C’était censé ne durer qu’un court instant. Un quart d’heure à une demie heure grand max. Juste le temps de se pencher sur un corps, regarder sa tronche cadavérique. D’émettre un pauvre « Hm. » avec un suspens qui déchaîne les foules. Le temps qui se fige en même temps que les respirations, la perle de sueur qui coule au ralenti sur la tempe du flic dans un gros plan cinématographique. Et puis une fois toute cette ambiance théâtrale mise en place, il aurait alors relevé la tête d’un air grave avant que la vérité ne s’abatte comme un coup de massue ; c’est notre homme.
Parce qu’il y avait plutôt intérêt que ça le soit ?
Les paris avaient été lancés avec quelques détenus, ça avait été le sujet de conversation de la matinée. Est-ce que Randolf s’est réellement évadé ? Est-ce que Randolf s’est fait descendre approximativement une heure après son évasion ?
Hm.
Mais pour le savoir, il faut déjà voir le corps. Et pour ça, il faut rentrer dans le bâtiment. Au moins ça ? Parce que si on rentre dans le corps, c’est tout de suite problématique …
…
Bref.
Non parce que ça aurait pu le faire marrer, le flic, si il n’était pas pendu à son téléphone depuis presque un quart d’heure. Oh une petite blague sur la nécrophilie, ça ne fait de mal à personne pas vrai ? De toute façon, ils sont déjà morts …
Tout comme ça aurait pu le faire marrer, Cain, de l’entendre demander à Poupoune de ne pas divulguer ses photos en dessous féminins, si ça ne faisait pas un quart d’heure qu’il attendait dehors comme un chien … Ouais, ils auraient pu être hilare tous les deux ! Se fendre la poire à coup de hache, se taper dans le dos comme des bonhommes et le maton l’aurait probablement ramassé après l’avoir fait s’envoler dans une haie sur le coup …
Mais non.
Parce que sa patience a des limites et que dans l’immédiat, il n’a pas envie de l’encastrer accidentellement dans le mur après une franche rigolade.
Alors le mégot est jeté sur la voie publique sans ménagement et la fumée est soufflée en ouvrant la porte. De souffle, c’est d’ailleurs ce qui semblait manquer à l’hôtesse d’accueil en lui indiquant la morgue. Est-ce qu’il s’était abstenu de lui faire sa fameuse blague de peur de la voir faire une crise d’asthme ? Ou est-ce qu’il se dirigeait d’un pas déterminé vers le QG des bouchers-charcutiers de la mort dans l’espoir de trouver une Ventoline ? Consciencieux ou pas tout à fait, il avait visiblement au moins l’intention d’avoir le rire frais lorsqu’on le voit avaler un bonbon à la menthe avant de frapper à la porte.

Comment le type lui avait dit qu’il pouvait s’appeler déjà au téléphone ?
Randolf.
Oui, c’était ça, Randolf. Son regard se concentre un peu mieux sur ses traits, et ses lèvres se portent à son gobelet pour prendre quelques gorgées de café tandis qu’elle l’examine.
ça lui va mal. Il n’a pas une tête à s’appeler Randolf. A l’école, on a dû se foutre de sa gueule à cause de ça. Au moment des fêtes de fin d’année, on devait s’amuser à l’appeler Rudolf et à lui chanter la chanson du renne.
Alors que le gamin qu’il était à l’époque n’y pouvait pas grand chose.
C’est vrai. Ses parents avaient juste très mal choisi. Parce qu’il avait une tête à s’appeler Lincoln, ou un truc du genre, charme atypique et air de revendre des cachets en douce. Le bad boy par excellence qui devait faire tourner la tête des jolies filles à partir du lycée.
Mais comme il s’appelait Randolf, il n’avait perdu sa virginité que tardivement. ça l’avait rendu aigri, il avait fini en prison.
Alors elle soupire, et elle compatit « Je suis sincèrement désolée pour toi. C’est un truc de parents de faire ça, ils nous aiment jamais assez. Tu sais ce que je dis toujours ? Y’a pas de mauvais gamin, y’a que des mauvais parents qui élèvent de futurs mauvais parents. Notre société est dans un cercle vicieux. » alors forcément, le réarmement, elle est contre.
Son doigt tapote sur le gobelet, elle jette un coup d’oeil à son heure… et s’éloigne de son compagnon pour les heures à venir le temps de faire un autre gobelet qu’elle dépose près de la table ou elle compte faire connaissance avec lui.
Soit l’ouvrir, le vider, lui donner un petit coup de frais, les grands classiques « Ne me laisse pas boire seule, ça me déprime. » en même temps, lui, il n’a plus trop de raison de déprimer « T’as vraiment pas de chance parce que j’crois que tu vas te réincarner en un truc mortellement chiant pour compenser ta vie chaotique. Je sens émaner de toi des ondes d’expert comptable Randy… j’me permets, j’vais voir tes intestins et tout le reste. »

Elle aurait pu en voir d’autres, mais elle avait été désignée.
Et depuis elle attendait.
Fallait identifier ce type, le flic au téléphone lui avait dit que c’était quasiment du tout cuit et qu’il n’y en aurait pas pour long.
Mais le temps lui donne l’impression de s’étirer légèrement.
Si Randolf est Randolf. Il y a un monde assez proche, en tout cas assez prévisible, où elle lui fait la totale version strict minimum. Le forfait gold, il est pour les richards avec des familles aimantes. Mais elle en prendra soin, elle s’y engage. Même s’il y avait mieux dans la pièce d’à côté et qu’elle s’est dévouée pour passer à côté du mort de la semaine… peut-être même du mois.
Nouveau soupir… il avait l’air si cool à ouvrir.
Mais non… elle, elle a Randolf le Gris « Je t’en veux pas… enfin pas trop. Parce que dans le fond, on n’en serait pas là si t’avais envoyé chier Stacy en 3ème quand elle t’as dit que Rudolf n’avait pas de gros nez rouge en bas. » … c’est ça de se dévouer pour l’équipe, on tombe sur la monture et pas le monteur.
En même temps Santa… c’est pas vraiment…

« Entrez. » … c’est pas vraiment…
Comme on dit plus au nord : oh wow.
Le Nord ou les taureaux de Normandie, on ne savait plus trop.
La Belle Bête. C’est en tout cas le truc qu’elle serait en droit de penser à voir rentrer l’un des premiers rôles du reboot de la série Prison Break. Pardon les Scofield, elle change de camp tout de suite.
De bas en haut, le regard n’éprouve aucune honte à analyser d’un aller-retour avant de retrouver Randolf.
Sceptique, elle ne peut s’empêcher de lui demander alors « Et tu t’es évadé ? » alors qu’il aurait pu déclencher quelques bastons dans la cour pour se faire punir par la plus majestueuse Bête de la Foire du Trône.
Problématique ? Mauvaise influence. Elle ne nommera pas Jaki. On ne dénonce pas un associé.
C’était qui déjà le mort d’à côté ? « Bonjour. Vous êtes tout seul ? Je pensais que la police venait. » aucune importance. Elle était prêt à se faire passer les menottes.
Ceci dit, il suffisait de fouiller dans son casier pour trouver un peu d’herbe de Normandie pour ça.

La porte est poussée quand le go est donné. L’homme n’est pas craintif, il ne ressent pas le moindre soupçon d’appréhension à l’idée de voir un cadavre. Il a vu bien trop de choses pour que cela lui torture les tripes. Il en a décroché bien trop dans leur cellule pour que cela lui hante l’esprit.
La salutation passait ses lèvres tandis qu’il refermait la porte derrière lui. « Bonjour. »
C’était probablement le bon moment pour directement enchaîner avec la raison du pourquoi il est ici … À moins que de nombreux random viennent se perdre ici ? Attendez, des gens ne voient pas cette adorable pastille rouge ?
Pourtant, il n’avait pas enchaîné. Parce que si un regard c’était perdu, il l’avait retrouvé ?
Elle n’avait pas eu recours à des coups d’œils-de-pie discrets, timides et suivis de gloussement. Elle, elle avait maté sans ménagement. Cette assurance l’avait un peu étonné mais ne lui déplaisait pas pour autant. C’est limite si il n’avait pas senti une main lui claquer le cul quand elle avait finalement détourné le regard. Une prémonition ?
En tout cas, lui, il n’aurait jamais prédit que de si jolies fleurs poussaient dans des lieux aussi macabres. Et non Randolf, on ne parle pas de toi.
C’est d’ailleurs peut être parce que l’intéressé n’est plus en capacité de prendre la parole qu’il avait rétorqué. « Moi je comprend pourquoi. » Le sourire en coin était léger. Est-ce que l’ancien prisonnier était pour une fois dans son existence envié ?
« Oh, mais il est là ! » Le pouce désignait la porte derrière lui. « Il est devant. En grande discussion avec Poupoune pour les papiers du divorce. Depuis approximativement … » Un bref regard à sa montre pour annoncer. « Vingt minutes à l’instant T. » En même temps quand on appelle sa femme Poupoune, il ne faut pas s’étonner quand elle finit par claquer la porte. « Je l’ai entendu dire un truc du genre: comment ça un gang bang c’est pas un centre d’entraînement au tir ? Alors vous savez, je pense qu' à partir de là, il en a pour un moment. »
C’est l’orgie de l’ignorance ou du déni à ce niveau ? La seule certitude était que tu es désopilant Cain. T’es plus un maître d’humour que de la patience et de la compassion. T'aurais pas pu lui donner une petite tape dans le dos pour l’encourager ? Lui montrer une vidéo de ce que c’est ?
Ça aurait surtout été déplacé et t’es peut être pas problématique à ce point là. Après une heure ou deux. t’aurait pu envisager d’effectuer cette recherche google pour des raisons purement informative, pour sauver un camarade de l’ignorance quand il t’aura fait poireauter pendant des heures, soupirer un milliard de fois et que tes poumons soient aussi flingués qu’un bout de charbon après toutes les clopes que tu aurais enchaîné. Mais tu croyais en ton prochain et aux capacités de compréhension du policier. Courage mon champion !
« Mais on peut toujours l’attendre si vous voulez, dans l’état où il est, il ne risque plus de s’évader. »  Tiens, soudainement tu n’es plus pressé ? « Vous avez qu’à faire vos … trucs, je sais pas trop ce que vous allez lui faire mais en tout cas, je vais m’asseoir. » Il avait tiré un pauvre tabouret pour s’y installer. Et si t’as pas le droit d’être là ? Spécifiquement parce qu’il y a une adorable pastille rouge ?
Trop tard.

Quelle créature des enfers avait pondu ce truc qui incitait à s’écarter des voies du seigneur ? Parce que si les siennes n’étaient pas si impénétrables que ça (pardon ?), elle avait bien envie de devenir la catin de sa mythologie là, maintenant, tout de suite ?
Pardon ? Devant Randolf ?
Reprenons nous voyons. Elle était une professionnelle de la mort, sur ses heures de travail.
Vrai. Mais ça ne l’empêche pas d’analyser rapidement le nouveau venu pour déterminer qu’il est plutôt côté des flammes, que paradis. ça se voit. Il sent le cul. Ou il l’appelle, peu importe.
En outre, il y avait des types de beauté en ce bas monde, facile à classer, et la sienne est loin d’être du genre céleste.
Il rend le boulot plus doux ceci dit, il faut lui reconnaître. Et si Randolf est compris, elle admet se projeter un instant derrière des barreaux, elle qui a pourtant toujours eu tellement soif de liberté au point de la crier comme dans ce bon vieux braveheart.

Pas de flic, pas de scenario à 3. D’un autre côté, les menottes, l’uniforme qui va avec leur insigne, elle se demande s’il n’est pas un peu surcoté.
Non parce qu’un type qui surnomme sa femme poupoune... la niaiserie, c’est pas vraiment son délire. Surtout si Monsieur est en plus de ça un inculte. Des éducations, elle veut bien en faire, mais pas au point de sacrifier sa dignité. Niveau innocence, elle trouve celle de Lily beaucoup plus attendrissante.
« Triste pour Poupoune, mais le manque de culture je comprends que ça puisse être un red flag. » enfin red flag, elle s’est mariée avec l’inculte sans rien lui apprendre, n’est-ce pas un scandale aussi ?
Madee n’en sait rien, elle n’a pas vu la gueule du flic en question, elle ne peut pas en juger.
Et puis, pour être tout à fait franche, elle aurait dû mal à croire qu’il soit plus “remarquable” que le maton du coin.

« ça me va. » de perdre son temps alors qu’elle a du boulot ?
La compagnie est charmante, la perte de temps semble valoir le coup à première vue « Des trucs qu’il aurait pas tellement aimés de son vivant malgré mes talents. » pour ? Ouvrir les cadavres ? Oh elle n’avait pas que ceux-là. Mais elle abandonne Randolf et la partie sous-entendus envisagée pour prendre le café encore fumant près du premier et le tendre au maton « Il n’y a pas touché, il est à vous. » son regard s’abaisse puis elle boit quelques gorgées du sien en camouflant un sourire derrière son récipient. Lily aurait compris sa cause en l’entendant ajouter « J’adore vos chaussures. » fallait qu’elle arrête avec ça, sans doute. Ou sans doute pas. Vieille manie. ça lui semble important, ça ne trahit jamais. Mais est-ce qu’on est bien sûr de vouloir se laisser à aller à une petite période d’obsession maintenant ?
Aux premiers abords, elle dirait que oui « Du coup c’est bien Rudolf ? » Randolf… c’est moche… on ne se moque pas des copains comme ça « Pourquoi il était en prison ? » ça ne changera rien au contenu de son bide, mais la curiosité est un défaut qu’elle aime cultiver. Surtout quand la source a un timbre de voix charmant.

Dans le fond, il n’avait pas prouvé son identité. Il aurait pu être un de ses camarades de crimes un peu con qui refuse de croire que son pote est mort et qui cherche à le faire évader. Il aurait pu être un dégénéré qui s’amuse à se balader dans les morgues pour passer le temps. A l’accueil, on avait bu ses paroles sans la présence du flic et sans qu’il n’ait à présenter une quelconque pièce d’identité. Un manque cruel de mesures de sécurité même si finalement, nous nous accordons tous pour dire que aucun frêle agent de sécurité n’aurait pu l’arrêter ?  Vous la voyez-vous aussi ? Cette scène de corrida sans mise à mort où le taureau en ressort vainqueur ?
Par chance pour le vigile, il avait été épargné, à l’accueil comme au sein même de la morgue.
Une histoire pareille, même avec toute la volonté du monde, il ne pouvait pas l’inventer. Su Hwan était sa référence en qualité d’esprit sain. Su Hwan sait ce qu’est un gangbang, il en est persuadé. Le flic n’a aucune excuse, qu’a-t-il fait durant son adolescence ? « Je ne sais pas si j’ai de la compassion, je suis surtout un condensé d’incompréhension. »
A quoi ressemblait leur vie sexuelle ? Est-il si ignorant que ça ? Est-il réellement encore entrain de discuter ou est-il entrain de pleurer devant un porno ? Est-il possible de pleurer devant un porno sans ressentir la moindre excitation ?
Cela pourrait probablement être leur sujet de discussion en attendant le retour du capitaine des niais ou du moins, le fil conducteur de ses pensées. Parce que si il n’a qu’à se contenter de patienter, la dame a quand même du travail et en l’occurrence, des choses qu’il n’aurait apparemment pas aimé de son vivant. Pourtant, un léger rire avait glissé hors de ses lèvres. « Oh, vous ne connaissez pas Randolf. » De son vivant du moins ? « Il avait quelques côté un peu bizarre … Du genre à vouloir à tout prix être matraqué tout en prétendant le refuser ? » Combien de fois a-t-il eu cet air de matraque moi Cain alors que ses lèvres suppliaient le contraire ? Vraiment déroutant.
…
Ou peut-être que Cain ne voulait pas voir la vérité en face.
Cela n’a de toute façon plus d’importance quand un café lui est servi. Un café fumant qui n’est pas celui de la jeune femme. Un café qui était posé près d’un cadavre. Mais un café que le cadavre n’avait pas touché ? « … » Vague d’incompréhension et d’hésitation. « Vous l’aviez fait spécialement pour lui ? » Et pendant qu’il se demande si la proximité avec un mort allait en changer le goût, il ne voit pas son regard vers ses chaussures ? Que dis-je ? Ces immenses pieds.
Le compliment lui semblait si inattendu qu’il avait pris un léger instant pour regarder ce qu’il avait aux pieds. Était-ce ironique ? Aux dernières nouvelles, il ne portait pas de quoi faire hurler de douleur un certain Cha ou une autre rouquine, il en venait donc à la conclusion qu’elle était sincère. « Merci. »
Sa gorge avait été ensuite raclée quelques instants avant que sa mémoire ne soit sollicitée. « Hm. Déjà, il est mal parti dans la vie. » Quoi ? « Il s’appelle Randolf. » C’est donc comme ça que tu parles des morts ? « Mais avant de vous dévoiler la vérité, vous ne voudriez pas essayer de deviner ? » Il avait balayé la pièce du regard avant de le reposer sur elle avec un léger sourire. « J’imagine qu’ici, vous refaites la vie des gens. Je suis curieux de savoir ce que vous lui aurez imaginé comme crime ? » A part avoir un prénom de merde, du coup.

Randolf était donc ce genre de mec ? Il aimait le fouet et qu’on lui parle mal.
Hum, pas si curieux que ça quand elle y pensait. Sûrement un truc rapport à l’humiliation de Stacy. Une vibration ressentie à ce moment-là.
On s’égare, on s’égare. Mais elle a de la compagnie bien trop sexy pour le faire davantage.
La vie imaginaire de Randolf attendra « C’est toujours mieux de tenir le fouet, ou la matraque dans votre cas, dans ce bas monde mais on ne juge pas. Il faut de tout. » c’est quel genre de première conversation ça ?
Clairement le genre à vous entacher une image… quand on a quelque chose à foutre.
Et quand ça vous offre le café d’un mort, on ne doute pas du manque d’investissement sur le sujet.
« Etant donné qu’il a aimé vos coups de matraque, il peut bien vous l’offrir non ? » parce qu’on n’en doute pas, le mec aux grands pieds, c’était son maton préféré. Celui dont il voulait toujours se faire remarquer. Randolf, il a toujours aimé les muscles, il aimait les courbes que ça faisait sur un avant bras et leur odeur à la salle de muscu « Prenez ça comme un dernier adieu. » la caféine est rendue si triste.

Elle boit la sienne, s’appuie contre la table où tant se sont fait ouvrir et dévisage un instant son copain d’attente auquel elle adresse un sourire en hochant la tête. Elle ne peut que le rejoindre là-dessus, ses parents détestaient manifestement leur gamin.
«[color=#9999cc] et donc ?
Elle prend deux gorgées de café avant de détourner les yeux vers Randolf dont elle tourne doucement la tête de sa main libre. Perturbant pour certains peut-être, mais pas pour elle qui en verra tellement plus de lui. Et puis ce n’est pas tellement poli de parler de quelqu’un sans le regarder, à ce qu’on dit du moins « Selon moi trafic de drogues. Il a une tête à revendre des trucs en douce depuis le lycée. Il a mal tourné, de fil en aiguille, de mauvaise rencontre en mauvaise rencontre, il s’est fait pincer bêtement par un flic sous couverture lui qui disait toujours qu’il était trop malin pour ça. Faut dire qu’à se sentir si malin, il a commencé à manquer de prudence. ça plus la gourmandise de vouloir vendre toujours plus, il a mal négocié l’élargissement de sa clientèle qui a attiré l'attention vers lui. » et si le type en a buté un autre ?
De ses deux doigts, elle replace sa tête avant de reposer son regard sur le maton « Faut l’excuser, ses parents ne l’ont clairement jamais aimé pour l’appeler Randolf. » et il s’appelle comment ton revendeur à toi Madee ?

Hm.
Il n’y a pas un écriteau quelque part ? Un de ces petits panneaux jaunes avec ce fameux petit dessin de bonhomme qui chute ? Ceux avec écrit en gras, sol glissant ?
L’allèle Beauf ne fait pourtant normalement pas parti de son ADN.
Normalement, il est pas trop con Cain.
Il n’a pas le rire gras et des paroles qui pourraient amener des légions de féministes à vous poursuivre sur une plage pendant que vous fuyez pour sauver votre peau à l’image d’un plaisant Jak.
Normalement, il est plutôt concentré. Randolf aime les coups de matraque du coup ? Les paroles de la jeune femme sont acquiescées avec un léger sourire. « Dans ma profession, c’est le meilleur rôle qu’on puisse avoir effectivement. Je préfère être de mon côté des barreaux que le leur. » Et avec toi de ce côté, il y en a pas mal qui aimerait être considéré coupable avant même d’avoir été jugé. « Mais je ne peux qu’approuver même dans un cadre autre que professionnel. » Personnel tu veux dire ? « Vous êtes plutôt fouet vous du coup ? »
Pas beauf.
Pas con.
Un peu problématique alors ?
En tout cas, ce café légué par le cadavre de Randolf avait eu le don d’effacer quelque peu le sourire malin que sa plaisanterie avait fait naître. Il n’était pas traumatisé mais … quelque peu méfiant et mal à l’aise ? Pourtant des corps, il en avait vu. Malheureusement, il avait même dû en décrocher … Mais le problème n’était pas véritablement de le voir, mais plutôt de boire son café ? « Sa dernière volonté ? » Ca le faisait sourire et il avait même pris son courage à deux mains pour boire une gorgée. Ca allait ? Il n’en était pas mort ?
L’avantage, c’est qu’il n’aurait pas eu à aller bien loin pour être préparé.

Et quel genre de vie elle lui aurait imaginé ?
Il espérait quelque chose de plus flamboyant que ce pauvre Randolf. Est-ce que ses parents à lui l’ont au moins aimé ? Il préférait encore passer.
Il écoutait attentivement cette vie prêtée, un léger sourire inscrit sur les lèvres. Tout n’était pas vrai, tout n’était pas faux. L’ancien condamné aurait sûrement adoré l’entendre le qualifier de malin même si le reste n’est pas tout à fait élogieux. Il lui aurait même sûrement donné un coup de coude dans le bras en annonçant fièrement ; T’as vu ?
Alors à la fin de son discours, il avait agité sa tête pour mentionner l’hésitation. « Il y a du vrai. » Vous allez encore insister sur le fait que ses parents ne l’aimaient pas ? « Randolf s’était le genre de type un peu con qui pensait être plus malin que les autres oui … » Vous vous souvenez de son air fier après le discours du canon ? Bah il aurait certainement disparu après celles de son maton. « Vachement influençable qui plus est. Alors il a commencé par la vente au lycée et puis il a fait des conneries ici et là, faisant des aller et retours liberté/prison. J’ai dû entendre son discours de départ au moins … cinq fois ? » Celui où il prononçait fièrement : Tu ne me verras plus jamais Cain ! « Et puis la dernière, il s’est fait coffrer pour avoir braqué une supérette ... en ayant seulement peint son visage en noir, s’imaginant que c’était un masque suffisant … » Ce n’était pas un mauvais bougre Randolf, il était juste … « Ce n’était pas le pingouin qui glissait le plus loin sur la banquise quoi. » Qu’il repose en paix ? « Ah oui, et sa mère l’a accouché dans les escaliers. Du coup c’est normal si … » Il avait désigné vaguement le haut de sa tête sans trop en ajouter. Elle savait ce qu’elle faisait ?

Faut être tout à fait honnête, malgré les fantasmes et les plaisanteries avec Lily, elle ne tiendrait pas si longtemps que ça derrière les barreaux.
ça, ou elle deviendrait la reine du trafic de clopes.
On ne le sait pas trop.
On espère qu’on le saura jamais.
Mais se faire priver de sa liberté, pas sûr que ça lui réussisse si bien que ça. Puis, elle n’aurait sans doute pas un aussi beau morceau à mater en guise de maton. Avec sa chance, le sien mesurerait 1m50, serait totalement idiot et pas vraiment adroit pour écrire leur scenario de film porno.
« Définitivement. » parce que sur cette terre il faut des reines pour surpasser les rois « Mais je ne suis pas contre les expériences. Dans la vie, il faut savoir ne pas s’imposer de limites pour tromper l’ennui. » on parle toujours mode de vie là ?
Bien sûr. De quoi auraient-ils bien pu parler d’autres eux qui ne se connaissaient même pas il y a cinq minutes ?
Tu ne sais même pas comment il s’appelle.
Pour elle ce sera Bozzo le Hot vu la taille de ses pieds.
« S’il goûte meilleur pour vous, vous pouvez voir ça comme ça. »

Il est pas si mauvais le café du coin.
Ou peut-être qu’elle le pense parce qu’elle commence à en connaître trop bien le goût.
En tout cas, il lui inspire des vies. Ici celle de Randolf. Que son camarade de caféïne lui dévoile avec plus de véracité ensuite.
C’est un peu triste.
Elle aime bien les cons, elle les trouve attachants.
Alors cette histoire du p’tit Randolf qui s’en va et revient sans jamais démarrer autre chose dans sa vie pour au final terminer sur sa table, elle n’a rien de joyeux.
Faut lui rajouter des couleurs. Quelques jolies choses histoire de rendre le truc moins pitoyable.
Pauvre Randolf qui a commencé sa vie en chutant des escaliers et ne s’est jamais totalement relevé.
« Ouais mais il a eu une ex incroyable qui ne l’a jamais totalement oubliée. » donc Randolf est hétéro « Elle a refait sa vie avec un américain, mais à la cérémonie de mariage elle a failli se tirer pour retrouver Randolf parce que c’était un Dieu au lit. » ah oui ?
Qu’est-ce qu’elle en sait ?
Mais le pauvre est mort, sa vie a été nulle, faut bien que quelqu’un se charge de dorer un peu son blason au-dessus de son cadavre « D’ailleurs elle pourra coucher avec qui elle veut, ce sera jamais aussi torride qu’avec ce bon vieux Randolf. Il glissait peut-être pas loin sur la banquise, mais au lit, il marquait des paniers à 3 points. »