(( ootd )) Tu aurais dû refuser. Souffler que tu avais autre chose à faire. Pourtant, tu ne pouvais pas cracher sur quelques wons supplémentaires.

Les couloirs sont silencieux (comme si vos deux mondes ne pouvaient se croiser). Est-ce que tu te presses en passant l’aspirateur ? Sans doute un peu. Sans doute que tu ne peux empêcher les souvenirs de résonner en écho. (Pourtant, ce n’était même pas dans ces locaux que vous aviez étudié au cours de vos jeunes années.)
Au fond, tu t’étais demandé si ça avait été une bonne idée de venir ici.
La batterie de ton vélo t’avait lâchée avant la fin de ta journée.
Tu t’étais pris suffisamment d’averses pour que tes fringues en soient trempées.
Tu t’étais retrouvé à démonter puis remonter l’aspirateur lorsque celui-ci avait tenté de rendre l’âme ?
Peut-être que tu aurais mieux fait de tout envoyer valser. Peut-être que tu aurais mieux fait de rentrer chez toi.
Un soupir s’échappe d’entre tes lèvres. Tu pouvais rester calme, non ? T’apaiser un peu. Deux secondes.

La pile de dossiers que heurte ton coude s’effondre sans crier gare. « PUTAIN ! » Les feuilles s’éparpillent au large, se mélangent. « Ils peuvent pas ranger leurs saloperies de dossiers .. » grognes-tu. Sans doute que tes prunelles ne devaient pas s’égarer sur plus de la moitié de ce qui traînait. (C’était bien là une chose qui n’avait pas changé.)
« Allez … » Une main se glisse dans tes cheveux, avant que tu ne finisses par t’agenouiller pour aller récupérer les papiers qui avaient glissé jusque sous un bureau.

Est-ce que tu te relèves trop vite ?
Est-ce que tu oublies de faire quelques mouvements en arrière ?
Alors que tu te relèves, le sommet de ton crâne vient violemment heurter le plateau du bureau. Une floppée d’injures s’échappe d’entre tes lèvres. (Sans doute que tu y passes l’encyclopédie entière des noms d’oiseaux.)
Et avant même que tu ne puisses la réprimer, l’envie est là, au bout de tes doigts. Elle te démange, se fait irrépressible : celle de foutre ce monde sens dessus-dessous. Voilà déjà que tes bras se préparent déjà à renverser l’intégralité de ce qui se trouve sur ce putain de meuble. (Quitte à faire le ménage, autant y aller.)

Pourtant, il y a ce regard. Cette pression encore invisible, ce quelque chose qui fait que tu suspends ton geste de justesse.
Pour la première fois depuis des siècles, il y a ces prunelles qui croisent les tiennes. Une âme que tu tentais désespérément d’oublier. Un visage que brandissent fièrement les démons qui ne cessent de t’user. Le fantôme du passé.

(( ootd )) Encore une soirée a corrigé des copies. Parfois tu devais avouer que le terrain te manquais. Courir après les méchants et les arrêter. Etre debout tout cours te manquais à vrai dire. Mais est-ce que tu pouvais vraiment te plaindre ?? Tu étais encore en vie et tes supérieurs avaient acceptés de te garder dans les forces de police à l'académie. Clairement il y avait pire comme bilan de vie. Cependant, tu savais que lorsque tu commençais à penser comme ça tu finissais par dériver sur des sujets plus sombres et se n'était pas le moment. Tu laissais donc échapper un soupire avant de ranger un peu tes piles de feuilles et de te diriger vers la machine à café au bout du couloir. Tes collègues en avaient demandé une à l'étage pour que tu n'es pas à prendre l'ascenseur à chaque fois. (Tu soupçonne d'avoir été une excuse pour qu'EUX ne descendent pas à chaque fois.)

Une fois au bout du couloir tu entendis un bruit d'aspirateur qui provenait de la salle des profs. Il devait être assez tard pour que l'homme chargé de l'entretien soit déjà là. Tu attendis ton chocolat chaud avant de faire demi-tour jusqu'à la pièce en question. Malgré le bruit de l'aspirateur tu entends un énorme juron, suivis de l'arrêt de la machine et d'une réflexion pas super sympa, mais sans doute vrai.(A cette instant tu pris pour que la pile en question ne soit pas la tienne.) Tu arrive dans la salle près à t'excuser mais le fait de voir la personne que tu pensais le moins croiser ici te coupe toute idée de phrase. Sehyeon. Là, en train de faire le ménage apparemment. Toujours fidèle à lui même. Un peu plus sanguin peut-être à en jugé la façon dont il insulte ce bureau. Tu sens à sa manière de se tenir qu'il veut tout envoyer valser. Un peu comme vous. Un peu comme toi. Tu ne sais pas si c'est ton regard sur lui qui le retiens, mais il finit par lever la tête dans ta direction et vos regards se croisent. Et le temps s'arrête. Lui comme s'il venait de faire face à son pire cauchemar et toi comme si tu retrouvé la partie qui te manquais.

Tu t'avance lentement ne quittant pas ses yeux, comme s'il pouvait encore disparaître si tu le faisais. "C'est quoi cette tête ?? On dirait que t'as vu un fantôme. Je suis encore en vie tu sais ??" Tu lui souris malgré la petite pique que tu viens de lui envoyer. Tu porte ton chocolat à tes lèvres pour en boire un peu, pour te laisser le temps de réfléchir, pour lui laisser le temps de réfléchir.

(( ootd )) Est-ce que le destin se jouait de toi ? Est-ce que tu avais fait quelque chose de particulier pour mériter ça ?
Le temps semble s’être arrêté.
Le corps interdit, tu restes là, à deux doigts de brusquement débarrasser le bureau contre lequel tu t’étais cogné. Yujin. Yujin qui s’avance, doucement. Fantôme qui s’aventure un peu plus profondément dans tes songes.
Tu restes immobile, l’âme toujours à moitié folle. Tu restes comme accroché à ce meuble, incapable d’articuler quoi que ce soit.

C’est quoi cette tête ? Tu ne sembles même pas réussir à sourire à la pique qu’il te lance. C’est ta tête des grands jours. Celle où tu es à deux doigts de t’autodétruire. Celle où tu pourrais foutre ta vie en l’air, celle où tu es capable de perdre les pédales.
Parce qu’il y a ce fantôme qui te trotte dans la tête.
Parce qu’il y a la culpabilité qui te bouffe tout entier.
Ces démons qui te rendent fous, qui reviennent constamment te chercher, alors que tu pensais, une fois de plus, avoir réussi à les surmonter.

(Est-ce que ça allait seulement cesser ?)
Est-ce que Yujin était le boss final d’un donjon dont tu ne semblais réussir à te tirer ?

L’inspiration que tu prends est hachée.
Tes mains posées sur le bureau tremblent.
« T’es là. » t’entends-tu constater.
Est-ce que tu dois sourire ? Est-ce que tu dois hurler de joie ? Le serrer dans tes bras ? Est-ce que tu dois hurler, crier, te mettre à pleurer, t’effondrer ? Tu ne sais pas. Tu ne sais plus comment faire, guère habitué à sociabiliser. « J’savais pas. » murmures-tu. Tu ne savais pas quoi ? « Que … » Qu’il était là ? « Comment … » Comment gérer tout ça ? Un soupir s’échappe d’entre tes lèvres, alors que tu baisses piteusement la tête. Comment est-ce qu’il faisait ? Comment est-ce qu’il tenait ? Comment est-ce qu’il pouvait tranquillement boire son chocolat chaud, te sourire comme si de rien n’était ? « Comment t’as fait ? » demandes-tu, finalement. « Pour rester toi ? Après tout ça ? » Pour rester si serein alors que tu te noyais chaque jour un peu plus, maudissant encore et encore ce que certains appelaient le destin.

(( ootd )) Pendant un bref instant tu te demande si la personne en face de toi ne va pas faire une crise cardiaque. A croire que tu lui fais horriblement peur. Pourtant tu n'as rien dit, rien fait. Tu penche la tête sur le côté en regardant le jeune homme. T'as envie de t'avancer vers lui pour lui dire que ça va bien se passer, qu'il peut respirer avant de faire une crise de panique mais t'es pas sûr que ça va l'aider. Alors t'attends, lui lançant un petit sourire encourageant pour essayer de le calmer. Tu vois qu'il essaie de mettre ses pensées en ordres, choses que tu as toujours trouvée mignonne chez lui, mais là n'est pas le sujet. Il finit par te poser la question qu'il doit te demander à chaque fois. Pas toujours la même, mais qui a le même sens.

Tu soupir avant de t'avancer vers ton bureau pour poser ton verre dessus. Tes mains se posent sur tes genoux que tu fixe pendant que tu rassemble tes idées. "J'avais pas le choix. J'avais déjà perdu mes jambes, je voulais pas perdre se qui faisait que j'étais moi." Tu te retiens de lui dire que tu t'étais perdu en chemin à un moment donné. Quand il était parti, quand tu t'étais retrouvé seul. Ouais à ce moment là tu t'étais perdu et t'avais faillis abandonner. Mais il n'avait pas besoin de savoir. Il se sentait déjà coupable de ton état, quelle genre de personne tu serais si tu lui disais que t'avais essayé de mettre fin à tes jours parce qu'il n'était plus là ?? Une personne horrible. Un jour peut-être tu lui dirais, mais pas maintenant. Tu relève les yeux dans sa direction pour croiser son regard. "Je..je t'en ai jamais voulu, tu le sais n'est-ce pas ??" Tu lui avais déjà dis auparavant, mais tu n'avais jamais su s'il avait vraiment compris.

(( ootd )) Tu vas flancher, pas vrai ? Comment est-ce que tu étais supposé tenir ? Comment est-ce que tu étais supposé survivre à tout ça ?
Le brun te sourit, comme si la situation était parfaitement normale. Lui, qui roule jusqu’à un bureau - le sien ? - et toi, avec ton aspirateur pas loin, à deux doigts d’imploser.
Comment il fait, lui ? Comment il fait, pour continuer sans être à deux doigts de flancher ? Il ne voulait pas perdre ce qui faisait qu’il était lui. Pas après avoir perdu l’usage de ses jambes. Pas après l’accident qui vous avait mené là.
Tu ne peux empêcher tes mains de trembler, alors que te reviennent en tête les images dont tu ne parviens à te débarrasser. (Est-ce pour ça que tu te cramponnes au bureau, plus que jamais ?)


Tu avais ravagé vos vies, et pourtant, il continuait de voir le positif.


« Je..je t'en ai jamais voulu, tu le sais n'est-ce pas ?? » Tu vas vriller. Tu vas partir en live, tu le sais. « Tu peux pas. » articules-tu, d’une voix blanche. « Tu peux pas ne m’en avoir jamais voulu. » Il fallait être fou, non ? « Tu serais bien … le seul, sinon. » Peut-être que c’était pour ça que vous vous étiez accordés, dès le départ. Peut-être que c’était pour ça que vous vous étiez toujours entendu : parce que, contre les autres, vous aviez eu le mérite d’être ensemble. Alors, s’il t’avait tourné le dos tout comme les autres, qu’est-ce que tu serais devenu ?
Tu baisses le regard, incapable de déposer tes prunelles sur le garçon. « J’m’en veux. » lâches-tu. « Chaque putain de journée. Chaque putain d’heure, chaque putain de minute. » Lorsque tu parvenais à ne plus y songer, tu finissais par remarquer que tu avais, justement, cessé d’y penser. (Spirale infernale, dont tu semblais parfois émerger, avant de plus profondément replonger.) Est-ce que tu perdais seulement pied, ou est-ce que tu n’avais jamais cessé de te noyer ? « Ça m’laisse pas. Jamais. » Ça te hantait - jusque dans tes nuits bien trop souvent écourtées. Combien de fois est-ce que tu t’étais réveillé en hurlant, en sueur, incapable de te calmer ? « L’accident et … l’après. » articules-tu, alors que tu lâches finalement le bureau. Tu viens plier les genoux, t’y adosser, alors que tu t’installes au sol. (Incapable de tenir debout plus longtemps.) Tes bras s’enroulent autour de tes jambes recroquevillées, et voilà que tu enfonces ton visage entre tes genoux. Incapable, face aux souvenirs qui remontaient, de tenir le coup.

(( ootd )) Tu dois avouer que pendant un bref instant tandis que tu t'approche de ton bureau et du jeune homme qui s'y accroche comme à une bouée de sauvetage tu te demande s'il ne va pas utiliser son tuyau d'aspirateur pour t'assommer. Fort heureusement il se contente de le serrer un peu plus entre ses doigts comme un bouclier de protection.

tu roule jusqu'à lui tandis qu'il glisse le long du bureau comme un enfant. Tu le laisse vider son sac. Tes doigts viennent trouver ses cheveux comme lorsque vous étiez plus jeunes et qu'il avait eu une mauvaise journée chez lui. Tu les laisses faire des ronds dans son cuire chevelu, attends qu'il se calme un peu. Sans rien dire. Tu te perd un peu dans tes pensées. Un mélange de vous à quinze ans, de votre premier jour au service militaire, de votre choix un peu fou de continuer à être policier, de ce fameux jour où vous avez eu un accident, du moment où tu t'es réveillé de ton coma et où Sehyeon n'arrêtait pas de s'excuser, du jour où il était parti. Tout ça te reviens tout à coup, comme si le fait de revoir le jeune homme avais ouvert une porte secrète à l'intérieur de toi où était conservé tout vos souvenirs. "Je t'en ai voulu. Mais pas pour l'accident. C'était pas ta faute, tu pouvais rien y faire. Je t'en ai voulu parce que t'es parti. J'avais besoin de toi et tu m'as abandonné." Ouais pour ça tu lui en avais énormément voulu. Tes doigts arrêtent de bouger sans pour autant s'éloigner tandis que tu essais de le rassurer. "Mais c'est du passé. Je comprend pourquoi t'as eu besoin de partir. J'aurais sans doute fais pareil à ta place." Qui voudrait rester avec un mec en fauteuil ? C'était ce que tu te disais parfois, quand le moral était au plus bas. Bien sûr personne ne le savais même pas ta sœur. Tu le gardais pour toi. C'était en quelque sorte un secret.