’entourèrent avec une chaleur apaisante où il se laissa aller. « Que vais-je faire Yeo Reum, si je le perds lui aussi…? »  Alors qu’il posait son front sur l’épaule de la jeune femme, sa voix se serrait en réalisant la possibilité que tout pouvait arriver tant que l’état de son cousin n’était pas stable. Il entoura doucement la silhouette de la demoiselle de ses bras, comme s’accrochant à une bouée de sauvetage dans cette mer effrayante où son esprit naviguait. « Je ne veux pas le perdre. »  En prononçant ces mots, ses doigts se resserrèrent sur le leur prise, les larmes menaçant de couler, mais il s’efforçait de rester fort, luttant contre ses propres pensées sombres qui menaçaient de l’engloutir. « J’ai peur. » Terriblement, comme la fois où il avait perdu ses parents dans cet accident tragique. Les souvenirs douloureux de cette perte faisaient ressurgir des émotions qu’il avait espéré ne jamais revivre.