C’était sa première mission depuis qu’elle était arrivée à Gwangju. La première fois qu’une partie de l’équipe qui constituait l’antenne implantée dans la ville était en service. Et Eun Bin en faisait partie. Parce qu’elle avait rapidement eu envie de se mettre au travail. Elle était installée depuis assez de jours pour se sentir à l’aise mais elle savait qu’elle ne devait pas encore tourner en rond chez elle. C’était bien trop tôt pour le faire. Et puis la mission du jour n’était pas tellement compliquée, alors elle avait accepté avec plaisir de faire partie des gardes du corps d’une célèbre équipe de basket nationale, qui disputait aujourd’hui même un match au gymnase de Gwangju. Un match certes caritatif, mais les grands du club avaient insisté pour qu’une équipe qualifiée soit rattachée à leurs joueurs le temps de leur séjour dans la ville. Car aussi étonnant que cela puisse paraître, même les joueurs de basket avaient leurs fans un peu dérangés, qui venaient les importuner. Et ce n’était jamais quelque chose d’agréable.

Actuellement, elle « montait la garde » devant l’infirmerie, l’un des joueurs dont elle assurait la sécurité s’était blessé lors de la première partie du match. Alors elle attend patiemment devant la porte, alerte à tout ce qu’il se passe autour d’elle, roulant des épaules de temps en temps. Après le déménagement, elle avait tout de suite enchaîné avec sa routine sportive habituelle, ce que ses épaules ne semblent pas avoir apprécié. Mais ça ne la gênait pas plus que ça pour travailler, alors elle n’avait rien dit et n’avait pas consulté. Les patchs chauffants étaient largement suffisants pour le moment. Au bout d’un moment, le joueur sort de l’infirmerie, accompagné d’une personne. Sans doute celle qui s’était occupée de lui. La garde du corps se rapproche du duo, en grande discussion, et d’un sourire, les regarde chacun leur tour. « Tout va bien ? Peut-on retourner sur le terrain ? » Finalement, son regard se bloque sur la seconde personne. Cette dernière, un homme, lui donne comme une impression de déjà vu. Mais impossible de savoir d’où. Elle n’y prête pas plus attention que ça et se concentre sur son protégé, pour le moment, roulant des épaules une nouvelle fois, sans réellement s’en rendre compte. « On y va ? » demande-t-elle au joueur, avant de se retourner vers l’autre homme : « On sera peut-être encore amené à se revoir durant l'événement » dit-elle d’un sourire. « Profitez bien du match si vous en avez l’occasion » conclut-elle avant de partir vers le terrain.

La journée l'enchantait tout particulièrement. C'était la première fois qu'il se déplaçait une journée entière pour être un peu le premier répondant lors d'un match sportif. Sauf que ce n'est pas ce qui le rendait aussi fébrile. Le sport en question était le basketball et ça le faisait redevenir un enfant émerveillé. Beomseok possède un amour parfaitement pur pour cette discipline sportive. Ce n'est pas pour rien qu'il a étudié pour devenir joueur professionnel. Avant d'aller à l'armée. Car l'armée lui a fait réaliser encore plus de choses et c'est en en revenant qu'il a changé de parcours scolaire. Il est heureux en tant que thérapeute, c'est une certitude, mais il ne peut s'empêcher de rêver encore à la carrière sportive qui s'offrait à lui et qu'il n'aura jamais. Le choix n'a pas été facile à faire entre vivre son plus grand rêve de toujours et devenir quelqu'un sur qui on peut compter. Et au final, c'est probablement son désir de se repenter qui a fait pencher la balance. Aujourd'hui, il se rend compte qu'il y a un bon moment qu'il n'a plus touché à un ballon de basket et la nostalgie le frappe. Pas assez pour supplanter son excitation de se retrouver à un match, toutefois. Avec des joueurs célèbres ; des idoles, pour lui. Alors comment rester tranquille dans son coin? C'est tout simplement impossible. Il reste toutefois à l'affût de la moindre blessure potentielle et c'est de cette façon qu'il se retrouve sur le terrain lorsque l'un des joueurs s'effondre. C'est un peu la panique dans les estrades, mais il n'entend pas. Plus rien autour de lui n'a d'importance, il est complètement axé sur le joueur qui ne semble pas en très mauvais état. Simplement un manque d'hydratation important. Pas encore tout à fait déshydraté, mais à la limite du point de rupture. Une fois dans l'infirmerie, Beomseok est plus en mesure de pouvoir prendre soin du joueur. Une simple boisson riche en électrolyte et le tour est joué. Il en profite toutefois pour vérifier qu'il ne se blessera pas une fois de retour sur le terrain avant de lui donner sa permission pour retourner jouer. Il l'accompagne donc jusqu'à l'extérieur de la pièce tout en conversant avec lui. Et une demoiselle ne tarde pas à venir les interrompre. De ce qu'il a pu observer, elle semble faire partie de la garde rapprochée des joueurs. ━ Absolument! Il faut simplement rester hydraté! Il offre un sourire à son interlocutrice, puis au joueur. Le thérapeute remarque ensuite le roulement d'épaules de la jeune femme et ne peut s'empêcher d'aquiescer à ses propos. ━ J'en suis même certain! Il ne sait pourquoi il ressent une sensation de familiarité en sa présence, mais il n'a pas le temps d'essayer de mettre le doigt dessus qu'il les voit s'éloigner doucement. ━ Je n'y manquerai pas. Pas du tout. Il s'empresse de récupérer quelques affaires avant de retourner regarder le match. Après quelques instants, il remarque la silhouette un peu en retrait de la demoiselle qu'il vient tout juste de croiser et il décide d'aller la rejoindre. ━ Ça va, vos épaules? J'ai remarqué que vous les faisiez rouler, tout à l'heure.

Eun Bin avait déjà effectué un certain nombre de missions, mais c’était la première fois qu’elle pouvait assister à un évènement sportif d’aussi prêt. D’habitude, les sportifs qu’elle devait protéger étaient en déplacement où alors ne courraient aucun risque pendant leur pratique sportive. En réalité, cette fois-ci n’était pas vraiment différente des précédentes. C’est plutôt le directeur de l’équipe qui avait invité les membres de l’équipe de sécurité à profiter du match aux premières loges. Et c’était rare, alors Eun Bin en profitait à fond, tout en restant sur le qui-vive. Au cas où. Car le risque zéro n’existe pas. Nulle part.

Aussi bien le joueur qu’elle étaient rassurés par le discours du médecin. Ça aurait été un coup dur pour le sportif de devoir arrêter le match en plein milieu. « C’est vrai que maintenant que vous le dites, je n’ai pas l’impression qu’il a bu énormément. Faites plus attention à vous s’il vous plaît. Je peux vous protéger contre les attaques extérieures mais pas contre vous-même… » Elle disait cela avec bienveillance, et elle se rendit compte que le joueur apparaissait légèrement embarrassé. Elle lui sourit pour le rassurer avant de s’incliner vers le professionnel de santé, pouvant ensuite raccompagner le joueur sur le terrain. Ce dernier retourne rapidement dans le match, et Eun Bin profite à nouveau de cet instant, tout en se massant les épaules de temps en temps. A tous les coups, si les déménageurs n’avaient pas oublié de monter ce meuble, ses épaules seraient encore entières. Enfin il faut aussi dire qu’elle avait tout de suite enchaîné avec du sport, ce qui n’était peut-être pas non plus une bonne idée, avec du recul.

La garde du corps avait remarqué qu’on s’approchait d’elle, alors elle n’était pas surprise d’entendre quelqu’un lui parler. Elle se tourne vers la personne avec un sourire, et reconnaît rapidement le médecin qui s’est occupé du joueur. « Vous l’avez remarqué ? Et moi qui pensait faire ça discrètement… » dit-elle en gonflant légèrement ses joues. Elle expire ensuite son air et répond à la question du jeune homme « Ça va. Je pense qu’enchaîner mon déménagement avec mes entraînements quotidiens n’a pas été une si bonne idée que ça au final. » explique-t-elle en passant sa main dans ses cheveux. « Je remercie chaque jour l’inventeur des patchs chauffants. Ça fait des miracles. » Eun Bin était encline à la conversation et aux sourires, pour une fois. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle se sentait bien aux côtés de cette personne, comme si ce n’était pas la première fois qu’ils discutaient ensemble. « Vous êtes médecin ? » Elle avait envie de laisser sa curiosité prendre le dessus. Après tout, c’est lui qui l’avait rejoint et elle avait aussi le droit de lui poser des questions. C’était sans compter un nouvel incident sur le terrain. Une chute d’un autre joueur. Eun Bin surveille alors la foule pour parer à un éventuel rassemblement. Elle n’avait pas vu l’action, alors impossible de savoir à cause de quoi le joueur avait chuté. « Beomseok, viens ! » entend-t-elle à ses côtés. L’homme qui était prêt d’elle rejoint alors le terrain, tandis que la respiration de la jeune femme se bloque, des flashs envahissants son esprit. Beomseok. Comme le nom d’un ancien camarade de classe. « Nae… Beomseok… ? » Elle savait que ça allait arriver. Qu’elle allait revoir des gens de son passé en revenant à Gwangju. Mais elle ne pensait pas que ça allait arriver ici et maintenant. Dans ces conditions. Elle sent la panique montée à l’idée qu’il la reconnaisse. Qu’allait-il penser d’elle ? Qu’a-t-il pensé d’elle quand les meurtres sont arrivés ? Comment allait-il la voir ? Prise de panique, Eun Bin s’enfuit du terrain et s’adosse contre une porte pour reprendre son souffle. Mais quand on a la poisse, c’est pour un certain temps semble-t-il, puisque la porte en question est celle de l’infirmerie.

Beomseok n'est pas quelqu'un de foncièrement méchant, comme le prouve son métier de thérapeute. Au contraire. C'est simplement qu'il est influençable et n'arrive pas à penser par lui-même. C'est aussi la peur de finir comme ses victimes qui l'a poussé à devenir un bourreau. La meilleure preuve de son bon fond est incontestablement les regrets qu'il éprouve vis-à-vis de son passé. Ses années de lycée, elles ne sont pas bonnes. C'est même l'inverse. À travers tout ça, il avait quand même réussi à trouver quelqu'un qui a attiré son regard d'une façon totalement différente. Même s'il a fini par lui réserver le même sort qu'aux autres, parce qu'il n'arrive pas à exprimer correctement ses sentiments. Encore aujourd'hui, il n'arrive pas à le faire, alors que Sora est revenu dans sa vie de façon totalement inattendue. Il ne sait toutefois pas s'il doit remercier ou maudire le destin pour ça. Loin de se douter que la demoiselle fait aussi partie de son passé, c'est nonchalamment qu'il l'a rejoint pour entamer la conversation. Évidemment, c'est sa déformation professionnelle qui se manifeste en premier alors qu'il souligne les tensions dans ses épaules. C'est flagrant pour ses yeux de thérapeute ; il a appris à repérer le moindre signe pouvant quant à des blessures. Il connaît les mouvements servant spécifiquement à une tentative de dissiper la tension. ━ Oh, mais c'était assez discret, simplement pas assez pour quelqu'un qui travaille en médecine sportive. Son sourire est avenant et les explications qu'il obtient lui font hocher doucement la tête. ━ C'est vrai que ça n'était pas la meilleure des idées. Continuez d'utiliser les patchs chauffantes et faites attention à vos mouvements. Un simple conseil, comme il le fait à journée longue, à vrai dire. Et lorsqu'ils ne sont pas suivis, il ne se gêne jamais pour laisser fuser des réprimandes à la consultation d'après. À quoi bon le consulter si ce n'est pas pour l'écouter? ━ Oui, c'est une branche de la médecine, je suis simplement spécialisé dans la thérapie sportive. Donc le titre de thérapeute est plus exact que celui de médecin. Il termine à peine sa phrase qu'un incident survient sur le terrain. Beomseok est interpellé et il courbe rapidement l'échine pour s'excuser auprès de la garde du corps, avant d'accourir sur le terrain. Le joueur a chuté et même s'il était occupé à discuter avec la demoiselle, il n'a rien manqué de ce qu'il se passait sur le terrain. Il soupçonne simplement une vilaine foulure de l'une de ses chevilles. Avec ça, il n'est pas près de retourner sur le terrain pour le reste du match. On se hâte à l'amener à l'infirmerie. Dont la porte est bloquée par la garde du corps en plein dans ce qui lui semble être une crise panique. Superbe. Heureusement qu'il n'est pas le seul médecin sur place. Il confie donc le joueur à son collègue du jour et s'occupe d'attirer la demoiselle un peu plus à l'écart pour libérer le passage. ━ Ça va. Respirez lentement. Concentrez-vous sur elle. Inspire. Expire. Inspire. Il n'y a malheureusement pas grand chose d'autre qu'il puisse faire dans cette situation, à l'exception de lui servir d'ancrage jusqu'à ce que la crise se dissipe.

tw : mentions de suicide, de harcèlement scolaire et de meurtre(s) ; crise d'anxiété/panique
Eun Bin devait vivre avec un passé qui ne lui plaisait guère. C’est pour cela qu’elle faisait tout pour oublier, même si c’était impossible. Pourtant, elle avait oublié certaines choses, notamment des visages. Pourtant, elle avait l’impression de reconnaître la personne qui venait de se poser à ses côtés. En même temps, ils devaient sans doute avoir à peu près le même âge, et il était sans doute de la ville. Si c’était le cas, ils ont dû se croiser parfois, à l’époque. Mais Eun Bin n’a pas envie d’y réfléchir. Elle n’a pas envie de chercher à se souvenir, ça lui ferait bien trop de mal. Alors elle profite du moment présent, étant attentive à ce qu’il se passe autour d’eux tout en échangeant avec le médecin qu’elle avait croisé avant. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il avait l'œil. Il devait être très bon dans son domaine. Elle lui sourit, gênée, comme si elle était une petite fille prise en pleine bêtise. “ Je ne voulais pas perdre de temps en revenant ici, et je ne voulais pas faire attendre inutilement mes collègues en prenant quelques jours de repos. Mais avec le recul, je me dis que j’aurais quand même dû le faire…” À tous les coups, ses collègues ne lui auraient rien reproché. Après tout, ils sont comment une famille, et Eun Bin étant la plus jeune, la seule femme de l’équipe - les autres femmes de l’entreprise étaient restées à Séoul - et en plus la nièce du grand patron, ils se seraient même pliés en quatre pour elle, elle en était sûre. “Oui Docteur, je continuerais ainsi. Et si jamais ça persiste, je n’hésiterais pas à aller consulter.” Elle se montre taquine - ce qui est très étrange pour elle, d’autant plus devant un inconnu -, mais elle gardait ce sentiment de l’avoir déjà côtoyé et surtout, de s’être bien entendue avec lui.

Elle écoute avec attention ses explications sur son métier, car elle trouvait cela très intéressant et elle ignorait tout ce qu’il venait de lui apprendre, mais rapidement, son cerveau se vide, et elle ne se souvient absolument pas des dernières minutes qui viennent de s’écouler. Pire, elle se souvient du passé et comprend maintenant pourquoi elle avait l’impression de le connaître : parce que c’était le cas. Elle pensait réussir à le fuir, mais elle ne s’était pas réfugiée assez loin et se retrouvait maintenant en face de lui, en pleine crise d’angoisse. La voix de Beom Seok se mélangeait à celle de ses collègues dans son oreillette, alors elle la retire de son oreille d’un coup sec. Prise de vertige, sans toujours pouvoir respirer convenablement, elle s’accroche à ses bras et se concentre sur sa voix : ━ Inspire. Expire. Inspire. Elle l’écoute, ne le quitte pas des yeux et tente de respirer dans le rythme qu’il lui impose. Derrière le thérapeute, la jeune femme remarque la présence rassurante de son père et de son frère, qui semblent inquiets pour elle. Alors elle redouble d’effort et parvient à reprendre une respiration normale. A ce moment-là, leur présence disparaît et elle se concentre à nouveau sur le jeune homme en face d’elle, toujours accrochée à lui. “D… Désolée… Je… J’ai été prise par surprise… En entendant ton nom…” Elle ferme les yeux et s’appuie contre le mur derrière elle pour ne pas tomber. En rouvrant ses pupilles, elle se rend compte que Beom Seok ne comprend pas vraiment. Ce qui est logique en réalité. Lui ne l’avait sans doute pas reconnue. “Je… Je suis Eun Bin… Ton ancienne camarade de classe… Celle… Celle dont la mère est une meurtrière…” Elle baisse la tête, refusant de le regarder. Elle a trop peur de sa réaction. Pourtant, elle n’arrive pas à se résoudre à le lâcher. Elle se sent pitoyable et voudrait se cacher pour toujours. Mais il faut bien, pour avancer et pour grandir, affronter les parts compliquées de son passé.

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Loin de se douter que c'est par sa faute si Eun Bin est en proie à une crise d'anxiété, il s'efforce de la calmer. D'abord, avec un contact léger, puis avec un exercice de respiration. Il ne peut rien faire de plus que d'attendre que la crise passe. Néanmoins, lui parler peut servir de point d'ancrage pour elle et se concentrer sur ce qu'il lui dit ainsi que sur sa respiration est probablement le meilleur moyen pour qu'elle ne parte pas trop en vrille. Elle finit par s'accrocher à ses bras, les yeux ancrés dans les siens. Beomseok reste calme et récite un mot après l'autre comme un mantra. Elle arrive à se calquer sur le rythme qu'il lui impose et c'est une bonne nouvelle. Ça veut dire qu'elle n'est pas partie trop loin. Il ignore ce qui l'a fait paniquer de cette façon, mais compte bien le découvrir afin de l'aider à mieux se canaliser, la prochaine fois. Le silence finit par les envelopper lorsque la garde du corps reprend sa contenance. Elle ne le lâche toutefois pas, alors même qu'elle s'adosse au mur derrière elle. Il hausse un sourcil lorsqu'elle prend la parole. Puis son teint devient livide en analysant l'option où il a pu lui faire vivre un enfer au lycée. Serait-il son bourreau? Il espère bien que non. Le poids de la culpabilité ne s'en ferait sans doute que plus grand, si c'était le cas. Il n'ose même pas ouvrir la bouche pour prendre la parole, tellement il est pris par ses pensées et cette crainte de lui avoir fait subir des choses affreuses. Il n'a pas fait attention à cette subtile impression de la connaître avant maintenant et, de ce fait, il cherche frénétiquement dans sa mémoire. Les battements de son coeur l'assourdissent et il doit se concentrer plus intensément lorsqu'elle reprend la parole. Eun Bin... C'est le soulagement qui l'envahit et il relâche la respiration qu'il n'avait pas eu conscience de retenir jusqu'à maintenant. Elle fait partie d'un passé bien plus lointain que le lycée et il en est heureux. ━ Oh! La pianiste! Il constate bien évidemment son malaise lorsqu'elle parle de sa mère. Beomseok se souvient très bien de cette histoire malheureuse et il se sent oujours aussi désolé pour elle, aujourd'hui que ce fut le cas à l'époque où l'incident est survenu. ━ Ouah, mais quelle coïncidence! Le thérapeute lui offre un sourire qui se veut rassurant. ━ Ça fait un sacré bail, dis donc. Alors tu es donc devenue garde du corps. Ça a la classe. Ne pas se concentrer sur le sujet qui fâche. Si les rôles avaient été inversés, il n'aurait pas voulu qu'on lui parle du suicide de ce jeune étudiant qu'il harcelait, alors il ne parle pas du fait que sa mère soit une meurtrière. Ce n'est pas adéquat, comme sujet de conversation, de toute façon.

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Eun Bin avait toujours eu une bonne mémoire et un bon instinct. Dès le début, elle savait que cette personne ne lui était pas inconnue, mais elle n’avait pas réussi à se souvenir des détails. Peut-être que son esprit avait jugé que c’était trop tôt ? Vu la réaction qu’elle a eu en entendant son prénom, il avait sans doute eu raison. Ce n’était pas la crise de panique la plus violente qu’elle a eu à vivre, mais elle n’était pas agréable pour autant. Elle aurait sans doute sombré assez profondément si Beom Seok n’avait pas été là à cet instant, tentant de l’apaiser et de la calmer avec bienveillance et attention. Et cela fonctionnait. Petit à petit, elle se sentait revenir à elle, calmer sa respiration et les battements de son cœur, reprendre conscience du monde qui l’entoure. Elle parvient à s’excuser, et se rend compte que l’attitude de son vis-à-vis change. Alors elle se crispe, craignant qu’il l’ait finalement reconnu et qu’il se moque d’elle, qu’il l’humilie, qu’il soit méchant. Elle ferme les yeux, ne voulant pas affronter tout ça, mais parvient à décliner son identité, tremblante. Mais rapidement, c’est la surprise qui prend place sur son visage et elle le regarde sans trop le comprendre. Elle ne pensait pas du tout que quelqu’un l'assimilerait au piano. Instrument qu’elle n’a plus jamais touché et dont la sonorité lui procure des crises de panique - plus violentes que celle-ci - depuis ce fameux jour. “Oui, c’est ça, la pianiste” parvient-elle à souffler tout en se détendant lentement. A cet instant, elle se rend aussi compte qu’elle doit sans doute lui faire mal aux bras, à force de se tenir fermement à lui, alors elle le lâche doucement et parvient même à se redresser, retrouvant un peu de force dans ses jambes. “C’est effectivement une sacrée coïncidence. Je savais que j’allais revoir d’anciens camarades, mais je ne pensais pas que ça allait être le jour de ma première mission ici.”

Sans qu’elle ne s’en rende compte, Eun Bin se détend de plus en plus en la présence de Beom Seok. Intérieurement, elle ne fait que de le remercier, de ne pas parler de l’évènement, d’orienter la conversation vers autre chose. “Je ne pensais pas un jour trouver le “métier de mes rêves” et pourtant… Garde du corps c’est vraiment ma vocation je crois. Et toi alors ? Si mes souvenirs ne me jouent pas de tours, tu étais plus sur les terrains qu’en-dehors à l’époque.” Elle lui sourit doucement. Bien qu’elle soit encore un peu secouée, elle était contente de le revoir et de pouvoir échanger quelques mots avec lui. Il avait changé, mais d’un autre côté, elle avait l’impression que leur relation avait juste été mise sur pause. Il faut dire aussi qu’ils n’étaient pas réellement proches à l’adolescence, mais ils avaient parfois eu de longues discussions ensemble, même si ça tournait autour des cours. “Bon je suppose que je n’ai pas le choix que d’écouter tes conseils avec encore plus d’attention. Du coup, si mes douleurs persistent encore, je pourrais prendre rendez-vous avec toi ? Garde du corps est un métier sportif, je pense que je peux faire partie de tes patientes” suppose-t-elle avec une certaine malice. Elle n’avait pas envie de le gêner, elle voulait juste… Discuter et prendre un peu de temps pour elle, tant pis si elle était en plein milieu d’une mission.